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Jurisprudence : Responsabilité

jeudi 06 mars 2014
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Tribunal administratif de Montpellier 3ème chambre Jugement du 28 février 2014

Philippe W. / Chambre de commerce de Narbonne

création - faute - fonctionnaire - site internet - suspension des fonctions - webmaster

FAITS ET PROCÉDURE

Vu (I) la requête, enregistrée sous le n°1200423, le 25 janvier 2012, présentée pour M. Philippe W., par Me Bem ; M. W. demande au tribunal l’annulation de la décision du 30 novembre 2011 par laquelle le président de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne/Lézignan Corbières/Port La Nouvelle l’a suspendu de ses fonctions ;

Il soutient que :
– la décision n’est motivée ni en droit ni en fait ;
– la gravité des agissements fautifs reprochés ne justifie pas une mesure de suspension ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2012, présenté pour la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne/Lézignan Corbières/Port La Nouvelle qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. W. d’une somme de 1500 € en vertu de dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour M. W. qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2012, présenté pour la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne/Lézignan Corbières/Port La Nouvelle qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 24 juillet 2012 fixant la clôture d’instruction au 4 octobre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu (Il) la requête, enregistrée sous le n°1202291, le 23 mai 2012, présentée pour M. Philippe W., par Me Bern; M. W. demande au tribunal :
1°) l’annulation de la décision en date du 23 mars 2012 du président de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle prononçant sa révocation ;
2°) d’enjoindre au président de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle de prononcer sa réintégration ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle une somme de 2500 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :
– la décision est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
– la procédure disciplinaire est irrégulière, car il a bénéficié d’un délai insuffisant pour préparer sa défense après la consultation de son dossier personnel ;
– le non respect du principe de proportionnalité entre les agissements fautifs et la sanction n’est pas respecté, la décision est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2012, présenté pour la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :
– la décision est parfaitement motivée tant en fait qu’en droit ;
– aucun délai réglementaire n’est institué pour organiser sa défense entre la consultation du dossier et l’entretien avec un membre de la commission administrative paritaire, par ailleurs le requérant a eu plus d’un mois pour organiser sa défense entre la lettre de convocation du 8 décembre 2011 et l’entretien avec un membre de la commission administrative paritaire locale le 16 janvier 2012 ;
– les faits reprochés justifient la sanction de révocation ;

Vu le mémoire enregistré le 20 juillet 2012 pour M W. qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 20 septembre 2012 fixant la clôture d’instruction au 23 octobre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 83 63 4 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu l’arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, des chambres régionales de commerce et d’industrie et des groupements inter consulaires ;

Vu le code de la fonction publique ;

Vu le code de justice administrative ;

DISCUSSION

1. Considérant que les requêtes n°1200423 et 1202291 présentent à juger des questions connexes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

2. Considérant que M. W., webmaster, relevant du statut du personnel de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, exerçait ses fonctions auprès de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle ; que le président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne a pris à son encontre le 30 novembre 2011, une mesure de suspension de ses fonctions suivie, le 23 mars 2012, d’une mesure de révocation ; que le requérant demande l’annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision en date du 30 novembre 2011

3. Considérant qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu‘il s‘agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l‘autorité ayant le pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline, / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l‘indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n‘a été prise par l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire, l’intéressé, sauf s‘il est l’objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n‘est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l’alinéa précédent. Il continue, néanmoins à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille » ;

4. Considérant que la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que, dès lors, elle n’est ni au nombre des décisions qui doivent être motivées par application du premier alinéa de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979, ni au nombre des mesures pour lesquelles le fonctionnaire concerné doit être mis à même de consulter son dossier par application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut de communication du dossier ne sauraient être accueillis ;

5. Considérant qu’il n’est pas contesté que M. W. a créé sur le domaine de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne deux sites internet, dont l’un se présente comme un site officiel de cette compagnie consulaire, diffusant des informations extérieures voire étrangères à son champ de compétence et parfois contraires à la ligne directrice de l’action d’une chambre de commerce et d’industrie, que ni la création, ni le contenu de ces sites n’ont jamais reçu l’aval de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne ; qu’eu égard à la nature et au niveau des fonctions qu’il occupait, les faits qui lui étaient ainsi reprochés présentaient un caractère de gravité suffisant pour justifier une mesure de suspension à titre provisoire dans l’intérêt du service, et ce quand bien même les sites en question n’auraient été fermés que 3 semaines après la mesure de suspension ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. W. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision de suspension à titre conservatoire en date du 30 novembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision en date du 23 mars 2012

7. Considérant que la mesure attaquée fait mention des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

8. Considérant qu’aux termes de l’article annexe, article 37 de l’arrêté du 25 juillet 1997 susvisé : « (…) Avant toute sanction prévue à l’article 36-2°, 3°, 4° et 5°, l’agent doit pouvoir prendre connaissance de son dossier, être informé des faits qui lui sont reprochés et pouvoir présenter sa défense devant le Président de la commission paritaire locale. (…) » ; qu’aux termes de l’article annexe, article 36 du même arrêté « Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires sont : (…) 5° la révocation (…) » ; qu’aux termes de l’article annexe, article 5 du même arrêté « Il est institué pour chaque agent un dossier contenant tous les documents qui le concernent,. » ; qu’il appartenait à la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle d’informer l’intéressé qu’il avait le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part que le requérant a été régulièrement informé par courrier du 8 décembre 2011, qu’il avait la possibilité de consulter son dossier; qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à l’administration de laisser un délai déterminé entre la consultation du dossier et l’entretien avec le président de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle ; que d’autre part en adressant ce courrier à l’intéressé, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne Lézignan Corbières Port La Nouvelle a mis à même M. W., contrairement à ce que ce dernier soutient, d’organiser sa défense ; qu’ainsi M. W., qui, au demeurant a procédé à la consultation de l’intégralité de son dossier administratif 19 décembre 2011, n’est pas fondé à soutenir que la procédure suivie pour décider de sa sanction disciplinaire aurait été irrégulière ni que les droits de la défense auraient été méconnus ;

10. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les faits reprochés, tels qu’ils sont relatés au point 5 et non contestés par M. W., agent d’encadrement et de responsabilité, ont été de nature à rompre le lien de confiance l’unissant à son employeur, la chambre de commerce et d’industrie territoriale et présentaient, eu égard précisément à la nature des fonctions exercées et au niveau de responsabilité de l’intéressé, un caractère suffisant de gravité pour justifier légalement une mesure de révocation ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. W. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision de révocation en date du 23 mars 2012 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :
« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ;

13. Considérant que le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d’annulation de la requête n’implique aucune mesure d’exécution ; qu’il y a donc lieu de rejeter les conclusions de la requête à fin d’injonction ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

14. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. W. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. W. la somme demandée par la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne au titre des dispositions de l’article L761-1 du code de justice administrative ;

DÉCISION

Article 1er : Les requêtes n° 120423 et 1202291 de M. W. sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la chambre de commerce et d’industrie territoriale de Narbonne à fin d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Philippe W. et à la chambre de commerce et d’industrie de Narbonne/Lézignan Corbières/Port La Nouvelle.

Le tribunal : M. Bonmati (président), M. Souteyrand et Mme Houvenaghel (1er conseillers),

Avocats : Me Antony Bem, Me Cambon

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.