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Jurisprudence : E-commerce

lundi 21 juillet 2014
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Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 08 juillet 2014

Unic et autres / Ornikar

absence d'agrément - activités futures - activités réglementées - agrément - publicité réglementée - site internet

FAITS ET PROCÉDURE

Pour les motifs énoncés en son assignation introductive d’instance en date du 10 avril 2014, signifiée à personne habilitée à laquelle il conviendra de se reporter quant à l’exposé des faits, l’Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC), le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA-formation des conducteurs), la Chambre nationale des salariés responsable (CNSR), la Fédération nationale des enseignants de la conduite (FNEC), l’Union nationale intersyndicale des enseignants de la conduite (UNIDEC) et l’Union indépendante des salariés de l’enseignement de la conduite automobile (UNISDECA), nous demandent de :

Vu l’article 873 du CPC,

Vu les articles L 213-1 du code de la route et suivants,

Vu les pièces versées aux débats,

– Ordonner à la société Ornikar l’interdiction d’exploiter un établissement d’enseignement de la conduite véhicule à moteur, sous astreinte de 10 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Ordonner l’interdiction de la diffusion du site internet ornikar.com, la fermeture des comptes Facebook et Twitter, sous astreinte de 10 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Condamner la société Ornikar à la somme de 10 000 € au titre de l’article 700.

Lors de l’audience du 16 mai 2014, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi au 27 juin 2014 pour permettre au défendeur de conclure.

A l’audience du 27 juin 2014, le conseil de la société Ornikar dépose des conclusions en réponse et nous demande de :

Vu les articles 31, 32, 32-1, 117, 122 et 809 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal,
– Constater l’absence de capacité juridique de la FNEC faute d’avoir déposé ses statuts en mairie,
– Constater la nullité de l’exploit introductif d’instance pour irrégularité de fond à l’encontre des six demandeurs,
– Et en conséquence, rejeter l’ensemble de leurs moyens fins et prétentions,

A titre subsidiaire,
– Constater l’irrecevabilité de l’action des six demandeurs faute d’intérêt et de qualité à agir, et en conséquence, rejeter l’ensemble de leurs moyens fins et prétentions,

A titre plus subsidiaire,
– Juger qu’il n’y a pas de trouble illicite et en conséquence, rejeter l’ensemble des moyens fins et prétentions adverses,

En toutes hypothèses,
– Dire que l’action des demandeurs est abusives et les condamner chacun à verser à la société Ornikar la somme de 1500 € à titre de provision sur dommages et intérêts prévus à l’article 32-1 du code de procédure civile,
– Condamner chaque demandeur à verser à la société Ornikar la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner les demandeurs aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives, le conseil des demandeurs nous demande de :

Vu l’article 873 du CPC,
Vu les articles L 213-1 du code de la route et suivants,
Vu les pièces versées aux débats,

– Ordonner à la société Ornikar l’interdiction d’exploiter un établissement d’enseignement de la conduite véhicule à moteur, sous astreinte de 10 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Ordonner l’interdiction de la diffusion du site internet ornikar.com, la fermeture des comptes Facebook et Twitter, sous astreinte de 10 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Condamner la société Ornikar à la somme de 10 000 € au titre de l’article 700.

DISCUSSION

Sur la nullité de l’assignation

Ornikar, qui avait, in limine litis, soulevé la nullité de l’assignation contre les six demandeurs pour défaut de pouvoir de leur représentant légal, ne maintient son exception de nullité qu’à l’encontre de la FNEC, du CNPA et de I’UNISDECA.

Les statuts du CNPA, versés au débat, prévoient à l’article 75 que le président a pouvoir de représenter le CNPA en justice. La défenderesse n’établit pas que ces statuts réserveraient à un autre organe social la décision d’introduire une action en justice et, conformément à une jurisprudence constante, celui qui a pouvoir de représenter a également, sauf stipulation contraire des statuts, celui d’introduire une action. L’exception n’est donc pas fondée le concernant.

Les statuts de la FNEC disposent que le président est habilité sur mandat du conseil d’administration à agir en justice. Aucun mandat n’étant produit par la FNEC, l’assignation est donc nulle en ce qui la concerne, en application de l’article 117 du code de procédure civile.

Il en est de même pour l’UNISDECA, qui ne produit ni statuts, ni mandat.

L’assignation est donc invalide s’agissant de la FNEC et de l’UNISDECA.

Sur l’irrecevabilité

Il n’est pas contesté, comme l’écrit la défenderesse, « que l’exercice illégal d’une profession réglementée constitue un trouble contre lequel un syndicat est en droit d’agir » pour autant qu’il représente l’intérêt collectif de la profession en question.

Or, les quatre organisations professionnelles en demande représentent toutes la profession au sens large : auto-écoles, indépendants de la conduite, enseignants de la conduite et salariés d’auto-écoles. C’est bien évidemment pour la défense de leurs adhérents qu’elles agissent et non pour défendre l’intérêt général, comme voudrait le faire croire la défenderesse.

II sera observé, à ce propos, que la discussion sémantique sur le fait de savoir s’il faut entendre moniteurs salariés ou exploitants par le terme d’enseignants de la conduite est d’un intérêt limité, dès lors que les salariés d’auto-école, moniteurs ou autres, ont le droit tout autant que les exploitants d’auto-écoles de défendre la profession qui les fait vivre.

L’intérêt à agir des quatre demandeurs est donc indubitable et la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la demande principale

Ornikar démontre qu’elle n’a pas, à ce jour, faute d’agrément, dispensé un seul cours de conduite et, procès-verbal d’huissier à l’appui, que son site est verrouillé de façon à empêcher toute réservation d’heures de conduite tant que l’agrément n’aura été obtenu.

De la même façon, la liste des moniteurs potentiels n’est pas accessible et aucune mise en relations entre un moniteur et le public n’est possible.

En fait, le site n’est à l’heure actuelle qu’un site vitrine, qui ne sera activé qu’après l’agrément obtenu.

La seule activité d’Ornikar jusqu’à présent a consisté à commercialiser un kit explicatif des démarches administratives en vue de l’examen du permis de conduire, un livre sur l’examen du code de la route et un accès en ligne à des tests et des corrigés sur le sujet.

La commercialisation de ces produits, qui sont en vente libre, ne saurait constituer l’exercice dune activité d’auto-école, dont la caractéristique essentielle est l’apprentissage de la conduite automobile.

Enfin, il n’est pas possible de considérer que la seule immatriculation d’Ornikar au RCS la mettrait dans l’illégalité faute d’agrément au motif que son objet social comprend l’enseignement de la conduite alors même qu’elle n’exerce pas encore l’activité litigieuse et que la demande ci agrément doit être accompagnée d’un extrait K bis ce qui exige l’immatriculation préalable de la société.

L’activité exercée par Ornikar, à ce jour, ne peut donc constituer le trouble illicite Invoqué par les demandeurs.

L’arrêté du 19 juin 1987 réglemente cependant « la publicité des prix des prestations d’enseignement de la conduite des véhicules ». Il dispose, à l’article 3, que toute publicité, quel qu’en soit le support, doit mentionner le numéro d’agrément préfectoral.

La question n’est donc pas, comme feint de le croire la défenderesse dans ses écritures et lors du débat contradictoire à l’audience, qu’elle ne pourrait faire de publicité pour les quelques produits accessoires qu’elle commercialise actuellement, mais qu’elle ne peut en faire sur le prix des prestations d’enseignement de la conduite sans mentionner un numéro d’agrément, ce qui signifie qu’elle n’est pas autorisée à en faire tant qu’elle ne dispose pas d’agrément.

Or, sur son site internet, il existe un onglet « tarifs » qui permet au public de prendre connaissance des prix proposés pour les prestations futures, prix à l’heure de conduite et forfaits.

La violation par Ornikar de la réglementation sur ce point constitue un trouble manifestement illicite pour la profession et il doit y être mis bon ordre en interdisant cette publicité.

Les autres infractions alléguées par les demandeurs (absence d’un local commercial, signature dématérialisée du contrat, non-conformité de renseignement au programme officiel, absence de moniteur agréé, etc.) ne pourraient être constituées qu’une fois l’activité effectivement commencée et ne sauraient, aujourd’hui, être à l’origine d’un trouble illicite.

En conséquence, le seul trouble manifestement illicite résultant de la publicité faite sur les prix, nous interdirons cette publicité dans les conditions fixées su dispositif ci-dessous.

Il n’est pas inéquitable de laisser aux parties la charge des frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer et les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

DÉCISION

Par ces motifs, statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort,

Vu l’article 873 CPC,

. Constatons la nullité de l’assignation s’agissant de la Fédération nationale des enseignants de la conduite (FNEC) et de l’Union indépendante des salariés de l’enseignement de la conduite automobile (UNISDECA) et rejetons la demande de nullité s’agissant du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA-formation des conducteurs),

. Déclarons recevable l’action de l’Union nationale des indépendants de la conduite (UNIC), du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA-formation des conducteurs), de la Chambre nationale des salaries responsable (CNSR) et de l’Union nationale intersyndicale des enseignants de la conduite (UNIDEC),

. Interdisons à la société Ornikar toute publicité sur le prix de ses prestations d’enseignement de la conduite automobile tant qu’elle n’aura pas obtenu son agrément préfectoral,

. Lui enjoignons de supprimer de son site internet toute référence à ces prix jusqu’à obtention de son agrément,

. Assortissons cette interdiction et cette injonction d’une astreinte de 1000 € par infraction et par jour, à compter du huitième jour suivant la signification de l’ordonnance et pour une période de 60 jours, au-delà de laquelle il sera fait droit à nouveau,

. Laissons au juge de l’exécution le soin de liquider éventuellement l’astreinte,

. Déboutons les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

. Condamnons en outre la société Ornikar aux dépens de l’instance.

Le tribunal : M. Hémonnot (président)

Avocats : Me Claude Legond, Me Odinot Xavier,

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