Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : E-commerce

lundi 08 septembre 2014
Facebook Viadeo Linkedin

Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 08 août 2014

C.N.O.P. / Enova Santé

interdiction - pharmacien - référé - retrait - site internet - vente en ligne - ventes à distance

FAITS ET PROCÉDURE

Autorisé à assigner à heure indiquée, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (C.N.O.P.) a, par acte du 22 mai 2014 fait assigner la société Enova Santé, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile et au visa des articles L 4211-1, L 5125-33 et suivants, R 5125-79 et suivants du code de la santé publique, pour voir :
– condamner la société Enova Santé, à cesser le commerce électronique de médicaments sur le site internet http://www.1001pharmacies.com, sous astreinte de 1000 € par jour, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;
– ordonner le retrait des pages proposant le commerce électronique de médicaments, sur le site internet http://www.1001pharmacies.com, sous la même astreinte ; sollicitant une indemnité de procédure.

A l’audience, le C.N.O.P. a maintenu sa demande.

Il expose que la société Enova Santé, société commerciale qui n’est pas une officine de pharmacie et qui exploite un site de vente en ligne de produits de parapharmacie, propose depuis avril 2014 aux internautes de se procurer en ligne des produits de pharmacie sans respecter les règles applicables.

Il soutient principalement que les violations répétées des dispositions encadrant le commerce électronique de médicaments par la société Enova constituent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

La société Enova Santé nous demande de :
– constater que les dispositions françaises encadrant le commerce électronique de médicaments sont inapplicables faute d’avoir été notifiées conformément à la directive européennes 98/34/CE et en conséquence rejeter les demandes du C.N.O.P. ;
– subsidiairement, constater que les dispositions françaises encadrant le commerce électronique de médicaments sont inapplicables, la société Enova Santé n’étant ni un intermédiaire au sens de l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, ni un sous-traitant au sens de l’article L 5125-26 du code de la santé publique et en conséquence, en l’absence de trouble manifestement illicite, rejeter les demandes du C.N.O.P. ;
– constater l’irrecevabilité de l’action engagée par le C.N.O.P. au titre de la violation des dispositions relatives à l’hébergement sécurisé des données de santé ;
– constater que par précaution la société Enova Santé a suspendu son service de livraison de médicaments dans l’attente de la mise en place d’un service d’hébergement des données de santé par un hébergeur agréé,
sollicitant une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une indemnité de procédure.

Elle expose qu’elle a pour activité le développement et le maintien de la plateforme 1001pharmacies.com, laquelle « met en relation utilisateur et pharmaciens aux fins d’acheter et de vendre des produits de parapharmacie” et qu’elle propose par ailleurs un service de livraison de médicaments, vendus par les pharmacies partenaires de la société.

Elle soutient principalement que :
– le C.N.O.P., défenseur de la légalité et de la moralité des pharmaciens ne peut agir en justice que dans la mesure où il est porté atteinte aux intérêts non économiques de la profession, alors que la société Enova Santé n’est pas pharmacien ;
– les dispositions encadrant le commerce électronique de médicaments en France sont inapplicables faute d’avoir été notifiées à la Commission européenne, comme le prescrit l’article 8 de la directive 98/34/CE, pour tout projet de règle technique relatif aux produits et aux services de la société de l’information,
– l’utilisateur de la plateforme consent à la société Enova Santé un mandat d’achat pour acheter des médicaments en son nom, auprès des pharmacies avec lesquelles la société Enova Santé est liée par un contrat de partenariat.

En réplique, le C.N.O.P. soutient que conformément aux dispositions de l’article 10 de la directive 98/34/CE, la notification prévue à l’article 8 n’est pas nécessaire et qu’en tout état de cause, les principes posés par la directive 2011/62/UE, qui constituent des dispositions claires, précises et inconditionnelles, doivent recevoir une application directe.

DISCUSSION

Sur la recevabilité

Le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, dont la mission est d’assurer le respect des devoirs professionnels des pharmaciens, d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession, de veiller à la compétence des pharmaciens et de contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins et qui, conformément aux dispositions de l’article L4231-2 du code de la santé publique, peut, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession, est recevable à agir.

En effet, s’agissant des modalités de mise en œuvre d’une activité offrant des médicaments à la vente à distance au moyen de services de la société de l’information, il est patent que le C.N.O.P. a un intérêt légitime, tant en raison de son rôle dans le contrôle du respect par les pharmaciens des obligations qui s’imposent à eux notamment dans l’offre de vente en ligne des médicaments, spécialement lorsque ceux-ci sont soumis à prescription médicale, qu’en raison des implications en terme de santé publique que les modalités mises en place au plan européen de l’e-commerce de médicaments peuvent avoir.

Sur le fond

Aux termes de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon l’article L4225-26 du code de la santé publique, « Nul ne peut exercer la profession de pharmacien s’il n’offre toutes garanties de moralité professionnelle et s’il ne réunit les conditions suivantes :
1° Etre titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionnés aux articles L. 4221-2 à L. 4221-5
…3° Etre inscrit à l’ordre des pharmaciens.”

Aux termes de l’article L 5125 -26 du même code, “Est interdite la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 par l’intermédiaire de maisons de commission, de groupements d’achats ou d’établissements possédés ou administrés par des personnes non titulaires de l’un des diplômes, certificats ou autres titres mentionnés à l’article L. 4221-1.”

L’article 34 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne pose le principe de l’interdiction des restrictions à la libre circulation des marchandises entre Etats membres, en prescrivant que « Les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres », l’article 36 TFUE précise que « Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées par des raisons … de protection de la santé et de la vie des personnes […] » sous réserve qu’elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres.

Ainsi, conformément au principe selon lequel une restriction au principe de libre circulation des marchandises peut être justifiée dès lors qu’elle répond à un objectif d’intérêt général, notamment la protection de la santé ou la protection du consommateur, et si elle est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée, la Cour de justice a jugé le 20 février 1979 (affaire 120/78) que « Compte tenu de la faculté reconnue aux Etats membres de décider du niveau de protection de la santé publique, il y a lieu d’admettre que ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. Ils peuvent également prendre des mesures susceptibles d’éliminer ou de réduire un risque d’atteinte à cette indépendance dès lors qu’une telle atteinte serait de nature à affecter le niveau de la sûreté et de la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population ».

La position constante de la Cour a été rappelée au point 22 de la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil en date du 8 juin 2011, modifiant la directive 2001/83/CE ayant institué un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l‘introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés, la position de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans ses arrêts du 19 mai 2009 C-171/07 et C 172/07, en ces termes « Au regard des risques pour la santé publique et compte tenu du pouvoir accordé aux Etats membres de déterminer le niveau de protection de la santé publique, la jurisprudence de la Cour de justice a reconnu que les Etats membres peuvent réserver la vente de médicaments au détail, en principe, aux seuls pharmaciens ».

Le considérant 23 précise encore que “En particulier, au regard des risques pour la santé publique et compte tenu du pouvoir accordé aux Etats membres de déterminer le niveau de protection de la santé publique, la jurisprudence de la Cour de justice a reconnu que les Etats membres peuvent réserver la vente de médicaments au détail, en principe, aux seuls pharmaciens.”

S’agissant des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, le seul fait qu’ils puissent être proposés en ligne, par l’intermédiaire d’un service de communication électronique, ne suffit pas à écarter l’application de ces dispositions.

En effet, le considérant 24 rappelle que “Dès lors, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice, les Etats membres devraient pouvoir imposer des conditions justifiées par la protection de la santé publique lors de la délivrance au détail de médicaments offerts à la vente à distance au moyen de services de la société de l’information”, sans que celles-ci puissent entraver indûment le fonctionnement du marché intérieur.

Ainsi, les dispositions de l’article L 5125-34 selon lesquelles “Seuls peuvent faire l’objet de l’activité de commerce électronique les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription obligatoire.” ne contreviennent pas aux traités européens, ainsi que l’a admis le Conseil d’Etat dans sa décision du 17 juillet 2013, (n°365317).

En fait, il ressort des constatations effectuées sur le site accessible à l’adresse “http://www.1001pharmacies.com” par Me Eric Le Marec, huissier de justice associé à Paris, les 11, 16 et 30 avril 2014, qu’à la rubrique “livraison-médicaments”, sous l’onglet ”FAQ” Foire aux questions, il est indiqué (p8 de la pièce n° 2 du C.N.O.P.) :

« Concernant les médicaments nécessitant une ordonnance :
3-1 Est-ce que je peux réserver tous les médicaments y compris ceux sur ordonnance ?
Oui. Nous pouvons livrer vos médicaments soumis ou non soumis à ordonnance. Les seules exceptions sont les médicaments stupéfiants qui nécessitent que vous vous rendiez vous-même à la pharmacie pour les récupérer… »

A la page « A propos », il est indiqué à la rubrique « Livraison de médicaments avec 1001Pharmacie comment ça marche ?”
“1 Réservez vos médicaments avec ou sans ordonnance…
S’il s‘agit de médicaments soumis à prescription, vous pouvez soit envoyer un scan (numérisation de votre ordonnance) soit retranscrire le contenu de votre ordonnance, désignation du médicament et posologie. » (p.10 du même PV).

A la page « livraison Médicaments », rubrique « choix des médicaments » (p.15 du même PV), il est proposé deux possibilités : “j’ai une ordonnance/je n‘ai pas d’ordonnance”.

Dans le premier cas, il est mentionné « j‘envoie mon ordonnance ».

Apparaît alors une rubrique sur fond rouge « si vous réservez des médicaments soumis à prescription vous devez obligatoirement fournir la prescription ».

Ainsi, le site au jour des constats offrait à tout internaute le moyen d’acheter des médicaments soumis à prescription obligatoire.

De surcroît, il ressort de la pièce n° 6 du C.N.O.P. qu’apparait la suggestion du “Subutex” sous diverses posologies, lorsqu’est tapé le terme “subu”, ce qui laisse présumer qu’il est possible de commander effectivement des médicaments soumis à PMO.

Les conditions générales d’utilisation “du service de livraison de médicaments” précisent (point 2-3) que l’utilisateur du site dans l’activité distincte de la vente de produits de parapharmacie déjà en place – qui missionne Enova Santé pour acheter des médicaments “accepte” que cette dernière “refuse l’ordre de mission lorsque… “un/des médicaments réservé (s) soumis à PMO n‘est pas accompagné d’une ordonnance“.

La société Enova se présente dans la rubrique destinée aux pharmaciens en ces termes : “nous avons créé 1001pharma comme le premier site de vente en ligne de produits de santé… »
Il est précisé à la page “FAQ” que ”1001Pharmacies.com est un site internet qui propose aux internautes de se procurer tous leurs produits de santé en ligne (médicaments, parapharmacie) directement auprès de pharmacies françaises …“

Enfin, les conditions générales de partenariat “pharmacien partenaire”, dont il n’est pas précisé que ce contrat de mandat de vente ne s’applique pas aux médicaments et à ceux-ci sans distinction, rappelle aux pharmaciens qui s’engagent qu’il s’agit “d’un site de vente en ligne innovant”, que “le client … est informé que le pharmacien partenaire dispose de la faculté, conformément aux dispositions du code de la santé publique, de vérifier l‘opportunité de la vente d’un produit au client et, le cas échéant, de s‘opposer à la dispensation effective des produits commandés lors du retrait du produit par le client au sein de son officine”, ce qui ne peut se comprendre que dans l’hypothèse d’une vente de médicaments.

Le site en cause est donc un service de la société de l’information permettant d’offrir à la vente à distance au public des médicaments et notamment des médicaments soumis à prescription obligatoire.

La société Enova sSanté exploite le site litigieux.

Elle-même joue un rôle actif dans l’activité d’e-commerce de médicaments – y compris ceux soumis à prescription médicale obligatoire – en étant, ainsi qu’elle le revendique, l’intermédiaire entre l’internaute qui souhaite acheter en ligne et le pharmacien auprès duquel cette société se fournit.

Elle ne peut sérieusement soutenir qu’elle ne proposerait aux internautes qu’un service de “livraison” de médicaments, après que ceux-ci aient commandé à un pharmacien dénommé de tels produits.

Au demeurant, il apparaît à la suite de la rubrique “Livraison de votre commande” :
« Nous vous proposons plusieurs modes de livraison pour votre commande de parapharmacie ou médicaments sur 1001pharmacies.com »… le paragraphe “retrait gratuit au comptoir d’une pharmacie” où il est indiqué :
« Vous pouvez retirer votre commande sans aucun frais… dans une de nos pharmacies partenaires », et si une pharmacie proche possède « produits commandés », la société Enova propose « automatiquement lors de [la] commande le retrait au comptoir gratuit ». (pièce n° 2 du C.N.O.P.), ce qui indique que son rôle en particulier dans ce cas n’est pas de livrer les médicaments.

Or, il n’est pas contesté que la société Enova n’est pas le site d’un pharmacien inscrit à l’ordre des pharmaciens et aucun de ses responsables n’a cette double qualité.

Ce fait caractérise un trouble manifestement illicite.

S’agissant de l’offre de vente de médicaments non soumis à prescription obligatoire, il convient de rappeler que selon le point 20 de la directive 2011/62/CE précitée, un titre VII Bis est inséré dans le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, intitulé « vente à distance au public » dont l’article 85 quarter énonce que « 1. Sans préjudice des législations nationales qui interdisent l’offre à la vente à distance au public de médicaments soumis à prescription, au moyen de services de la société de l’information les Etats membres veillent à ce que les médicaments soient offerts à la vente à distance au public au moyen de services de la société de l‘information tels que définis dans la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, aux conditions suivantes :

a) la personne physique ou morale offrant des médicaments est autorisée ou habilitée à délivrer des médicaments au public, également à distance, conformément à la législation

d) sans préjudice des obligations d’information énoncées dans la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique”), le site internet offrant des médicaments contient au minimum :
ii) les coordonnées de l’autorité compétente ou de l’autorité qui reçoit la notification conformément au point b) ;
ii) un lien hypertexte vers le site internet de l‘État membre d’établissement visé au paragraphe 4 ;

2. Les États membres peuvent imposer des conditions, justifiées par la protection de la santé publique, pour la délivrance au détail, sur leur territoire, de médicaments offerts à la vente à distance au public au moyen de services de la société de l‘information.”

La directive prévoit en outre la création d’un logo commun qui sera affiché sur chaque page des sites internet ayant trait à la vente à distance de médicaments au public.

Les dispositions de la directive 2011-62 ont fait l’objet de transposition par l’ordonnance du 19 décembre 2012, le décret du 31 décembre 2012 et l’arrêté du 20 juin 2013.

Ainsi, il ressort de l’article L 5125-33 du code de la santé publique que “On entend par commerce électronique de médicaments l’activité économique par laquelle le pharmacien propose ou assure à distance et par voie électronique la vente au détail et la dispensation au public des médicaments à usage humain et, à cet effet, fournit des informations de santé en ligne.

L‘activité de commerce électronique est réalisée à partir du site internet d’une officine de pharmacie.
La création et l’exploitation d’un tel site sont exclusivement réservées aux pharmaciens suivants :
1° Pharmacien titulaire d’une officine ;
2° Pharmacien gérant d’une pharmacie mutualiste ou de secours minière, exclusivement pour leurs membres.
Les conditions de création et d’exploitation des sites internet de commerce électronique des officines de pharmacie sont fixées aux articles R5125-70 et suivants du même code. »

Si, comme le rappelle la société Enova Santé, l’article 8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information énonce que “Sous réserve de l’article 10, les Etats membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique “… l’article 10 de la même directive précise que “les articles 8 et 9 ne sont pas applicables aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres… par lesquels ces derniers se conforment aux actes communautaires contraignants qui ont pour effet l’adoption de spécifications techniques ou de règles relatives aux services”.

Tel est le cas en l’occurrence, s’agissant des dispositions autorisant la vente à distance de médicaments, sous réserve des limitations relatives aux médicaments sous prescription, et dans les conditions sus-visées dans la directive et notamment l’autorisation donnée par une autorité compétente.

Dans les faits soumis à la présente juridiction, le site en cause offre bien à la vente à distance des médicaments, il n’est pas contesté que la société Enova ne dispose pas de l’autorisation de l’Agence Régionale de Santé et il ne figure pas sur le site de l’ordre des pharmaciens dans la liste des sites autorisés.

Ces faits constituent un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l’article L1111-8 du code de la santé, “les professionnels de santé ou les établissements de santé ou la personne concernée peuvent déposer des données de santé à caractère personnel, recueillies ou produites à l’occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet. Cet hébergement de données, quel qu’en soit le support, papier ou informatique, ne peut avoir lieu qu’avec le consentement exprès de la personne concernée. Les traitements de données de santé à caractère personnel que nécessite l’hébergement prévu au premier alinéa, quel qu’en soit le support, papier ou informatique, doivent être réalisés dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La prestation d’hébergement, quel qu’en soit le support, fait l’objet d’un contrat. Lorsque cet hébergement est à l’initiative d’un professionnel de santé ou d’un établissement de santé, le contrat prévoit que l’hébergement des données, les modalités d’accès à celles-ci et leurs modalités de transmission sont subordonnées à l’accord de la personne concernée.”

Il n’est pas contesté qu’au jour des constats effectués à la requête de C.N.O.P. et au jour des débats, la société Enova Santé était liée par contrat à la société Typhon SAS pour l’hébergement du site en cause, laquelle ne figure pas dans la liste des hébergeurs agréés.

Or, il est constant qu’il est demandé aux internautes souhaitant commander des médicaments de remplir un questionnaire où figurent plusieurs données personnelles (âge, poids, sexe, traitements en cours, situation de grossesse ou d’allaitement, antécédents…) que ces données sont stockées sur le site de la société Enova Santé et sont hébergés dans les conditions susvisées.

Ce manquement constitue, de même, un trouble manifestement illicite.

Il convient de faire cesser sans délai ces manquements graves caractérisant chacun un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809§2 du code de procédure civile.

En raison de la nature des troubles en cause, et au regard des conséquences éventuelles sur la santé publique, il convient de faire droit aux demandes selon les modalités fixées au dispositif, ces mesures étant proportionnées et limitées à ce qui est strictement nécessaire.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du C.N.O.P. les frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer pour assurer sa défense

DÉCISION

Statuant par ordonnance remise au greffe, en premier ressort, contradictoire.

. Disons recevable l’action du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ;

. Enjoignons à la société Enova Santé de cesser d’offrir ou de permettre d’offrir à la vente à distance des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, sur le site qu’elle exploite à l’adresse http://www.1001pharmacies.com et lui enjoignons de retirer de ce site les pages proposant le commerce électronique de tels médicaments sans délai ;

. Disons qu’à défaut de ce faire, elle encourra une astreinte de 1000 € par jour à compter de la signification de la présente ordonnance pendant une durée de trois mois, passé lequel délai il pourra être à nouveau statué ;

. Enjoignons à la société Enova Santé de cesser d’offrir ou de permettre d’offrir à la vente à distance des médicaments sur le site qu’elle exploite à l’adresse http://www.1001pharmacie.com dans les conditions constatées par les procès-verbaux de Me Le Marec des 11, 16, 30 avril 2014, 15 et 16 avril 2014 et 6 mai 2014 et lui enjoignons de retirer de ce site les pages proposant le commerce électronique de tels médicaments sans délai ;

. Disons qu’à défaut de ce faire, elle encourra une astreinte de 1000 € par jour à compter de la signification de la présente ordonnance pendant une durée de trois mois, passé lequel délai il pourra être à nouveau statué ;

. Nous réservons la liquidation des astreintes ;

. Condamnons la société Enova aux dépens et à payer au C.N.O.P. la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal : Mme Magali Bouvier (présidente)

Avocats : Me Olivier Saumon, Me Bernard André Geneste

Notre présentation de la décision