Jurisprudence : Base de données
Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du 13 mai 2014
Xooloo / Optenet
constat APP - contrefaçon - droit d'auteur - droit du producteur - droit sui generis - extraction substantielle - liste d'URL - protection - reproduction - site internet
DISCUSSION
Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 12-27.691 et T 13-14.834 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2012), que la société Xooloo, fondée par les consorts X…, qui avaient mis au point un système de contrôle parental sur internet reposant sur le principe du « rien sauf » selon lequel aucun site n’est accessible aux mineurs sauf ceux répertoriés sur une « liste blanche » dénommée « Guide Juniors », ayant découvert que la société Optenet avec laquelle elle était en pourparlers pour la fourniture d’une solution globale de contrôle parental, avait, en trois mois, élaboré une même « liste blanche » qu’elle avait diffusée à des fournisseurs d’accès à internet, a assigné en contrefaçon de base de données, en violation du droit du producteur et en concurrence déloyale les sociétés Optenet et Optenet Center, puis la société France Télécom répondant de la société Wanadoo France à laquelle la société Xooloo avait fourni la base de données « Guide Juniors » ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Optenet fait grief à l’arrêt attaqué de la condamner, in solidum avec la société France Télécom, à payer à la société Xooloo les sommes de 1 861 604,05 € et de 2 000 000 € à titre de dommages-intérêts, et de la condamner à garantir la société France Télécom des condamnations prononcées à son encontre et d’ordonner une mesure de publication judiciaire, alors, selon le moyen que sont éligibles à la protection du droit d’auteur les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ; qu’en se bornant à retenir, pour affirmer que la base de données de la société Xooloo était éligible à la protection du droit d’auteur, que le « Guide Juniors » était le résultat de choix personnels opérés par la société Xooloo et que le nombre de contenus sélectionnés et leur organisation attestait d’un processus créatif exclusif de la simple compilation d’éléments du domaine public, sans exposer les choix de matières opérés et leur disposition et sans expliquer en quoi ils portaient l’empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l’arrêt relève que la constitution de la base de données avait nécessité le découpage et l’analyse non seulement de l’ensemble des pages et rubriques des sites sélectionnés mais aussi des liens mis en ligne par les éditeurs, pour s’assurer de la conformité de chaque contenu avec les choix éditoriaux de la charte de la société Xooloo, et constate que la base de données se compose d’une longue liste d’adresses URL renvoyant vers des sites, des rubriques de sites, et des pages, avec un portail thématique regroupant les adresses les plus pertinentes listées par genre (musique, sport, voyages etc.), destiné à faciliter la navigation des enfants ;
Que la cour d’appel en a déduit que la « liste blanche » était le résultat de choix personnels opérés au regard de la conformité des contenus qui la constituent à la charte qui gouverne la démarche de la société Xooloo, et traduisait un apport intellectuel, caractérisant, au regard des choix effectués et de la classification élaborées, une œuvre collective originale, éligible à la protection par le droit d’auteur ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches
Attendu, que la société Optenet fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le procès-verbal de l’Agence de protection des programmes du 4 avril 2006 attestait la présence, dans le portail de la société Optenet, commercialisé par la société Club-Internet sous le nom « Les kids du net », de cinq adresses sentinelles, quatre adresses techniques et onze adresses exotiques extraites de la base de données de la société Xooloo, bien qu’il n’en fasse aucune mention, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°/ qu’est prohibée l’extraction de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données ; que le caractère substantiel de l’extraction s’apprécie par rapport au contenu de la base de données protégée et non par rapport au contenu de la base de données critiquée ; qu’en se bornant à relever, pour retenir la responsabilité de la société Optenet, que 35,05 % des adresses URL complètes et 59,82 % des noms de domaines du portail « Les kids du net » provenaient du « Guide Juniors » de la société Xooloo, sans rechercher la proportion du « Guide Juniors » reproduite au sein du portail « Les kids du net », la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer qu’une part substantielle de la base de données de la société Xooloo avait été extraite et réutilisée par la société Optenet, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que la société Optenet faisait valoir que si, dans son rapport du 26 octobre 2007, l’Agence de protection des programmes avait comparé sa liste d’adresses URL à une liste d’adresses URL déposée par la société Xooloo le 7 février 2006, postérieurement à l’extraction dénoncée, et trouvé mille adresses URL identiques, la comparaison de sa liste d’adresses URL avec la liste d’adresses URL de la société Xooloo du 24 novembre 2005, antérieure aux faits en litige ne révélait en revanche que cinq cent soixante-cinq adresses identiques ; qu’en retenant la responsabilité de la société Optenet sur la base du rapport de l’Agence de protection des programmes du 26 octobre 2007, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, la cour d’appel qui a apprécié souverainement l’importance des extractions litigieuses, a retenu, que mille adresses URL complètes à l’octet près, et neuf cent soixante-quatorze noms de domaines de la « liste blanche » se retrouvaient dans la base litigieuse, caractérisant ainsi l’extraction d’une partie substantielle de la base de données de la société Xooloo, sans l’autorisation de cette dernière ;
Que le moyen qui ne tend, en sa première branche, sous couvert du grief non-fondé de dénaturation, qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel de la portée du procès-verbal de l’Agence pour la protection des programmes en date du 4 avril 2006 et manque en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;
Sur troisième moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la société Optenet fait aussi le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit d’auteur sur une base de données est indépendant du droit sui generis dont elle peut également faire l’objet ; que la reprise des caractéristiques de forme originales d’une base de données, en tant qu’elle est protégée par le droit d’auteur, qui caractérise la contrefaçon, ne saurait se déduire de l’appropriation indue d’une part substantielle de la base de données, en tant qu’elle est protégée par un droit sui generis, qui caractérise l’atteinte au droit sui generis ; qu’en déduisant la contrefaçon de droit d’auteur sur la base de données de la violation du droit sui generis du producteur, la cour d’appel a violé l’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu’en retenant que la société Optenet avait contrefait la base de données de la société Xooloo, sans énoncer les caractéristiques originales du « Guide Juniors » de la société Xooloo qui auraient été reproduites par la base de données de la société Optenet, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la contrefaçon de droit d’auteur, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 112-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que la base de données de la société Xooloo construite sur le principe du « rien sauf » se présentait sous la forme d’une « liste blanche » (dénommée « Guide Junior »), porteuse d’une sélection d’adresses URL et retenu que celle-ci reflétait des choix éditoriaux personnels, opérés au regard de la conformité des contenus qui la constituent à la charte qui gouverne la démarche de la société Xooloo, l’arrêt constate que la société Optenet a constitué une base de données fondée sur le même principe, dont la partie visible présentait avec la partie non cryptée de la base de données de la société Xooloo un taux d’identité s’élevant à 35,05 % des adresses URL complètes-parmi lesquelles des adresses dites « sentinelles » délibérément tronquées par Xooloo-, et 59,82 % des noms de domaine ; que la cour d’appel en a déduit que ces actes de reproduction constituaient des actes de contrefaçon de droit d’auteur, justifiant ainsi légalement sa décision ;
Sur le quatrième moyen
Attendu que la société Optenet fait toujours le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, introduit par l’article 32 de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, n’est pas applicable aux faits antérieurs au 30 octobre 2007, date de son entrée en vigueur ; qu’en allouant à la société Xooloo, en réparation de l’atteinte prétendument portée par la société Optenet à son droit d’auteur et à son droit de producteur de base de données, une indemnité correspondant à l’économie que cette dernière aurait réalisée à ses dépens, bien que les faits reprochés fussent antérieurs au 30 octobre 2007, la cour d’appel a violé l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle par fausse application ;
Mais attendu que la société Optenet n’ayant pas soutenu devant la cour d’appel que la réparation allouée à la société Xooloo à titre de dommages-intérêts devait être fixée sans référence aux critères énoncés par l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, le moyen est nouveau, mélangé de fait, et partant irrecevable ;
DÉCISION
Par ces motifs :
. Rejette les pourvois ;
. Condamne la société Optenet aux dépens ;
. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés France Télécom et Optenet et condamne cette dernière à verser à la société Xooloo la somme de 3000 € ;
Moyens identiques produits aux pourvois n° X 12-27.691 et T 13-14.834 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux conseils pour la société Optenet
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Optenet, in solidum avec la société France Télécom, à payer à la société Xooloo les sommes de 1.861.604,05 € et de 2.000.000 € à titre de dommages et intérêts, d’avoir condamné la société Optenet à garantir la société France Télécom des condamnations prononcées à son encontre et d’avoir ordonné une mesure de publication judiciaire ;
Aux motifs que la société Xooloo soutient que sa base de données est éligible à la protection par le droit d’auteur ; qu’elle est recevable en cette demande, l’article L. 341-1 disposant in fine que la protection conférée au producteur de base de données est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, sont protégées par le droit d’auteur les bases de données qui, « par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles » ; que la société Xooloo expose que son travail de contrôle implique le découpage et l’analyse, non seulement de l’ensemble des pages et rubriques du site mais aussi des liens mis en ligne par les éditeurs de sites et que chaque contenu ne sera validé et répertorié dans sa base de données que s’il est conforme aux choix éditoriaux de la charte Xooloo ; qu’elle indique, sans être démentie, que sa base de données se présente sous la forme d’une longue liste d’adresses URL renvoyant vers des sites, des rubriques de sites et des pages de sites et qu’elle est fournie aux fournisseurs d’accès à Internet, qui l’intègrent dans leur solution de contrôle parental, avec un portail thématique regroupant les adresses les plus pertinentes listées sous la forme de catégories (musique, sport, voyages, etc..) et destiné à faciliter la navigation des enfants ;
qu’elle précise ainsi, toujours sans être démentie, que sa base de données comporte deux parties : une partie non cryptée, accessible au travers du portail thématique fourni par Xooloo, composée des adresses de sites et/ ou de rubriques les plus pertinents, une partie cryptée composée de l’ensemble des adresses “ techniques “ nécessaires au fonctionnement et à l’efficacité de la “ liste blanche “, qui n’apparaissent pas sur le portail thématique accessible au public mais sont encodées dans le logiciel parental ; qu’il suit de ces éléments que la “ liste blanche “ est le résultat de choix personnels à la société Xooloo car opérés au regard de la conformité des contenus qui la constituent à la charte qui gouverne sa démarche et qu’elle atteste, au regard du nombre de contenus sélectionnés (3500 adresses URL au jour de la conclusion du contrat précité et 10425 adresses URL à la date du dépôt sous enveloppe scellée de la base de données à l’Agence de protection des programmes le 7 juin 2006) et de l’organisation de ces contenus, d’un processus créatif exclusif de la simple compilation d’éléments du domaine public ; qu’ainsi, la base de données de la société Xooloo traduit un effort de création et comporte un apport intellectuel caractérisant, au regard des choix effectués et de la structure et de la classification élaborées, une œuvre collective originale éligible à la protection par le droit de l’auteur ;
Alors que sont éligibles à la protection du droit d’auteur les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles ; qu’en se bornant à retenir, pour affirmer que la base de données de la société Xooloo était éligible à la protection du droit d’auteur, que le « Guide juniors » était le résultat de choix personnels opérés par la société Xooloo et que le nombre de contenus sélectionnés et leur organisation attestait d’un processus créatif exclusif de la simple compilation d’éléments du domaine public, sans exposer les choix de matières opérés et leur disposition et sans expliquer en quoi ils portaient l’empreinte de la personnalité de leur auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Deuxième moyen de cassation
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Optenet, in solidum avec la société France Télécom, à payer à la société Xooloo les sommes de 1.861.604,05 € et de 2.000.000 € à titre de dommages et intérêts, d’avoir condamné la société Optenet à garantir la société France Télécom des condamnations prononcées à son encontre et d’avoir ordonné une mesure de publication judiciaire ;
Aux motifs que les pièces de la procédure et, en particulier le rapport de la défenseure des enfants de décembre 2002 (page 58), confirment que la société Xooloo était à l’époque la seule sur le marché français à proposer un système de sécurisation de l’accès des enfants à internet reposant sur une base de données de sites et de contenus explicitement autorisés ; que la fiabilité de ce système a été reconnue le 25 octobre 2004 par la direction générale de l’industrie, des technologies de l’information et des postes du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie qui l’a doté d’un label au titre de l’appel à projets “ Oppidum “ ainsi que par le ministère de l’éducation nationale qui a conclu avec la société Xooloo un accord-cadre prenant effet le 1er juin 2004 pour la sécurisation de l’accès à internet dans les établissements scolaires ; qu’elle est en outre attestée par les tests comparatifs entre les diverses solutions de contrôle parental proposées par les fournisseurs d’accès à internet, publiés le 7 juin 2006 sur le site www.e-enfance.org, à l’issue desquels le système Securitoo mis en œuvre par la société Wanadoo France à la suite du contrat conclu avec la société Xooloo le 16 août 2004 s’est vu attribuer la note la plus élevée assortie de la mention spéciale : “ sa liste blanche est parfaite pour les plus petits “ ; qu’il est permis de douter, au regard des éléments précédemment relevés, de la véracité de l’allégation selon laquelle la société Optenet était en mesure, avant même que n’intervienne la décision des pouvoirs publics du 16 novembre 2005, de proposer sa propre solution d’accès sécurisé des enfants à internet fondée sur le “ rien sauf “ ; que force est d’opposer à une telle allégation que la société Wanadoo France, qui utilisait depuis 2001 le logiciel de contrôle parental de la société Optenet, a trouvé un intérêt à contracter le 16 août 2004 avec la société Xooloo aux fins de pouvoir disposer de sa base de données, ce dont il y a tout lieu de déduire que la société Optenet ne pouvait lui fournir une prestation identique ;
qu’il est, au demeurant, constant que le logiciel Securitoo exploité par la société Wanadoo France à compter de la conclusion du contrat avec la société Xooloo mettait en œuvre deux systèmes de contrôle parental, celui de la société Optenet pour les adolescents et celui de la société Xooloo pour les enfants ; que force est de relever, par ailleurs, que Grégory X… se voyait adresser dès le 18 novembre 2005, un courrier électronique signé “ Albert Navarro Mas-Optenet “, dans les termes suivants : “ j’ai un ISP (Numéricable) qui a déjà notre contrôle parental intégré depuis un an, à qui j’aimerais proposer de faire évoluer le produit pour répondre aux nouvelles exigences. Je pensais à vos listes blanches. Peut-on en parler au tel ? “ ; que la société Optenet, non sans se contredire, reconnaît avoir recherché un partenariat avec la société Xooloo pour la mise en œuvre d’une offre commune de sécurisation de l’accès à Internet des enfants, ce dont il s’infère, au regard de l’intérêt manifesté pour les listes blanches de la société Xooloo dans son courrier précité du 18 novembre 2005, qu’elle même ne disposait pas d’un système de contrôle parental répondant aux exigences des nouvelles dispositions gouvernementales ;
qu’Albert Y…écrivait encore à Grégory X… le 1er décembre 2005 : “ As-tu pu avancer sur les tarifs. J’ai plus d’un ISP (grand ou petit) qui s’impatiente et certains me demandent de leur faire une cotation globale (Optenet + Liste Blanche). Que fait-on ? “ et qu’il lui faisait part enfin, le 3 janvier 2006, de la pression exercée par le fournisseur d’accès à Internet Alice (nom commercial de la société Telecom Italia) pour obtenir un prix plus bas ; que, le 27 décembre 2005, Julie Z…, chef de projets services internet de Telecom Italia faisait connaître par message électronique adressé à Albert Y…et à Grégory X… : “ Optenet est revenu vers nous avec une offre complète (solution logicielle + liste blanche) et une proposition tarifaire intéressante nous permettant de le retenir. Nous souhaiterions, bien évidemment, privilégier l’agrégation de vos deux solutions afin de proposer à nos abonnés une offre de qualité optimale. Et, si Xooloo ne fournit finalement pas la liste blanche, Optenet s’est engagé à la développer d’ici quelques semaines. Maintenant, c’est à vous de trouver un accord sur la base de l’offre tarifaire déjà établie par Optenet “ ;
que, par ailleurs, le 13 janvier 2006, la société Optenet, aux termes d’un courrier électronique en langue anglaise de Natalia A…, dont la teneur telle qu’elle ressort des écritures de la société Xooloo n’est pas critiquée, indiquait à la société Nordnet, filiale de la société France Télécom spécialisée dans les logiciels de sécurité, qu’elle tentait de trouver un accord avec la société Xooloo mais que ses prix étaient trop élevés, qu’elle développait, en conséquence, ses propres listes blanches et qu’elle serait prête à fournir une liste blanche pour un public français, de 3000 adresses URL à la fin mars et de 10.000 adresses URL à la fin juin ; qu’il découle en définitive de ce qui précède que la société Optenet, qui ne disposait pas le 16 novembre 2005 de listes blanches conformes à la nouvelle réglementation, s’est engagée, dès le courant du mois de décembre 2005, auprès de Telecom Italia, fournisseur d’accès à internet sur le marché français sous le nom commercial de Alice, à lui fournir une liste blanche “ en quelques semaines “ et, dans le courant du mois de janvier 2006, auprès de la société Nordnet, à lui fournir une liste blanche de 3000 adresses URL pour la fin mars et de 10.000 adresses URL pour la fin juin ; que les délais annoncés par la société Optenet apparaissent anormalement courts, étant observé que la “ liste blanche “ de la société Xooloo présentait aux termes du contrat de mise à disposition signé avec la société Wanadoo le 16 août 2004, soit près de quatre ans après la constitution de la société Xooloo, 3500 adresses URL et le 7 juin 2006, date du dépôt de la base à l’A.P.P., 10.450 adresses URL ;
que, par ailleurs, les déclarations faites par Alberto Y… à l’occasion des opérations de saisie-contrefaçon du 9 février 2006, selon lesquelles le projet de réalisation de liste blanche (destinée à un public français) de la société Optenet est mis en œuvre en Espagne, la société française Optenet Center n’ayant que quatre salariés, jettent le doute sur la capacité de la société Optenet, en termes de moyens humains, à réaliser une liste blanche à si brefs délais ; qu’il est néanmoins établi, au vu du constat effectué par l’APP le 4 avril 2006, que la société Optenet a été en mesure de livrer au fournisseur d’accès à internet Club-Internet une base de données et un portail thématique “ Les kids du net “ ; qu’il est en outre justifié, par le rapport de l’A.P.P. du 26 octobre 2007, d’un pourcentage d’identité de 35, 05 % des adresses URL complètes à l’octet près, soit mille adresses, et de 59, 82 % pour les noms de domaine, soit 974 noms de domaine, au terme de l’examen comparatif entre, d’une part, le portail thématique “ Les kids du net “, constituant la partie visible de la base, à la date du 4 avril 2006, et, d’autre part, la partie non cryptée de la base de données déposée par la société Xooloo à l’A.P.P. le 7 février 2006 ; que, pour justifier de pourcentages plus faibles, la société Optenet produit une étude de M. B…, laquelle n’est cependant pas concluante dès lors qu’elle prend pour termes de comparaison la partie non cryptée de la base fournie à Club-Internet d’une part, et la base de données, cryptée et non cryptée, de la société Xooloo et que force est de relever que la société Optenet n’a pas estimé opportun de communiquer une étude incluant les données de la partie cryptée de sa base ; que la société Optenet prétend encore que des similitudes seraient inévitables dès lors que les bases de données visent un même public ; qu’une telle observation est dénuée de pertinence au regard de la présence dans la version commercialisée de la base de la société Optenet, relevée dans le procès-verbal de l’A.P.P. du 4 avril 2006, et qui ne saurait être fortuite, de cinq adresses “ sentinelles “ de la base de la société Xooloo (délibérément tronquées de manière à marquer l’origine de la base), de quatre adresses “ techniques “ (issues de la partie cryptée de la base de la société Xooloo, nécessaires à l’affichage des sites référencés mais dont l’indexation en partie visible ne présente aucun intérêt pour l’utilisateur final) et de onze adresses “ exotiques “ (adresses complexes, particulièrement originales) ; que la société Optenet fait valoir enfin que la base de données déposée le 7 février 2006, soit postérieurement à l’ordonnance du 2 février 2006 autorisant la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Optenet Center, pourrait avoir été modifiée pour les besoins de la cause ;
que l’argument est toutefois inopérant dès lors que la société Xooloo ne disposait à cette date d’aucun document de référence émanant de la société Optenet ; qu’étant ajouté qu’il n’est pas démenti que la société Optenet a en outre pourvu la société Telecom Italia à des conditions de prix que la société Xooloo ne pouvait accepter, l’ensemble des observations ci-avant établissent à la charge de la société Optenet une appropriation non autorisée d’une partie substantielle de la liste blanche de la société Xooloo pour la réalisation d’un produit à un coût inférieur à celui qu’aurait nécessité une conception autonome et caractérisent une extraction frauduleuse au sens des dispositions de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, attentatoire aux droits du producteur de base de données définis à l’article L. 341-1 du même code et ouvrant droit à réparation ;
1°/ Alors qu’en affirmant que le procès-verbal de l’Agence de protection des programmes du 4 avril 2006 attestait la présence, dans le portail de la société Optenet, commercialisé par la société Club-Internet sous le nom « Les kids du net », de cinq adresses sentinelles, quatre adresses techniques et onze adresses exotiques extraites de la base de données de la société Xooloo, bien qu’il n’en fasse aucune mention, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°/ Alors qu’est prohibée l’extraction de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données ; que le caractère substantiel de l’extraction s’apprécie par rapport au contenu de la base de données protégée et non par rapport au contenu de la base de données critiquée ; qu’en se bornant à relever, pour retenir la responsabilité de la société Optenet, que 35,05 % des adresses URL complètes et 59.82 % des noms de domaines du portail « Les kids du net » provenaient du « Guide juniors » de la société Xooloo, sans rechercher la proportion du « Guide juniors » reproduite au sein du portail « Les kids du net », la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer qu’une part substantielle de la base de données de la société Xooloo avait été extraite et réutilisée par la société Optenet, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ Alors que la société Optenet faisait valoir que si, dans son rapport du 26 octobre 2007, l’Agence de protection des programmes avait comparé sa liste d’adresses URL à une liste d’adresses URL déposée par la société Xooloo le 7 février 2006, postérieurement à l’extraction dénoncée, et trouvé 1000 adresses URL identiques, la comparaison de sa liste d’adresses URL avec la liste d’adresses URL de la société Xooloo du 24 novembre 2005, antérieure aux faits en litige ne révélait en revanche que 565 adresses identiques ; qu’en retenant la responsabilité de la société Optenet sur la base du rapport de l’Agence de protection des programmes du 26 octobre 2007, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
Troisième moyen de cassation
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Optenet, in solidum avec la société France Télécom, à payer à la société Xooloo les sommes de 1.861.604,05 € et de 2.000.000 € à titre de dommages et intérêts, d’avoir condamné la société Optenet à garantir la société France Télécom des condamnations prononcées à son encontre et d’avoir ordonné une mesure de publication judiciaire,
Aux motifs que les observations qui précèdent établissent en outre, à la charge de la société Optenet, des actes de reproduction de la base de données de la société Xooloo sans autorisation de son auteur et caractérisent une contrefaçon ;
1°/ Alors que le droit d’auteur sur une base de données est indépendant du droit sui generis dont elle peut également faire l’objet ; que la reprise des caractéristiques de forme originales d’une base de données, en tant qu’elle est protégée par le droit d’auteur, qui caractérise la contrefaçon, ne saurait se déduire de l’appropriation indue d’une part substantielle de la base de données, en tant qu’elle est protégée par un droit sui generis, qui caractérise l’atteinte au droit sui generis ; qu’en déduisant la contrefaçon de droit d’auteur sur la base de données de la violation du droit sui generis du producteur, la cour d’appel a violé l’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ Alors qu’en toute hypothèse, en retenant que la société Optenet avait contrefait la base de données de la société Xooloo, sans énoncer les caractéristiques originales du « Guide juniors » de la société Xooloo qui auraient été reproduites par la base de données de la société Optenet, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la contrefaçon de droit d’auteur, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 112-3 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Quatrième moyen de cassation
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Optenet, in solidum avec la société France Télécom, à payer à la société Xooloo les sommes de 1.861.604, 05 € et de 2.000.000 € à titre de dommages et intérêts, d’avoir condamné la société Optenet à garantir la société France Télécom des condamnations prononcées à son encontre et d’avoir ordonné une mesure de publication judiciaire ;
Aux motifs qu’il résulte de l’attestation de l’expert-comptable de la société Xooloo, confirmée par l’étude de M. C…, que le montant des investissements consacrés à la constitution et à la gestion de la liste blanche de 2000 à 2005 est de 1.861.604,05 € ; que la cour, à l’instar du tribunal, retiendra ce montant comme constituant l’économie indûment réalisée par la société Optenet au préjudice de la société Xooloo des suites de l’incorporation illicite de se base de données dans le produit « Les kids du net » qu’elle a pu constituer et commercialiser en quatre mois ;
Alors que l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, introduit par l’article 32 de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, n’est pas applicable aux faits antérieurs au 30 octobre 2007, date de son entrée en vigueur ; qu’en allouant à la société Xooloo, en réparation de l’atteinte prétendument portée par la société Optenet à son droit d’auteur et à son droit de producteur de base de données, une indemnité correspondant à l’économie que cette dernière aurait réalisée à ses dépens, bien que les faits reprochés fussent antérieurs au 30 octobre 2007, la cour d’appel a violé l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle par fausse application.
La Cour : M. Charruault (président)
Avocats : SCP Marc Lévis, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.