Jurisprudence : Responsabilité
Cour de cassation, 2ème chambre civile, arrêt du 27 novembre 2014
URSSAF Paris / Mercury services
courrier électronique - fait - preuve - valeur probante
DISCUSSION
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 octobre 2013), qu’à la suite d’ un contrôle portant sur les années 2005 et 2006, l’URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Ile-de-France (l’URSSAF), a notifié à la société Mercury services (la société) une mise en demeure de régler un certain montant de cotisations et majorations de retard ; que le 16 février 2009, l’URSSAF délivrait à la société une contrainte ; que formant opposition à celle-ci, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de rejeter son opposition, alors, selon le moyen, que lorsqu’une partie n’a pas conservé l’original d’un document, la preuve de son existence peut être rapportée par la présentation d’une copie qui doit en être la reproduction fidèle et durable, l’écrit sous forme électronique ne valant preuve qu’à condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ; qu’ayant constaté, par motifs adoptés du premier juge, que la copie, versée aux débats, de la mise en demeure que la société Mercury services contestait avoir reçue, était une copie informatique conservée par l’URSSAF, la cour d’appel, qui n’a pas vérifié si cette copie était une reproduction fidèle et durable de l’original, si son auteur était dûment identifié et si elle était conservée dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité, alors même que l’exposante soulignait que l’URSSAF avait reconnu que cette copie n’était pas une reproduction fidèle de l’original, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1334, 1348 et 1316-1 du code civil ;
Mais attendu que les dispositions invoquées par le moyen ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie par tous moyens de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond ;
Et attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que l’URSSAF a adressé à la société, à une adresse régulièrement déclarée et non contestée, en la forme recommandée avec accusé de réception, une mise en demeure de régler la somme de 19 130 euros , laquelle a été signée par la société destinataire le 31 décembre 2008 ; que la copie informatique conservée par l’URSSAF contient la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elle se réfère, ce qui permet au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation ;
Que, par ces constatations relevant de son pouvoir souverain d’appréciation des élément de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu que, pris en ses autres branches, le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
DECISION
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mercury services aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mercury services et la condamne à payer à l’URSSAF d’Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Mercury services
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir validé la contrainte décernée le 11 février 2009 par l’URSSAF de PARIS, devenue l’URSSAF ILE DE FRANCE, pour son entier montant de 16.485 euros
AUX MOTIFS PROPRES QUE « conformément à ce qui a été exactement jugé par le Tribunal, il appartient à l’appelante de rapporter la preuve que la signature de l’accusé de réception de la mise en demeure régulièrement adressée à son siège ou établissement, n’émane pas de son destinataire ou de son mandataire ; qu’en l’espèce, la chronologie de la procédure de contrôle établit que l’URSSAF a adressé à la SARL MERCURY SERVICES le 30 décembre 2008, à l’adresse régulièrement déclarée et non contestée « Personnel Permanent, 3 boulevard de Magenta, 75010 Paris », en la forme recommandée avec accusé de réception, une mise en demeure de régler la somme de 19 130 euros soit 16 254 euros en principal et 2606 euros au titre des majorations de retard, laquelle a été signée par la société destinataire le 31 décembre 2008 ; que la preuve que la signature de l’accusé de réception de la mise en demeure, régulièrement adressée au siège de l’entreprise, point qui ne fait pas litige, n’émane pas de son destinataire ou de son mandataire de sorte que le moyen tiré de l’annulation de la mise en demeure ne saurait prospérer ; sur le fond qu’en vertu des dispositions de l’article 5 annexe IV du code général des impôts, la déduction spécifique de 30 % pour les voyageurs représentants placiers (V.R.P.) est caractérisée par une activité de prospection et de démarchage de clientèle, hors du domicile ou hors de l’entreprise en vue de prendre directement des commandes et par la perception d’une commission calculée sur les ventes réalisées par le représentant et non sur les ventes totales de l’entreprise ; qu’en l’espèce, l’inspecteur de l’URSSAF a constaté que le salarié percevait une rémunération brute égale au taux horaire mensuel selon un horaire effectif fixé au contrat avec un intéressement sur la marge brute et qu’au titre de la mobilité l’exercice était fixé au 2 et 4 rue du Château d’Eau à Paris certain d’entre eux étant détachés sur des chantiers en cours ou tous lieux nécessaires ; Qu’ainsi en l’absence de notion d’exercice sur un secteur géographique et en présence d’une activité ayant pour objet le suivi du personnel intérimaire sur les sites des clients, les salariés commerciaux de la SARL MERCURY SERVICES ne sauraient être considérés comme entrant dans la catégorie des Voyageurs Routiers Placiers ouvrant doit à la déduction forfaitaire spécifique »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « II/ Sur la régularité de la contrainte
La SARL MERCURY Services fait valoir un certain nombre de griefs qu’il convient d’examiner successivement.
1) Elle soutient que la contrainte n’a pas été précédée d’une mise en demeure préalable conformément aux dispositions de l’article R. 133-3 du Code Sécurité Sociale. L’U.R.S.S.A.F toutefois a produit la preuve qu’une mise en demeure avait bien été adressée à la SARL MERCURY Services qui l’a reçue le 31 janvier 2008 comme en atteste la signature figurant sur l’accusé de réception.
2) Elle fait valoir toutefois que la signature figurant sur cet AR lui est inconnue et qu’elle n’a pu identifier son auteur qui, en tout cas, n’est pas l’un des deux co-gérants. Mais il est de jurisprudence constante que la signature figurant sur l’AR est présumée être la signature de son destinataire ou de son mandataire (Cass. Soc 29-12-96 CAZOTTES) sauf preuve contraire qui en l’espèce n’est pas rapportée. Observation étant faite de surcroît que les AR des différents courriers adressés précédemment à la Société comportent des signatures différentes et qui ne sont pas celles des co-gérants …
3) La SARL MERCURY Services invoque encore qu’une autre mise en demeure datée du même jour et adressé à son second établissement ne présente pas le même formalisme. Mais la Cour de Cassation consacre la validité de la mise en demeure, dès lors que celle-ci précise la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elle se réfère, ce qui permet au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation. Ces indications figurent sur la copie informatique de la mise en demeure conservée par I’U.R.S.SAF
4) La SARL MERCURY Services fait valoir l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations Dont il résulte que toute décision prise par une des autorités administratives visées par la loi, doit comporter, outre la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Mais la Cour de Cassation, aux termes de sept arrêts rendus le 20 septembre 2005, a considéré que l’omission des mentions stipulées à l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 n’affectait pas la validité de la mise en demeure dès lors qu’était précisée la dénomination de l’organisme qui l’avait émise.
Il s’ensuit que la mise en demeure du 30 décembre 2008 est régulière
III/ Au fond
La SARL MERCURY Services conteste la remise en cause de l’abattement professionnel de 30 % pour ses commerciaux au titre des années 2005 et 2006. Elle maintient que chacun des commerciaux concernés exerçait une activité de prospection prépondérante, même s’ils avaient d’autres activités et que, à défaut d’avoir un secteur géographique de prospection prédéterminé, ils s’adressaient exclusivement à une catégorie de clientèle ciblée, les entreprises du BTP, ce qui justifie l’application de l’abattement de 30 %. Il résulte de l’article 5 de l’annexe IV du Code général des impôts que la déduction spécifique de 30 % pour les voyageurs, représentants-placiers (VRP) des commerce ou industrie, s’applique dans la mesure où il y a activité de représentation laquelle, en application d’une jurisprudence établie, se caractérise par:
– la prospection et le démarchage individuel de clientèle, hors du domicile ou hors de l’entreprise en vue de recueillir et de prendre directement des commandes dans un secteur géographique déterminé
– la commission, lorsqu’elle est prévue, calculée seulement sur les ventes réalisées par le représentant et non sur les ventes totales de l’entreprise.
Au regard des contrats de travail examinés par l’inspecteur de I’U.R.S.S.A.F, il a été constaté que la fonction consistait en la recherche de nouveaux clients, la recherche de personnel intérimaire, le suivi de clients, l’élaboration des marges, le suivi commercial.
Au titre de la rémunération, le salarié percevait une rémunération brute égale au taux horaire mensuel, compte tenu d’un horaire effectif fixé au contrat avec un intéressement sur la marge brute.
Au titre de la mobilité, il était indiqué que le commercial exercerait aux 2 et 4 rue du Château d’Eau à Paris, certains d’entre eux étant détachés sur des chantiers en cours ou sur tous lieux où il y aura nécessité.
II résulte de ces éléments que l’activité de recherche de clientèle effectuée par les salariés n’est pas réalisée essentiellement à l’extérieur de l’entreprise mais au contraire la plupart du temps sur le site de l’employeur par téléphone, sans notion de secteur géographique.
Les constatations de l’inspecteur de I’U.R.S.S.A.F démontrent que les salariés d’une entreprise de travail temporaire ont pour activité essentielle le suivi du personnel intérimaire sur les sites des clients.
Ainsi I’U.R.S.S.A.F est-elle en droit de considérer que les commerciaux de la SARL MERCURY Services n’entrent pas dans la catégorie des voyageur représentant placier de commerce ou d’industrie. »
ALORS D’UNE PART QU’il résulte des articles L 244-2, L 244-9 et R 244-1 du code de la sécurité sociale que la contrainte décernée pour le recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit être précédée d’une mise en demeure adressée au débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception précisant la nature, la cause et le montant des cotisations ainsi que la période à laquelle elles se rapportent ; qu’ayant constaté, par motifs adoptés du premier juge, que la copie de la mise en demeure produite par l’organisme de recouvrement, que la société MERCURY SERVICES contestait avoir reçue, était une copie informatique, la Cour d’appel qui s’est fondée sur les mentions de cette copie informatique pour en déduire que la mise en demeure permettait au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation sans rechercher, ainsi que le soutenait la société exposante, si l’URSSAF n’avait pas reconnu, dans ses écritures, que cette copie différait de l’original et s’il n’en résultait pas dès lors l’absence de justification de l’envoi, préalablement à la signification de la contrainte frappée d’opposition, d’une mise en demeure répondant aux exigences de l’article R 244-1 du code de la sécurité sociale, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte et des articles L 244-2 et L 244-9 du code de la sécurité sociale ;
ALORS D’AUTRE PART QUE dans ses conclusions d’appel, la société exposante avait fait valoir que, par ses écritures de première instance, l’URSSAF avait expressément reconnu que le document qu’elle avait produit aux débats n’était pas la copie conforme et fidèle à l’original de la mise en demeure qu’elle disait avoir adressée à la société MERCURY SERVICES de sorte qu’il n’était pas établi que l’organisme de recouvrement avait bien notifié une mise en demeure conforme aux dispositions de l’article R 244-1 du code de la sécurité sociale et précisant la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportaient ; qu’en omettant de répondre à ce moyen des conclusions d’appel de la société MERCURY SERVICES, la Cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE lorsqu’une partie n’a pas conservé l’original d’un document, la preuve de son existence peut être rapportée par la présentation d’une copie qui doit en être la reproduction fidèle et durable, l’écrit sous forme électronique ne valant preuve qu’à condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ; qu’ayant constaté, par motifs adoptés du premier juge, que la copie, versée aux débats, de la mise en demeure que la société MERCURY SERVICES contestait avoir reçue, était une copie informatique conservée par l’URSSAF, la Cour d’appel qui n’a pas vérifié si cette copie était une reproduction fidèle et durable de l’original, si son auteur était dûment identifié et si elle était conservée dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité, alors même que l’exposante soulignait que l’URSSAF avait reconnu que cette copie n’était pas une reproduction fidèle de l’original, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1334, 1348 et 1316-1 du code civil ;
ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE les salariés dont les fonctions commerciales prépondérantes de prospection et de démarchage de clientèle s’exercent en dehors des locaux de l’entreprise, auprès d’un clientèle déterminée, peuvent bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels au taux de 30% prévue par l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 au bénéfice des voyageurs représentants placiers statutaires ou non ; que la Cour d’appel qui, pour approuver la remise en cause par l’URSSAF de PARIS du bénéfice de cette déduction forfaitaire spécifique appliquée par la société MERCURY SERVICES à la rémunération de ses salariés exerçant de telles fonctions, s’est fondée sur les mentions de leurs contrats de travail et sur la constatation inopérante de l’absence de secteur géographique déterminé, sans rechercher si les conditions effectives d’exercice de leur activité ne leur ouvraient pas droit au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 et de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale.
La Cour : Mme Flise (président)
Avocats : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Source : legifrance.gouv.fr
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