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vendredi 04 juillet 2014
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Annuaire France Télécom : le téléchargement illicite n’interdit pas l’indemnisation

 

Ce n’est pas avec cet arrêt du 3 juin 2014 que prendra fin le plus long feuilleton judiciaire de l’histoire des bases de données débuté en 1991 opposant France Télécom à Lectiel, aujourd’hui disparue. L’arrêt de la cour suprême du 23 mars 2010 avait confirmé que France Télécom était bien titulaire du droit sui generis du producteur sur sa base de données constituée à partir des informations de son annuaire. Mais elle avait renvoyé l’affaire devant la cour de Paris pour la demande de dommages-intérêts de Lectiel à l’encontre de France Télécom, concernant les pratiques anti-concurrentielles de l’opérateur historique. Le 3 juin dernier, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 juin 2012 qui avait rejeté les demandes d’indemnisation de Lectiel, en raison de ses actes de téléchargement illicite de l’annuaire de France Télécom. Elle avait notamment retenu que Lectiel « qui ne peut revendiquer que le préjudice résultant de la perte de chance de se développer à moindre coût sur un marché à raison de la différence entre le prix qu’entendait lui facturer la société France Télécom et celui qu’elle était fondée à appliquer au regard des dispositions de l’arrêt du 29 juin 1999 si elle n’avait pas procédé à un téléchargement illicite, ne peut qu’être déboutée de toutes ses demandes à raison de ce téléchargement illicite ». Or, la Cour de cassation estime « qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le préjudice allégué incluant la perte de chance de se développer à un moindre coût sur le marché grâce à la fourniture de fichiers de prospection expurgés des noms des adhérents à la liste orange, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

En 1991, la société Filetech, devenue Lectiel, spécialisée dans le marketing direct, avait refusé d’acheter ses adresses au service de commercialisation de l’annuaire de France Télécom Marketis, jugeant les prix excessifs. Pour obtenir ce fichier qui avait la particularité d’être exhaustif et mis à jour de façon permanente, Lectiel avait téléchargé l’annuaire électronique via le minitel. Puis, elle avait revendu les fichiers issus des données de l’annuaire, sans avoir pu expurger les adresses inscrites sur la liste orange (liste permettant aux abonnés de France Télécom de s’opposer à la commercialisation de leurs données). A la suite du refus de l’opérateur de lui communiquer cette liste, Filetech avait saisi le Conseil de la concurrence en 1992.
Le 29 septembre 1998, l’autorité administrative indépendante a infligé une amende de 10 millions de francs à France Télécom jugeant caractérisés les agissements anticoncurrentiels de l’opérateur. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris le 29 juin 1999. En octobre, France Télécom a proposé à Lectiel la mise à disposition d’une liste expurgée avec des conditions tarifaires prenant en compte ses droits de propriété intellectuelle. Mais cette offre a été refusée. L’affaire s’est poursuivie en cassation et la Cour, dans son arrêt de rejet du pourvoi du 4 décembre 2001, a rappelé que la liste des abonnés de France Télécom expurgée constitue une ressource essentielle pour les opérateurs intervenant sur le marché des fichiers de prospection. La Cour a estimé que « si le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une base de données peut légitimement prétendre à une rémunération, il ne peut, lorsque cette base de données constitue une ressource essentielle pour des opérateurs exerçant une activité concurrentielle, subordonner l’accès à cette base de données au paiement d’un prix excessif ».
Parallèlement à son action devant le Conseil de la concurrence, Lectiel avait demandé au tribunal de commerce de Paris qu’il ordonne à France Télécom de mettre à disposition sa liste orange et de prévoir un tarif raisonnable. Le 5 janvier 1994, le tribunal de commerce a débouté Lectiel de ses demandes qui a fait appel. Dans un arrêt du 30 septembre 2008, la cour de Paris a estimé que l’opérateur était fondé à restreindre ou à interdire l’utilisation de sa base de données et à en obtenir une rémunération, du moment qu’il respectait les principes de tarification prévus par son précédent arrêt du 29 juin 1999. Selon l’arrêt de 2008, on ne pouvait cependant pas reprocher à France Télécom de ne pas avoir respecté les principes énoncés par l’arrêt de 1999 dans la mesure où l’opérateur ne disposait pas de tous les éléments sur la nature et la hauteur de sa rémunération. Ce qui fut déterminé dans la décision de 2008 qui précise les éléments entrant dans le calcul du tarif, dont la perception des droits d’auteur et des droits du producteur. Cet arrêt a été partiellement confirmé par la Cour de cassation le 23 mars 2010. Pour la demande de dommages-intérêts de Lectiel à l’encontre de France Télécom, l’affaire avait été renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement formée dont l’arrêt vient à nouveau d’être partiellement censuré.