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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 19 mai 2014
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Tribunal d’instance de Paris 9ème Jugement du 13 février 2014

PIxEL 1 / Laurent M.

condamnation - consommateur - immobilier - interdiction - locataire - location - offre en ligne - site inernet - sous-location

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 août 2013 la SCPI PIxEL 1 a fait assigner Laurent M. devant le tribunal.

Elle exposait dans la citation qu’elle est devenue propriétaire le 20 octobre 2006 d’un appartement de six pièces situé […] (9ème arrondissement), appartement occupé par Laurent M. en qualité de locataire depuis le 19 août 2008 ; qu’ayant appris que ce dernier sous-loue par le biais d’un site internet l’une des chambres (moyennant la somme de 450 € par semaine ou de 1500 € par mois), elle a sollicité et obtenu la désignation d’un huissier, lequel a, le 29 juillet 2013, « relevé que depuis le mois de janvier 2013 Laurent M. sous-loue ponctuellement l’une des chambres de l’appartement, rapportant ainsi en moyenne 180 € par mois, (…) (et) que l’appartement est par ailleurs occupé par deux autres personnes, amis de passage, respectivement installées depuis le mois de février 2013 et juin 2013 et qui participent aux charges à raison de 300 € par mois chacun » qu’ainsi, en « faisant commerce » des lieux, Laurent M. a violé l’interdiction de sous-location que lui font tant la loi que le contrat de bail, « manquements graves et manifestes » qui justifient le prononcé à ses torts exclusifs de la résiliation de la location ; qu’elle est par ailleurs en droit de lui réclamer une somme égale aux « contreparties, financières illicitement perçues » au titre de la sous-location, soit la somme totale de 13 260 € (180 € x 17 mois + 300 € x 17 mois + 300 € x 17 mois).

La SCPI PIxEL 1 demandait dans ces conditions au tribunal :
– de prononcer la résiliation du contrat de bail aux torts de Laurent M. ;
– de l’autoriser par conséquent à le faire expulser, ainsi que tous occupants de son chef ;
– de dire que de la date du jugement jusqu’à la libération des lieux, Laurent M. lui serait redevable d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au double du montant du dernier loyer ;
– de le condamner à lui payer :
* la somme de 13 260 € à titre dommages ;
* la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la somme de 824,04 € « au titre de la mesure avant-dire droit prononcée par ordonnance du 12 juillet 2013 » ;
– d’assortis le jugement de l’exécution provisoire.

À l’audience la SCPI PIxEL 1 a demandé au tribunal :
– de lui adjuger le bénéfice de son assignation sauf en ce qui concerne sa demande en dommages-intérêts qu’elle a portée à la somme de 16 380 € ;
– à titre subsidiaire d’ordonner à Laurent M. de « cesser toute activité de sous location dans l’appartement ».

Laurent M. a demandé pour sa part au tribunal de rejeter les prétentions de la SCPI PIxEL 1, aux motifs :
– qu’il ne s’est pas livré à une activité de sous-location permanente, n’ayant « tiré strictement aucun avantage de l’occupation (des lieux) par ses deux amis (messieurs G. et P. », lesquels ne lui versaient pas des loyers, mais se bornaient à participer aux charges à raison de 300 € par mois chacun, somme à comparer au loyer réglé à la SCPI PIxEL 1 (plus de 2500 € par mois) ;
– qu’en tout état de cause cette infraction à ses obligations à la supposer établie, ne serait pas suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du bail, occupant paisiblement les lieux depuis plus de 15 ans ;
– que s’il est bien « présent depuis mars 2012 sur le site Airbnb », « les premières personnes (qu’il) a reçues (ne) l’ont été qu’au mois de janvier 2013 », et qu’il serait « déraisonnable de parler de réelle contrepartie financière », percevant « en moyenne 180 € par mois de cette activité (de sous-location saisonnière) » ;
– que là encore l’infraction qui lui est reprochée n’est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail, qui plus est « sans avertissement préalable », et alors que la SCPI PIxEL 1 ne cherche en fait qu’à « récupérer coûte que coûte son bien afin de le vendre dans les plus brefs délais ».

Il a par ailleurs sollicité la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCPI PIxEL 1 a répliqué :
– pour demander au tribunal d’écarter des débats « les attestations produites en défense sous le n°4 » ;
– pour faire valoir :
* que la somme totale de 600 € par mois perçue pour la location permanente des deux chambres est significative et constitutive d’un véritable loyer ;
* que la sous-location saisonnière n’est pas contestée ;
* que la demande de résiliation du bail est proportionnée à la gravité des manquements répétés reprochés à Laurent M.

DISCUSSION

Si Laurent M. est parfaitement en droit d’héberger qui bon lui semble chez lui, y compris des personnes ne vivant pas habituellement avec lui, comme il résulte a contrario de l’article 4n) de la loi du 6 juillet 1989, il ne peut cependant en tirer un profit financier. Or c’est bien pourtant ce qu’il a fait, la perception de la part des personnes hébergées d’une somme de 600 € par mois, soit près d’un quart du montant du loyer, ne constituant nullement « une simple participation à la vie de appartement », comme il l’allègue, mais bien, pour reprendre ses propres termes, « une véritable contrepartie financière, nettement caractérisée ».

Et c’est bien en vertu de cette même logique financière qu’il a par ailleurs, de façon non contestée, même s’il en minimise la portée, offert une chambre à la location à un prix qui n’a rien à voir avec « une simple participation à la vie de l’appartement », puisqu’il s’agit rien moins que de 450 € par semaine ou de 1500 € par mois, soit 60 % du montant du loyer payé à la SCPI PIxEL 1 (et plus de 85 % de ce montant si l’on y rajoute la somme de 600 € perçue de la location permanente des deux chambres).

Laurent M. a donc bien contrevenu aux obligations que lui font tant l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 que le contrat de bail.

Cela étant dit :
– il a indiqué à l’audience avoir régularisé sa situation à cet égard, et il n’est ni établi, ni allégué que les manquements qui lui sont reprochés se poursuivent ;
– la procédure a été engagée sans qu’il ait été mis préalablement en demeure d’avoir à se conformer à ses obligations ;
– il n’est ni établi ni allégué que la sous-location des lieux, pour irrégulière qu’elle soit, ait nui au voisinage ou à la copropriété ;
– Laurent M. occupe les lieux paisiblement les lieux depuis 15 années.

Il y a lieu dans ces conditions, les faits qui lui sont reprochés, pour sérieux qu’ils soient, n’étant pas (au moins en l’état) d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail, de débouter la SCPI PIxEL 1 de sa demande d’expulsion, à charge néanmoins pour Laurent M. de considérer la procédure comme valant avertissement solennel d’avoir désormais à se conformer strictement à ses obligations contractuelles et légales.

Il n’est pas établi par ailleurs qu’il ait perçu la somme de 16 380 € réclamée par la SCPI PIxEL 1, et l’on ne voit pas du reste à quel titre cette dernière pourrait prétendre à cette somme, alors qu’elle n’établit pas avoir subi un préjudice financier (ayant perçu son dû) ou moral, et que faire droit à ce chef de demande reviendrait à lui permettre de s’enrichir indûment. Elle sera par conséquent également déboutée de sa demande en dommages-intérêts.

Il serait néanmoins inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a dû exposer en justice. Il lui sera alloué la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens, ainsi que le coût du constat effectué le 29 juillet 2013 à concurrence de la somme réclamée de 824,04 €, seront mis à la charge exclusive de Laurent M.

Enfin les obligations mises à la charge de ce dernier ne sont pas sérieusement contestables. Il convient par conséquent d’assortir le jugement de l’exécution provisoire.

DÉCISION

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort, mis à la disposition du greffe :
– Dit que Laurent M. manqué à ses obligations, mais que les manquements établis à son encontre, pour sérieux qu’ils soient, ne justifient pas, au moins en l’état, le prononcé de la résiliation du bail, à charge néanmoins pour lui de considérer la procédure comme valant avertissement solennel d’avoir désormais à se conformer strictement aux obligations que lui font tant le bail que la loi du 6 juillet 1989 ;
– Déboute la SCPI PIxEL 1 de sa demande d’expulsion et de sa demande en dommages-intérêts ;
– Condamne Laurent M. à payer à la SCPI PIxEL 1 la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Assortit le jugement de l’exécution provisoire ;
– Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
– Condamne Laurent M. aux dépens, outre le coût du constat effectué le 29 juillet 2013 (à concurrence de la somme réclamée de 824,04 €).

Le tribunal : M. Jean-Luc Paulet (juge)

Avocats : SCP Lefèvre Pelletier et associés, Me Romain Darrière

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