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Copie privée : la redevance basée aussi sur la contrefaçon est contraire à la directive
Sans ambiguïté, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé, dans un arrêt du 10 avril 2014, que la redevance pour copie privée ne pouvait absolument pas prendre en compte le préjudice subi par les ayants droit du fait des copies réalisées à partir de source illicite.
La directive du 22 mai 2001 offre aux Etats membres la faculté de prévoir une exception au droit de reproduction exclusif de l’auteur afin de permettre à l’utilisateur de se constituer une copie privée. Exception qui doit s’interpréter strictement, d’après une jurisprudence constante de la Cour. Partant de là, elle rappelle que l’exception pour copie privée ne doit pas porter atteinte aux objectifs de la directive visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Or, intégrer les copies de source illicite en constituerait une atteinte.
Une législation qui ne distingue pas la copie privée de source licite de la contrefaçon ne peut être tolérée, selon la Cour. Cela encouragerait, selon elle, la circulation de contrefaçons et entraînerait un préjudice injustifié pour les titulaires de droits. Par ailleurs, il appartient aux Etats membres qui autorisent la réalisation de copies privées d’assurer une application correcte de cette exception et de limiter les actes non autorisés.
Une fois ces bases posées, la Cour se prononce sur les contours de la « compensation équitable » que les Etats, qui prévoient une exception pour copie privée, doivent instaurer. Elle estime qu’ils ne sont pas libres d’adopter des paramètres « de manière incohérente et non harmonisée, susceptibles de varier d’un Etat membre à l’autre », car ce serait « contraire à l’objectif de ladite directive tendant à harmoniser certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ainsi qu’à empêcher les distorsions de concurrence dans le marché intérieur résultant de la diversité des législations des Etats membres ».
La Cour considère par ailleurs que le système de redevance instauré par les Etats doit maintenir un juste équilibre entre les droits et les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs. Or, cet équilibre ne serait pas respecté s’il n’y avait pas de distinction faite entre sources licites et illicites des copies à usage privé. En effet, elle juge que les acquéreurs d’équipements ou supports de reproduction seraient amenés à assumer un coût supplémentaire, en contribuant à la compensation du préjudice subi par la contrefaçon.
Cet arrêt conforte la position prise par le Conseil d’Etat. Dans un arrêt du 11 juillet 2008, il rappelle que la rémunération pour copie privée est destinée à compenser les pertes occasionnées par les copies privées, réalisées à partir d’une source acquise licitement, et non celles générées par la contrefaçon.
Le TGI de Paris a désormais un éclairage supplémentaire de la Cour européenne pour trancher le litige qui oppose Imation, partie au litige objet de l’arrêt du 10 avril dernier, et Copie France sur le versement de la redevance pour copie privée. Après une ordonnance de référé ayant conduit à une décision d'[appel->https://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=3938], l’affaire doit très prochainement être jugée au fond. Imation considère que Copie France est sa débitrice depuis 2002 pour avoir perçu des sommes en violation de la directive de 2001. Elle se fonde aussi sur l’arrêt du 17 juin 2011 du Conseil d’Etat d’Etat qui avait annulé la décision n° 11 de la commission en charge de la copie privée, qui ne distinguait pas entre les usages professionnel et personnel. Elle invoque également l’arrêt Padawan de la CJUE du 21 octobre 2010 qui interprète cette directive en ce sens qu’elle réserve cette rémunération pour des équipements vendus à des particuliers pour usage privé et dont la position a été rappelée dans l’arrêt du 10 avril dernier.