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Jurisprudence : Logiciel

vendredi 23 janvier 2015
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Tribunal de grande instance de Paris, 3ème chambre, 1ère section, jugement du 6 novembre 2014

Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France / AFPA - Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes et Sopra Group

abus de droit - appel d'offres - audit - contrat - contrefaçon - distribution - droit d'auteur - licence d'utilisation - marché public - périmètre

FAITS ET PRÉTENTIONS

La société américaine Oracle Corporation et ses filiales
développent et distribuent des progiciels pour entreprises dont E-Business
Suite.

La société Oracle International Corporation est la
société du groupe titulaire des droits d’auteur sur les logiciels Oracle,
et la société Oracle France la filiale française du groupe pour le
compte duquel elle distribue les logiciels Oracle en France.

La suite Oracle E-Business fait partie de la catégorie PGI (Progiciel de
Gestion Intégrée) qui correspond à un ensemble de logiciels intégrant
les principales composantes fonctionnelles de l’entreprise : production,
gestion commerciale, logistique, achats, ressources humaines,
comptabilité, contrôle de gestion. Elle correspond à un ensemble
composé de plus de 70 logiciels applicatifs dédiés à la gestion de
l’entreprise.

Au sein de cette suite, les logiciels assurant des fonctionnalités d’une
même catégorie de métier au sein de l’entreprise sont regroupés par
famille. La famille Finances (Financial) regroupe ainsi les logiciels qui
gèrent les fonctions comptables et financières et la famille Achat
(Procurement) gère les fonctionnalités liées à la gestion des achats et
des fournisseurs.

La suite est livrée avec l’intégralité des logiciels qui la compose, et il
appartient au client ou à son prestataire d’installer les logiciels dont il
a acquis les licences. Le système de licence d’Oracle ne comporte
donc pas de clés pour bloquer les logiciels, en contrepartie de quoi les
utilisateurs ont la responsabilité d’assurer le respect des contrats en
cours et prennent l’engagement contractuel de coopérer aux audits de
licence menés par Oracle.

L’Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes
dite AFPA, créée le 1er janvier 1966, est une association de droit privé
subventionnée en quasi-totalité par l’Etat, et placée sous la du ministre
chargé de la formation professionnelle. Elle s’est vue attribuer par ses
textes constitutifs une mission de service public, notamment pour la
formation professionnelle des demandeurs d’emploi.

La société Sopra Group, créée en 1968, est une société française
de conseil et de services dans le domaine informatique, qui se présente
comme un acteur majeur européen du conseil, des services
technologiques et de l’édition de logiciels.

Par contrat en date du 27 avril 2000, la société Sopra Group est
devenue partenaire et distributeur des produits Oracle l’autorisant à
distribuer tous les logiciels Oracle Application pour le monde entier.

Le 6 septembre 2001, l’AFPA a lancé un appel d’offres en vue de la
conclusion d’un marché dont l’objet était la « Fourniture de progiciels
de gestion comptable et financière et de prestations associées
d’intégration, formation et maintenance».

Les principales caractéristiques de ce marché étaient les suivantes :
« La couverture fonctionnelle du système demandé comprend
notamment: la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale et les
comptabilités auxiliaires, la comptabilité pluriannuelle des
investissements, la gestion financière des marchés, la gestion des
immobilisations, la comptabilité analytique.

Les prestations d’intégration associées couvrent: les prestations de
paramétrage, de développement d’interfaces, de reprise de données,
de tests et de validation, de garantie, de documentation (utilisateurs,
technique et paramétrage).
La prestation de formation porte sur des formations à l’administration
du système et à l’utilisation des progiciels.

La prestation de maintenance comporte deux parties : maintenance
corrective et maintenance évolutive. Le système devra être
opérationnel mi».

Le 13 novembre 2001, la société Sopra Group a présenté sa
candidature à l’AFPA, en proposant l’exploitation de la solution
Oracle E-Business Suite.

Conformément au Cahier Des Clauses Administratives Particulières
(CCAP), elle a décomposé son intervention en deux phases

*la première fourniture initiale :
« Cette phase débute à la notification du marché et prend fin à l’issue
de la période de VSR. Cette phase comprend : la livraison et
l’intégration d’une solution informatique complète de gestion (,
comptable et financière, analytique et les immobilisations, (basé sur un
ou des progiciels), en particulier:

-Fourniture du/des logiciels,
-La mise en oeuvre,
-L’ interfaçage,
-La reprise de données,
-La formation des équipes projet (MOA& MOE),
-La fmmation des équipes de formateurs».

*la seconde phase :
« Cette phase est subordonnée à l’admission sans réserve de la phase
1, sa durée est de un an. Elle comporte :

-Le droit de suivi,
-La prestation de Maintenance applicative (MA) qui comprend la
prestation de maintenance standard (type 1), la prestation à bons de
commande (type 2) et la réversibilité ».

Le marché n°/00003/00/000/93SI a été notifié le 19 avril 2002 par
l’AFPA à la société Sopra Group.

Le 5 septembre 2003, l’AFPA a suspendu l’exécution du projet pour
prendre en compte l’effet de la décentralisation des crédits publics
alloués à la formation professionnelle et intégrer ainsi le nouveau
contexte de gestion à caractère privé. Cette suspension a donné lieu à
un avenant au marché Mosaic ayant pour objet de constater l’état
d’avancement du projet au 31 mai 2003.

Cet état des travaux réalisés par la société Sopra au 31 mai 2003 fait
mention du dossier de Paramétrage PO, « d’Adaptations écrans PO
(cde+DA+appel cde) »
, ou encore du module PO au regard des
descriptions de reprise des commandes.

La société Sopra Group ayant remporté l’appel d’offres du marché
Mosaic Finances, a commandé les logiciels auprès de la société
Oracle France, les a livrés et installés dans le système de
l’AFPA.

Selon le bon de commande en date du 26 avril 2002, la société Sopra Group
a commandé pour l’AFPA les licences pour 475 utilisateurs de
l’application Financials.

En 2005, à la fin du marché Mosaic, la société Sopra Group s’est
retirée, et la société Oracle France a repris l’intégralité des
contrats souscrits en 2002 par l’AFPA.

En décembre 2005, la société Oracle France a réalisé un premier
audit au sein de l’AFPA, limité à la revue des produits Oracle
Database Enterprise Edition et IAS Entreprise Edition.

Le rapport d’audit fait référence de façon explicite à l’utilisation par
l’AFPA du module PO.

Le 29 novembre 2007, l’AFPA a commandé des licences
supplémentaires du logiciel Oracle Financialset les relations
contractuelles entre la société Oracle France et l’AFPA se sont
poursuivies les années suivantes.
Par courrier en date du 7 juillet 2008, la société Oracle France a
fait part à l’AFPA de son intention d’organiser un nouvel audit visant
à« passer en revue les droits d’utilisation de ses produits par l’AFPA
afin de lui permettre « d’obtenir une vision plus claire du niveau
d’utilisation des produits Oracle et partant leur optimisation.

Cet audit ne sera mis en oeuvre qu’en mai/juin 2009 et devait porter sur
l’usage des licences Oracle Applications et notamment sur l’application
E-Business Suite.

Cet audit a été initié de façon concomitante avec la décision de l’AFPA
de passer en 2009 un nouvel appel d’offres, cette fois pour développer
la « solution achat » déjà existante installée par Sopra dans le cadre
du Marché Mosaic.

En raison de cet appel d’offres en cours, le processus d’audit a été
suspendu.

Les 13 mai et 14 juin 2009, l’audit réalisé indiquait que l’AFPA utilisait
885 licences du logiciel Purchasing, sans avoir acquis les droits
d’utilisation correspondants selon la société Oracle France qui
prétend que les deux logiciels n’appartiennent pas à la même famille
d’applications dans la suite E-Business, le logiciel Purchasing faisant
partie de la famille Procurement qui serait un logiciel distinct de
Financials.

Une discussion s’est alors engagée entre les parties en vue d’une
régularisation amiable de la situation.

Après deux années de négociations infructueuses, les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France, ont assigné le 21 mars 2012 l’Association
Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes en contrefaçon
pour utilisation non autorisée de son logiciel Purchasing.

Par acte d’huissier en date du 31 juillet 2012, l’AFPA a appelé en
garantie la société Sopra Group aux fins de faire jouer sa garantie
contractuelle à l’égard d’Oracle.

La jonction des deux instances a été ordonnée le 13 novembre 2012.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 14 avril 2014, les
sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France ont
demandé au tribunal de :

Vu la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et
artistiques,
Vu la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits
de propriété intellectuelle sur les logiciels,
Vu les articles L 113-1 et suivants, L 122-4, L 122-6, L 122-6-1, L 331-
1 et suivants, L 331-1-3, L 335-1 et suivants, L 335-3 du code de la
propriété intellectuelle,
Vu les articles 1163, 1 356, 2 222 et 1197 du code civil,
Vu l’article D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire,
Vu l’article L 111-3 du code de l’organisation judiciaire,
Vu les articles 32-1, 70 et 146 du code de procédure civile,

Déclarer les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France recevables en leur action.
Constater que l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes s’est portée acquéreur le 26 avril 2002 de
licences du logiciel Financials de la suite E-Business version majeure
11i.
Constater que le logiciel Purchasing est un logiciel de la suite EBusiness
distinct du logiciel Financials.
Constater que l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes a reconnu judiciairement utiliser le logiciel
Purchasing et bénéficier des mises à jour.
Constater que l’AFPA n’a pas mis en cause les résultats de l’audit
contractuel du 30 juin 2010 faisant état de 885 utilisateurs nommés de
l’application Purchasing.
Constater que les droits d’utilisation du logiciel Purchasing ne sont pas
couverts par les contrats en cours entre l’Association nationale pour la
Formation Professionnelle des Adultes et Oracle France.
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France n’ont pas accordé d’autorisation tacite
d’utiliser ledit logiciel ou renoncé à agir pour faire respecter leurs droits
de propriété intellectuelle.
Constater que l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes utilise en conséquence, sans autorisation,
le logiciel Purchasing de la suite E-Business version majeure IIi
(version 1I.5.9) éditée par Oracle Corporation et dont les droits
d’exploitation appartiennent à Oracle International Corporation.
Dire en conséquence que l’Association Nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes a commis des actes de contrefaçon du
logiciel Purchasing de la suite E-Business version majeure I1 i (version
11.5.9).

A titre principal :
Constater que Sopra Group a commis une faute envers Oracle
France et concouru aux actes de contrefaçon commis par l’AFPA.
Déclarer par conséquent la société Oracle France recevable en ses
demandes de condamnation in solidum à l’encontre de Sopra Group.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle France la somme de 3 920 550 euros hors taxes (trois
millions neuf cent vingt mille et cinq cent cinquante euros) à titre
d’indemnité forfaitaire au titre de la reproduction non autorisée du
logiciel Purchasing pour 885 utilisateurs nommés.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle France la somme de 9 487 731 euros hors taxes (neuf
millions quatre cent quatre-vingt sept mille sept cent trente et un euros)
à titre d’indemnité forfaitaire au titre de l’utilisation non autorisée des
services de support technique et des mises à jour du logiciel
Purchasing.

A titre subsidiaire :
Constater que Sopra Group a commis une faute envers Oracle
International Corporation en concourant aux actes de contrefaçon
commis par l’AFPA.
Déclarer par conséquent la société Oracle International Corporation
recevable en sa demande àe condamnation in solidum à l’encontre de
Sopra Group.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle International Corporation la somme de 3 920 550 euros
hors taxes (trois millions neuf cent vingt mille et cinq cent cinquante
euros) à titre d’indemnité forfaitaire au titre de la reproduction non
autorisée du logiciel Purchasing pour 885 utilisateurs nommés.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle International Corporation la somme de 9 487 731 euros
hors taxes (neuf millions quatre cent quatre-vingt sept mille sept cent
trente et un euros) à titre d’indemnité forfaitaire au titre de l’utilisation
non autorisée des services de support technique et des mises à jour du
logiciel Purchasing.

A titre infiniment subsidiaire :
Constater que Sopra Group a commis une faute envers Oracle
Corporation en concourant aux actes de contrefaçon commis par
l’AFPA.
Déclarer par conséquent la société Oracle Corporation recevable en sa
Demande de condamnation in solidum à l’encontre de Sopra Group.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle Corporation la somme de 3 920 550 euros hors taxes
(trois millions neuf cent vingt mille et cinq cent cinquante euros) à titre
d’indemnité forfaitaire au titre de la reproduction non autorisée du
logiciel Purchasing pour 885 utilisateurs nommés.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et la société Sopra Group à verser à la
société Oracle Corporation la somme de 9 487 731 euros hors taxes
(neuf millions quatre cent quatre-vingt sept mille sept cent trente et un
euros) à titre d’indemnité forfaitaire au titre de l’utilisation non
autorisée des services de support technique et des mises à jour du
logiciel Purchasing.

En tout état de cause :
Ordonner à l’Association nationale pour la Formation Professionnelle
des Adultes dans un délai de 15 jours à compter de la signification de
la décision à intervenir, et sous astreinte de 5 000 euros par jour de
retard passé ce délai, de désinstaller le logiciel Purchasing et de
supprimer les éventuelles copies de sauvegarde du logiciel Purchasing
de son système d’information, en l’attestant au moyen d’un document
écrit dûment signé par un représentant habilité, adressé par lettre
recommandée avec accusé de réception à la société Oracle France.
Ordonner que la société Oracle France puisse procéder, dans un délai
d’un mois à compter de la réception de l’attestation visée au paragraphe
précédent, et sous astreinte de 1 0 000 euros par jour de retard passé ce
délai, à un audit d’utilisation de la suite E-Business dans le système
d’information de l’AFPA portant exclusivement sur le module
Purchasing.
Se réserver la liquidation des astreintes.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et Sopra Group à verser ensemble aux
sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle
France la somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du
code de procédure civile.
Condamner in solidum l’Association nationale pour la Formation
Professionnelle des Adultes et Sopra Group aux entiers dépens.
Débouter Sopra Group et l’AFPA de leurs demandes
d’irrecevabilité et Sopra Group de ses demandes de rejet des pièces
produites.
Débouter l’Association nationale pour la Formation Professionnelle des
Adultes et Sopra Group de leurs demandes reconventionnelles pour
procédure abusive.
Débouter Sopra Group de ses demandes d’expertise et la débouter
de toute autre demande nouvelle qu’elle viendrait à présenter après la
signification des présentes conclusions.
Déclarer l’Association nationale pour la Formation Professionnelle des
Adultes irrecevable et en tout état de cause mal fondée en sa demande
de dommages et intérêts pour abus de position dominante, et sa
demande de sursis à statuer dans l’attente de l’avis de l’Autorité de la
Concurrence.
La débouter de toute autre demande nouvelle qu’elle viendrait à
présenter après la signification des présentes conclusions.
Condamner Sopra Group et l’Association nationale pour la
Formation Professionnelle des Adultes à verser chacune une amende de
3 000 euros au bénéfice du Trésor Public pour leur comportement
abusif.
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de leurs demandes elles font valoir que l’AFPA utilise, en
connaissance de cause, le logiciel ou module Purchasing la suite EBusiness
version 11 i éditée et commercialisée par Oracle Corporation
et ses filiales, sans autorisation. Elle se rend donc coupable d’actes de
contrefaçon.
L’action en contrefaçon n’est pas prescrite
Il ressort des pièces du marché confié par l’AFPA à la société Sopra Group
que celle-ci a effectivement inclus le logiciel Purchasing dans son
offre, et il a été reconnu par son conseil que la société Sopra a installé
ce logiciel sur le système de l’AFPA. La société Oracle est donc bien
fondée à présenter une demande de condamnation in solidum à
l’encontre de la société Sopra, en tant que co-auteur du dommage.
Les mesures d’expertises et de saisine de l’Autorité de la concurrence
pour abus de position dominante des sociétés Oracle sont présentées
tardivement respectivement par la société Sopra Group et l’AFPA
à des fins purement dilatoires.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2014,
l’Association nationale pour la Formation Professionnelle des
Adultes a demandé au tribunal de :

Vu les dispositions des livres 1 et III du code de la propriété
intellectuelle,
Vu la Directive CE n° 2009124 du 23 avril 2009 concernant la
protection juridique des programmes d’ordinateur,
Vu la Directive CE no 2001129 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de
certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société
de l’information,
Vu les articles 1134, 1147, 1150, 1382, 2222, 2224 du code civil,
Vu les articles L.420-2, L.462-3, L.420-7 et R.420-4 du code de
commerce,
Vu les articles 2270-1 et 2277 anciens du code civil,
Vu les articles 122, 263 du code de procédure civile.
Vu le principe selon lequel « Nul ne peut se contredire au détriment
d’autrui»,
Vu la théorie de l’apparence,

A titre in limine litis :
Solliciter pour avis l’Autorité de la concurrence, afin que cette dernière
analyse les pratiques des sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France,
tant du point de vue de la mise en oeuvre d’audits contractuels que du
point de vue de l’introduction abusive d’actions judiciaires, en
particulier à son encontre, ayant pour objet ou pour effet de restreindre
la concurrence sur le marché des Solutions SGF et le marché connexe
des SGBDR, au sens des dispositions de l’article L.420-2 du Code de
commerce et 102 du TFUE ; et
Surseoir à statuer sur les demandes du chef de l’abus de position
dominante dans l’attente de l’avis de l’Autorité de la concurrence.

A titre principal :
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France n’ont pas
d’intérêt à agir conjointement en qualité de titulaire du logiciel
revendiqué.
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France savaient que
le logiciel Purchasing/PO faisait partie de la solution proposée par
Sopra à l’AFPA dans le cadre du marché Mosaic.
Dire et juger que l’AFPA a utilisé de bonne foi le logiciel
Purchasing/PO depuis l’origine du marché Mosaic.
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France
connaissaient depuis 2001 l’utilisation par l’AFPA du logiciel
Purchasing/ PO.
Dire et juger que le comportement intentionnel des sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France constitue une faute ayant pour effet d’exclure son
droit à réparation.
Dire et juger que la distribution par les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France du logiciel Purchasing/ PO à Sopra constitue un
acte de vente.
Dire et juger que le marché Mosaic emporte opération de vente par
Les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France à Sopra du logiciel
Purchasing/PO.
Dire et juger que Sopra a revendu le logiciel Purchasing/PO à
l’AFPA qui en est devenue le sous-acquéreur de bonne foi.
Dire et juger qu’il n’y a pas lieu à désinstaller le logiciel Purchasing/
PO de l’AFPA.

En conséquence,
Dire et juger que les demandes formulées par les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France sont irrecevables.
Dire et juger l’action en contrefaçon des sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France mal dirigée contre l’AFPA qui doit être mise hors de
Dire et juger que l’AFPA n’a commis aucun acte de contrefaçon du
logiciel Purchasing/ PO.
Dire et juger qu’en toute hypothèse, l’action des sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France est prescrite.
Dire et juger qu’en toute hypothèse, l’action des sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France est prescrite en ce qui concerne les redevances de
maintenance antérieures à l’année 2008.
Dire et juger que l’expertise judiciaire n’est pas nécessaire.
Débouter en conséquence les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France
de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,
Dire et juger que Sopra a eu un rôle de conseil de l’AFPA dans le
choix et l’installation du logiciel Purchasing/ PO dans le cadre du
marché Mosaic.
Dire et juger que Sopra a spontanément proposé le logiciel
Purchasing/ PO à l’installation à l’AFPA.
Dire et juger que Sopra a installé à l’AFPA le logiciel Purchasing/
PO.
Dire et juger que Sopra a facturé à l’AFPA l’installation et
l’utilisation du logiciel Purchasing/ PO ainsi que les contrats de
maintenance y afférents.
Dire et juger que l’AFPA s’est toujours acquittée des factures de
Sopra.
Dire et juger que la garantie contractuelle prévue à l’article XIV du
marché Mosaic est valable et qu’elle a donc lieu à s’appliquer pour
garantir l’AFPA dans la présente instance et depuis l’origine du
différend avec les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France.
Dire et juger que les manquements contractuels de Sopra à l’égard
de l’AFPA sont d’une telle gravité qu’ils constituent une faute lourde.
Dire et juger que Sopra est pleinement responsable de toutes les
éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées pour
l’utilisation du logiciel Purchasing/ PO par l’AFPA.
Dire et juger en conséquence qu’il n’y a pas lieu de condamner
l’AFPA solidairement avec Sopra pour l’utilisation du logiciel
Purchasing/ PO par l’AFPA.

En conséquence,
Déclarer recevable et bien fondée l’action en garantie de l’AFPA à
l’égard de Sopra.
Condamner Sopra à garantir pleinement l’AFPA de toutes les
éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à l’égard de
l’AFPA pour avoir utilisé le logiciel Purchasing/ PO.
Condamner Sopra à payer la somme de 350 000 euros au titre des
coûts supportés par l’AFPA depuis l’origine du différend avec les
sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France et engendrés par la présente
instance.

A titre très subsidiaire,
Dire et juger que le préjudice réclamé par les sociétés Oracle
CORPORATION, Oracle International Corporation et
Oracle France n’est démontré ni dans son fondement ni dans son
quantum.

En conséquence,
Débouter les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France de leur
demande indemnitaire.

A titre reconventionnel,
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France ont
abusivement mis en oeuvre la possibilité d’audits contractuels, en les
détournant de leur objectif, afin de faire pression sur l’AFPA pour la
dissuader de faire appel à un concurrent au moment des périodes de
renouvellement contractuels, ce afin de restreindre la concurrence sur
le marché des Solutions SGF et sur le marché connexe des SGBDR, ces
pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence
au sens des dispositions des articles L.420-2 du Code de commerce et
102 du TFUE.
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France ont introduit
une action judiciaire abusive à l’encontre de l’AFPA, ayant pour objet
ou pour effet de restreindre la concurrence sur le marché des Solutions
SGF et sur le marché connexe des SGBDR, au sens des dispositions des
articles L.420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

En conséquence,
Condamner les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France à verser à
l’AFPA la somme de 1.000.000 d’euros à titre de dommages et intérêts
sur le fondement de l’article 1382 du code civil.
Dire et juger que la procédure introduite par les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et
Oracle France est abusive et engage leur responsabilité civile
délictuelle.
En conséquence,
Condamner les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France à verser à
l’AFPA la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts
pour procédure abusive.

Sur la demande d’oracle pour procédure abusive,
Dire et juger qu’aucun comportement dilatoire et abus du droit de la
défense n’est imputable à l’AFPA.
En conséquence,
Débouter les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France de leur
demande d’amende civile de 3 000 euros.

En tout etat de cause,
Débouter les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France de
l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre
de l’AFPA
Débouter la société Sopra de l’ensemble de ses demandes en ce
qu’elles sont dirigées à l’encontre de l’AFPA
Condamner les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France à verser à
l’AFPA la somme de 1 00 000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile.
Condamner les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France aux entiers
dépens, dont distraction au profit de Maître Gilles Bigot, avocat, en
application des dispositions de l’article 699 du code de procédure
civile.

Au soutien de ses demandes l’AFPA prétend que Oracle est
irrecevable à demander réparation d’un prétendu préjudice pour
contrefaçon auprès de l’AFPA ; que l’action intentée par Oracle est
prescrite et le comportement d’Oracle est constitutif d’une faute
intentionnelle qui est la cause exclusive de son dommage et qui a pour
conséquence d’exclure totalement tout droit à réparation
Elle ajoute que l’attitude d’Oracle traduit un abus de position
dominante dont l’AFPA est la victime, ce qui justifie une indemnisation
significative au titre du préjudice qu’elle subit. Il est demandé au
tribunal de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de l’Autorité
de la concurrence saisit pour avis sur les pratiques d’abus de position
dominante imputables à Oracle.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal considérait que tout
ou partie des prétentions d’Oracle devaient être accueillies, il
conviendrait de retenir que Sopra a commis une faute lourde à l’égard
de l’AFPA, justifiant une responsabilité contractuelle sans limitation
aucune, non seulement au titre de la garantie contractuelle due par
Sopra à l’AFPA, mais également sur le fondement de l’article 1147
du code civil

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2014, la société
Sopra Group a demandé au tribunal de :

Vu les articles 4, 9, 16, 31, 32,32-1, 143 et 232 du code de procédure
civile,
Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue
française ,
Vu les articles L. 111-1 et L. 331-1 et suivants du code de la propriété
intellectuelle,
Vu les articles 1149, 1162, 1382 du code civil et son ancien article
2270-1,
Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription en matière civile,

Recevoir la société Sopra Group en ses conclusions, l’en dire bien
fondée et en conséquence :

A titre principal :
Constater que ni la société Oracle France, ni les sociétés Oracle
Corporation et Oracle International Corporation ne démontrent disposer
des droits nécessaires pour leur permettre de diligenter la présente
action en contrefaçon ;
En conséquence, déclarer les sociétés Oracle France, Oracle
Corporation et Oracle International Corporation irrecevables en leurs
demandes;
Constater que les pièces 10, 33 à 37, 41, 47 à 53, 55 à 61, 59 à 61 et 68
produites par les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France sont dépourvues de toute force probante
et ne sont pas opposables aux parties ;
En conséquence, les écarter des débats ;
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France n’établissent aucunement la matérialité
des faits de contrefaçon qu’elles allèguent, n’identifient pas le logiciel
prétendument contrefait ;
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France Oracle ne caractérisent pas l’originalité
du composant logiciel prétendument utilisé sans droit par l’AFPA ;
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France n’établissent aucunement le périmètre de
l’utilisation par l’AFPA du composant logiciel;
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France forment des demandes indéterminées et
indéterminables ;
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France n’identifient pas le logiciel prétendument
contrefait, ne caractérisent pas son originalité et n’établissent
aucunement la matérialité des faits de contrefaçon qu’elles allèguent;
En conséquence, déclarer les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France irrecevables en leurs
demandes ou, subsidiairement, désigner tel expert informatique qu’il
plaira au tribunal, avec pour mission de :
Convoquer régulièrement les parties ;
Prendre connaissance de tous documents qu’il jugera utiles à sa
mission, notamment l’ensemble des grilles tarifaires pour les produits
Oracle E-Business depuis 2001 ;
Se rendre en tous lieux nécessaires à la tenue de sa mission ;
Entendre tous sachants ; et
1° S’agissant de l’identification du composant logiciel prétendument
contrefait :
Dire dans quelles conditions la solution logicielle fournie par Oracle
pour les besoins du Projet Mosaïc a été installée, en particulier décrire
les composants logiciels installés dans les systèmes informatiques de
l’AFPA, notamment afin de déterminer si le composant « PO » y a été
installé ;
Dire si des modifications de quelque nature que ce soit ont été réalisées
sur le module « PO » depuis son installation ;
Le cas échéant, dire dans quelles conditions ces modifications ont été
réalisées;
Etablir S’adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des
experts près le tribunal de céans ;
chronologiquement un décompte des licences effectivement installée
dans les systèmes d’information de l’AFPA depuis le démarrage du
Projet Mosaïc;
Dire ce que recouvrait exactement le composant « PO » lors de
l’installation de la solution logicielle dans les systèmes d’information
de l’AFPA, et notamment s’il était un élément du module «Purchasing »
et de lui seul ;
Dire si le besoin décrit dans le Cahier des clauses techniques
particulières relatif au marché passé par l’AFPA impliquait l’utilisation
du composant « PO » tel que le produit Oracle E-Business était
disponible le 13 novembre 2001, lors de la remise de l’offre de Sopra
Group à l’AFPA dans le cadre de ce marché ;
Le cas échéant, dire s’il était possible de contourner l’utilisation du
composant « PO » avec des développements spécifiques afin de
répondre au besoin exprimé par l’AFPA ;
Etablir l’étendue des discussions entre Oracle et l’AFPA en phase
d’avant-vente du marché litigieux;
Dire dans quelles conditions Oracle a participé à la rédaction de la
proposition commerciale de Sopra Group et dans quelle mesure elle
avait compris le besoin fonctionnel de l’AFPA ;
Décrire l’offre « Oracle Public Sector Financials » telle qu’elle était
commercialisée par Oracle le 13 novembre 2001, lors de la réponse de
Sopra Group à l’appel d’offre de l’AFPA;
Dire quelles étaient les licences à acquérir afin d’installer le
préconfiguré « Oracle Public Sector Financials », socle technique de
la proposition commerciale rédigée par Sopra Group et analyser les
éléments logiciels de cette offre ;
Dire dans quelles conditions Oracle a rédigé le bon de commande
SPU/1102/004B/JPG ;
Dire si Oracle a respecté son rôle de conseil en n’intégrant pas le
module « PO » ou tout autre logiciel nécessaire à son utilisation au bon
de commande ;
Dire par quel moyen Sopra Group a été en mesure d’installer un produit
de la suite Oracle E-Business sans disposer de licences fournies;
Dire si Oracle a, au regard de ses échanges avec l’ AFPA, eu la
possibilité d’établir l’utilisation du module «PO » bien avant la revue
d’utilisation réalisée en 2009 ;
2° S’agissant de la détermination des éléments permettant au tribunal
de se prononcer sur l’originalité de la suite logicielle E-business, et
notamment du module « Purchasing » et du composant « PO » :
Se faire communiquer par les sociétés Oracle France, Oracle
Corporation et Oracle International Corporation le code source de la
suite E-Business dans son état de développement au 25 mars 2002 ;
Procéder à l’examen de ce code source ;
Donner une description de la suite logicielle E-business, de son module
« Purchasing »et du composant« PO», notan1ment des choix effectués
en termes d’architecture du logiciel, de lignes de programmation, de
codes (code source, code objet), d’organigramme et de matériel de
conception préparatoire retenu, et, s’agissant du module« Purchasing»
et du composant« PO», dire si ces choix vont au-delà des contraintes
de la seule logique automatique et contraignante.
Rédiger un rapport ;

A titre subsidiaire :
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France ne démontrent pas que l’AFPA n’avait
pas les droits d’utilisation du module litigieux ;
Dire et juger que la licence contractée par l’AFPA intègre les droits
d’utilisation sur la fonctionnalité litigieuse;
Dire et juger que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France savaient pertinemment que la
fonctionnalité litigieuse faisait partie de la solution proposée par Sopra
Group, validée par Oracle et traduite par Oracle dans le bon de
commande qu’elle a elle-même établi;
Dire et juger que la société Sopra Group n’a commis aucune faute à
l’égard de l’AFPA;

En conséquence,
Dire et juger qu’aucun acte de contrefaçon ne peut être reproché à
Sopra Group et débouter purement et simplement les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France et
l’AFPA de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
Constater que la société Sopra Group n’a commis aucune faute au titre
de son contrat de partenariat avec la société Oracle France ;

En conséquence,
Dire et juger qu’aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre
et débouter purement et simplement les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France de l’intégralité de
leurs demandes, fins et conclusions ;
Si par extraordinaire, le Tribunal devait juger constitués les actes de
contrefaçon allégués, dire et juger que les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France se sont rendues
coupables de faute dolosive et intentionnelle à l’égard de la société
Sopra Group en ne l’avisant pas que les modules souscrits au titre du
bon de commande du 25 mars 2002 ne permettaient pas à l’AFPA de
répondre à l’ensemble de ses besoins visées dans le CCTP et en
particulier de gérer les demandes d’achat ;
Dire et juger que cette faute des sociétés Oracle Corporation, Oracle
Intemational Corporation et Oracle France exonère la société Sopra
Group de la réparation éventuelle de tout préjudice au titre de la
contrefaçon ;

En conséquence,
Débouter purement et simplement les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France de l’intégralité de
leurs demandes, fins et conclusions.
Juger ce que de droit s’agissant de la demande de saisine pour avis de
l’Autorité de la Concurrence, formée par l’AFPA ;

A titre infiniment subsidiaire:
Constater que la demande de dommages et intérêts formulée par la
société Oracle France et, subsidiairement, par les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation au titre des actes de
contrefaçon du «module Purchasing », fondée sur l’article L. 331-1-3
alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, ne correspond pas au
montant des redevances qu’elles auraient effectivement perçues si
l’AFPA avait bénéficié d’une licence d’utilisation spécifique;
Constater que si l’AFPA avait été contrainte d’acquérir une licence
d’utilisation spécifique pour ce module, elle l’aurait payée au prix
public, diminué de 85,79% ;
En conséquence, si, par extraordinaire, l’AFPA et la société Sopra
Group devaient être condamnées à indemniser la société Oracle France
ou, subsidiairement, les sociétés Oracle Corporation, Oracle
Intemational Corporation du préjudice résultant de la contrefaçon
qu’elles allèguent, appliquer un taux de remise de 85,79% sur le prix
catalogue des licences correspondantes afin de déterminer le montant
de ces condamnations ;
Constater que la demande de dommages et intérêts formulée par la
société Oracle France et, subsidiairement, par les sociétés Oracle
Corporation, Oracle Intemational Corporation au titre du défaut de
souscription du support technique correspondant au « module
Purchasing », ne correspond pas au montant des redevances qu’elles
auraient effectivement perçues si l’AFPA avait acquis ce service ;
Constater que si l’AFPA avait été contrainte d’acquérir lesdits
services, elle les aurait payés sur la base d’un taux de 22% applicable
sur le prix public des licences correspondantes, diminué de 85,79% ;
En conséquence, si, par extraordinaire, l’AFPA et la société Sopra
Group devaient être condamnées à indemniser la société Oracle France
ou, subsidiairement, les sociétés Oracle Corporation, Oracle
Intemational Corporation du préjudice résultant de la non-souscription
du support technique correspondant au « module Purchasing »,
appliquer le taux de 22% sur le prix des licences qui auraient
effectivement été facturées, c’est-à-dire avec une réduction de 85,79%
sur le prix catalogue de l’époque ;
Constater que les sociétés Oracle France, Oracle Corporation et Oracle
International Corporation, ne justifient qu’à hauteur de 53.879,41 euros
TTC leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure
civile. En conséquence, réduire le montant qui pourrait leur être accordé
à ce titre à ce montant ;
Constater que l’article L. 331-1-3 alinéa 2 du Code de la propriété
intellectuelle n’est pas applicable à la demande de la société Oracle
France et, subsidiairement, par les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation portant sur le défaut de souscription par
l’AFPA aux prestations de support technique correspondant au «
module Purchasing » ;
Constater que ni la société Oracle France, ni les sociétés Oracle
Corporation, Oracle International Corporation ne prouvent, ni la perte
subie, ni le gain manqué, à raison du défaut de souscription par l’AFPA
à ces services ;
En conséquence, débouter la société Oracle France et les sociétés
Oracle Corporation, Oracle International Corporation de leur demande
de dommages et intérêts visant à indemniser le défaut de souscription
par l’AFPA des prestations de support technique correspondant au «
module Purchasing » ;
Constater que les sociétés Oracle France, Oracle Corporation et Oracle
International Corporation ont sciemment laissé perdurer la situation
dont elles sollicitent aujourd’hui réparation ;
En conséquence, tenir compte de cet état de fait dans la fixation
éventuelle des dommages et intérêts que le Tribunal pourrait, par
impossible, allouer à l’une ou l’autre de ces sociétés par rapport au
montant des dommages et intérêts auxquels il pourrait les estimer
fonder à prétendre en l’absence de faute de leur part ;
Constater que la société Sopra Group n’a nullement abusé de son droit
de se défendre en étant contrainte de solliciter, de manière subsidiaire,
une expertise judiciaire face à la grave carence des demanderesses à
établir les faits de nature à justifier leurs prétentions ;
En conséquence, débouter les sociétés Oracle France, Oracle
Corporation et Oracle International Corporation de leur demande de
condamnation de la société Sopra Group à une amende sur le
fondement de l’article 32-1 du Code de procédure civile;
Constater que, dès 2005, alors que le marché conclu entre l’AFPA et
la société Sopra Group avait pris fin, la société Oracle France et
l’AFPA ont noué des relations contractuelles directes ;
Dire et juger que, à compter de 2005, à les supposer établis, les actes
de contrefaçon du « module Purchasing » commis par l’AFPA ne
peuvent pas être imputés à la société Sopra Group ;
En conséquence, si, par extraordinaire, l’AFPA et la société Sopra
Group devaient être condamnées à un quelconque titre à raison des
actes de contrefaçon allégués par les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France :
Les débouter de leurs demandes de condamnation solidaire de la société
Sopra Group portant sur des faits trouvant leur origine dans
l’acquisition directe par l’AFPA du « module Purchasing » à compter
de 2005 ;
Débouter l’AFPA de sa demande de mise en oeuvre à l’encontre de la
société Sopra Group de la garantie contractuelle stipulée à son bénéfice
dans le cadre du Projet Mosaïc pour les actes de contrefaçon allégués
par les sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation
et Oracle France trouvant leur origine dans l’acquisition directe par
l’AFPA du « module Purchasing » à compter de 2005 ;
Constater que l’AFPA ne prouve pas avoir subi un préjudice distinct
des frais irrépétibles dont elle sollicite par ailleurs le remboursement
pour un montant de 350.000 euros ;
En conséquence, débouter l’AFPA de sa demande à ce titre présentée
à l’encontre de la société Sopra Group ;
Constater que les demandes de la société Oracle France et,
subsidiairement, des sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation portant sur le défaut de souscription par l’AFPA de
prestations de support technique correspondant au « module
Purchasing» portent sur un manquement de nature contractuelle ;
Dire et juger prescrite l’action de la société Oracle France et,
subsidiairement, celle des sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation à ce titre pour la période 2002-2007 ;
En conséquence, débouter la société Oracle France et, subsidiairement,
des sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation de
leurs demandes se rapportant à cette période ;
Constater que le contrat conclu entre la société Oracle France et Sopra
Group comporte une clause limitant la responsabilité des parties à une
somme d’un million de francs, soit 152.439 euros ;
Constater que, à supposer établie la faute de la société Sopra Group,
elle ne saurait en aucun cas constituer une faute lourde ;
En conséquence, s’il devait être fait droit en tout ou partie aux
demandes de condamnation solidaire de la société Sopra Group formées
par les sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation
et Oracle France, limiter les condamnations à intervenir à la somme de
152.439 euros tout au plus ;
Constater que le marché passé entre l’ AFPA et la société Sopra Group
comporte une clause limitant la responsabilité de cette dernière au
montant hors T.V.A. du marché;
Constater que, à supposer établie la faute de la société Sopra Group
envers l’AFPA, cette dernière ne démontre pas qu’il s’agit d’une faute
lourde;
En conséquence, si la moindre condamnation devait être prononcée à
l’encontre de l’AFPA, limiter le montant de la garantie de Sopra Group
au montant effectif du marché hors T.V.A. ;

En tout état de cause :
Constater que les sociétés Oracle Corporation, Oracle International
Corporation et Oracle France ont commis une faute en engageant la
présente instance ;
En conséquence, condamner in solidum les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France à verser à la société
Sopra Group la somme de 250.000 euros à titre de dommages et
intérêts;
Condamner in solidum les sociétés Oracle Corporation, Oracle
International Corporation et Oracle France à verser à la société Sopra
Group la somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du
code de procédure civile;
Les condamner aux entiers dépens ;
Ordonner l’exécution provisoire de ces condamnations, nonobstant
appel et sans caution.

La société Sopra Group fait valoir que Oracle ne rapportant pas
la preuve des droits nécessaires pour diligenter la présente action, ne
pourra que voir ses demandes rejetées, que ses demandes sont
irrecevables, Oracle n’identifiant pas le module litigieux
prétendument contrefait, et préférant maintenir la confusion la plus
totale dans les dénominations des éléments constituant les logiciels
installés à l’AFPA, formant ainsi une demande indéterminée et
indéterminable et ne rapportant pas la preuve du caractère original de
l’objet de ses prétentions.
Elle rappelle qu’elle a nécessairement obtenu tous les droits nécessaires
pour permettre à l’AFPA d’utiliser les logiciels correspondant à ses
besoins et qu’ en tous cas, elle était fondée à croire qu’elle les avait
obtenus puisqu’elle les tenait d’Oracle elle-même.

La clôture a été prononcée le 13 mai 2014.

DISCUSSION

sur la qualification applicable aux faits

Avant même de statuer sur les fins de non recevoir et le sursis à statuer
puis sur les demandes des parties, il convient de préciser la qualification
à appliquer aux faits du litige.

Les sociétés Oracle forment leur demande principale de contrefaçon
sur le fondement du droit d’auteur attaché aux logiciels pour lesquels
l’AFPA n’aurait pas acquis les droits d’exploitation.

La société AFPA répond sur le terrain de l’exécution du contrat ayant
lié les deux parties en indiquant d’une part que le logiciel Purchasing
était inclus dans la suite logicielle objet du contrat et d’autre part que
si tel n’est pas le cas, le contrat a été exécuté de bonne foi puisque le
logiciel purchasing a été implanté par la société Sopra, alors
mandataire des sociétés Oracle.

Les deux qualifications étant antinomiques, il convient de restituer la
bonne qualification au litige conformément à l’article 12 alinéa 2 du
code de procédure civile qui dispose que le juge « doit donner ou
restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans
s ‘arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée »
.

En l’espèce, la société Sopra Group a répondu le 6 septembre 2001
à l’appel d’offres de l’AFPA portant sur le marché suivant : la «
Fourniture de progiciels de gestion comptable et financière et de
prestations associées d’intégration, formation et maintenance »
, en
offrant la solution Oracle E-Business Suite ; ayant remporté l’appel
d’offres du marché dit Mosaic Finances, elle a commandé les
logiciels auprès de la société Oracle France, les a livrés et
installés dans le système de L’AFPA.

Puis le 26 avril 2002, la société Sopra Group a commandé pour
l’AFPA les licences pour 475 utilisateurs de l’application Financials.

Enfin, le 29 novembre 2007, l’AFPA a commandé des licences
supplémentaires du logiciel Oracle Financials directement auprès de la
société Oracle France qui avait repris en 2005 l’intégralité des
contrats souscrits en 2002 par 1’AFPA.

La société Oracle France venant aux droits de la société Sopra
GROUP et l’AFPA sont donc liées contractuellement pour l’exploitation
du logiciel Financials et le seul différend existant entre
les parties est de savoir si celui-ci incluait ou non le logiciel Purchasing.

II n’est à aucun moment soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel
cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par la société Sopra
GROUP, ni même que le nombre de licences ne correspondait pas au
nombre d’utilisateurs.

En conséquence, le litige soumis au tribunal n’est pas un litige de
contrefaçon mais bien un litige portant sur le périmètre du contrat et sur
sa bonne ou sa mauvaise exécution.

Or la sanction d’une inexécution ou mauvaise exécution du contrat par
l’une des parties relève de la seule responsabilité contractuelle de sorte
que la qualification retenue par les sociétés demanderesses ne sera pas
retenue et que le tribunal jugera ce litige au regard des seules règles du
code civil sur l’exécution des contrats.

sur le sursis

La demande de sursis pour saisine de l’Autorité de la concurrence dans
le seul but d’une bonne administration de la justice n’est pas de droit et
ne peut être appréciée qu’après avoir analysé l’exécution du contrat.

sur les fins de non recevoir

l’AFPA prétend que les sociétés Oracle ne peuvent agir
conjointement sur le fondement du droit d’auteur.

Or le litige étant un litige relatif à la seule exécution du contrat, seule
la société Oracle France co-contractante de l’AFPA est recevable
à agir à l’encontre de cette dernière;

En conséquence, la société Oracle INTERNATIONAL
CORPORATION et la société Oracle Corporation n’ont pas
qualité pour agir à l’encontre de l’ AFPA et leurs demandes fondées sur
la contrefaçon de droit d'(auteur sont mal fondées au regard de ce qui
a été jugé plus haut.

Sur l’originalité et la titularité du logiciel

De la même façon le débat sur l’originalité du logiciel est sans objet
puisque l’objet du litige est l’acquisition de droits d’exploitation d’un
logiciel et de savoir si celui-ci était inclus ou non dans l’offre faite par
la société Sopra Group à l’AFPA.

II en est de même de la titularité des droits d’auteur sur le logiciel,
puisque l’AFPA ne conteste pas les droits de propriété que détiennent
les sociétés Oracle sur le produit logiciel qu’elles ont conçu et
qu’elles commercialisent.

sur la prescription.

L’ AFPA prétend que la demande de la société Oracle France est
prescrite car elle connaissait depuis 2001 c’est-à-dire depuis la
conclusion du contrat et l’implantation du logiciel financials dans son
réseau le fait que le logiciel purchasing y était inclus puisque c’est elle
par l’intermédiaire de son mandataire qui le lui a remis.

La société Oracle France répond que les dispositions de l’article
2224 du code civil doivent se combiner avec les dispositions
transitoires contenues à l’article 2222 du même code et que son action
n’est pas prescrite pour avoir été intentée avant le 26 avril 2012.

Sur ce

S’agissant d’un litige relatif à une inexécution du contrat et non d’une
demande tendant à voir sanctionner une contrefaçon qui est un délit
continu, la prescription de l’article 2224 du code civil a vocation à
s’appliquer.

Société Oracle France réclame le paiement de dommages et
intérêts dus en raison d’une mauvaise exécution du contrat et ce pour
le seul logiciel purchasing depuis le début du contrat.

L’article 2224 du code civil dispose que :
« les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire aurait dû connaître les faits lui permettant
de l’exercer. »

En l’espèce, l’AFPA a lancé un appel d’offres et la société Sopra
GROUP l’ayant remporté, a commandé auprès des sociétés Oracle
la suite logiciel Financials implantée dans le réseau AFPA celle-ci
comprenant depuis le début le logiciel Purchasing.

L’AFPA a notifié le 19 avril 2002 à Sopra, sous la référence
2002/00003/00/000/9381, le marché relatif à la fourniture de progiciels
de gestion comptable et financière et des prestations associées
d’intégration, de formation et de maintenance (projet Mosaic
FINANCES). L’annexe à l’acte d’engagement reprend la liste des
licences nécessaires au projet visées dans le bon de commande émis par
Oracle.

Le 26 avril 2002, la société Sopra a commandé à la société Oracle
France pour l’AFPA, en référence au bon de commande du 25 mars
2002 et au marché du projet Mosaic Finances, les licences Oracle
énumérées ci-dessus pour un montant global de 570 985,79 euros HT,
avec la maintenance associée pour la 1ère ée pour un montant total de
125 616,88 euros ht.

La commande précisait: «CDE DE LICENCES Oracle FINANCIALS
PLUS SUPPORT CONFORME A VOTRE OFFRE REF :
SPU/1102/004BIJPG DU 25/03/2002 »
.

Dans le cadre de cette commande, les sociétés Oracle reconnaissent
dans leurs écritures que quatre CD dont un CD contenant le pack «
Oracle Applications/E-Business Suite Il i » ont été livrés à Sopra en
vue de l’installation des logiciels commandés chez l’AFPA, que ce CD
contenait notamment le logiciel Financials et le logiciel Purchasing.

Ce faisant, il convient de constater que les sociétés Oracle et donc
la société Oracle France savent depuis la commande passée par
la société Sopra Group soit depuis le 26 avril 2002 que le contrat
conclu avec l’AFPA comprend la suite purchasing puisqu’elles ont pris
le soin de l’intégrer dans le CD permettant l’installation des logiciels.

En conséquence le point de départ de la prescription est donc le 26 avril
2002 et l’action a été introduite le 21 mars 2012.

L’alinéa 2 du nouvel article 2222 du code civil dispose ainsi que, « en
cas de réduction de la durée du délai de prescription (~), ce nouveau
délai court à compter du jour de l ‘entrée en vigueur de la loi nouvelle,
sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi
antérieure ».

En l’espèce, en application de ces dispositions transitoires, la société
Oracle France pouvait saisir les tribunauxjusqu’au 26 avril 2012
et par conséquente, il y a lieu de dire que l’action de la société
Oracle France à l’encontre de l’ AFPA n’est pas prescrite.

Sur la mauvaise exécution du contrat

la société Oracle France prétend que le logiciel Purchasing n’est
pas inclus dans la suite Financials et que l’AFPA a donc usé d’un
produit qui n’était pas inclus dans le périmètre du contrat, qu’elle doit
donc payé des indemnités pour cet usage indu et la maintenance
effectuée.

L ‘AFPA répond qu’elle n’a fait qu’exploiter les logiciels implantés par
société Oracle France ou son mandataire et n’a commis aucune
faute dans l’exécution du contrat liant les parties.

Sur ce

Ainsi qu’il l’a déjà été rappelé plus haut, la société Sopra Group
mandataire de la société Oracle France a répondu à l’appel
d’offres de l’AFPA et a proposé la suite logicielle Oracle E-Business ;
elle a emporté l’appel d’offres et commandé auprès de son mandant les
logiciels nécessaires ; la société Oracle France a envoyé alors en
réponse au bon de commande de la société Sopra Group les CD
contenant les logiciels nécessaires en ce compris le logiciel Purchasing.

Des éléments versés au débat et des expertises privées réalisées il
convient de dire que les sociétés Oracle entretiennent un doute et
une confusion sur ce qu’est réellement ce logiciel.

En effet, soit ce logiciel Purchasing est inclus dans la suite Financials
et il entre dans le périmètre du contrat sans même qu’il soit nécessaire
de l’identifier et il ne peut exister aucune inexécution du contrat; soit
il n’entre pas dans la suite logicielle Financials mais les sociétés
Oracle l’ont elles-mêmes inclus dans les logiciels à installer pour
répondre aux spécifications du bon de commande et elles ont donc
admis que les spécifications de l’appel d’offres incluaient l’inclusion de
ce logiciel dans la suite Financials et entrait dans le périmètre du contrat.

En conséquence, l’AFPA exploite le logiciel Purchasing sans aucune
faute puisqu’il a été inclus dans les CD préparés par les sociétés
Oracle elles-mêmes qui ont donc toujours compris et admis que le
contrat incluait l’exploitation de ce logiciel.

A titre superfétatoire, il convient encore d’ajouter que le premier audit
pratiqué en décembre 2005 réalisé à l’initiative de la société Oracle
FRANCE au sein de l’AFPA s’il était limité à la revue des produits
Oracle Database Enterprise Edition et IAS Entreprise Edition, a fait
explicitement référence à l’utilisation par l’AFPA du module PO de
sorte que là encore il est administré la preuve que ce logiciel Purchasing
a toujours été inclus dans le contrat et dans les logiciels exploités par
l’AFPA.

La société Oracle France sera en conséquence déboutée de ses
demandes.

La demande de garantie formée par l’AFPA à l’encontre de la société
Sopra Group est par conséquent sans objet.

Sur la demande formée par la société Oracle France à l’encontre
de la société Sopra Group

La société Oracle France prétend que la société Sopra Group
aurait commis une faute en incluant le logiciel Purchasing au sein de la
suite Financials et prétend que la faute initiale dans l’exécution du
contrat pèserait sur elle.

La société Sopra Group répond qu’elle a commandé le logiciel à
implanter à la société Oracle France et que l’inclusion de ce
logiciel dans les CD à implanter au sein du réseau AFPA a été réalisé
par la société Oracle France elle-même qui ne peut donc
reprocher à son mandataire la moindre faute.

Il n’est pas contesté et cela a été relevé plus haut que la société Sopra
GROUP mandataire de la société Oracle France a présenté la
solution Oracle Business à l’AFPA et a commandé à la société
Oracle France les logiciels nécessaires à la mise en place de cette
solution au sein du réseau AFPA; qu’il appartenait dès lors à la société
Oracle France qui avait tous les éléments du dossier en main lors
de la commande faite par la société Sopra Group de vérifier que le
logiciel Purchasing entrait bien dans la suite logicielle commandée et
de ne pas l’inclure si elle estimait qu’il n’était pas compris dans le
périmètre du contrat.

Le tribunal relève que la société Oracle France n’a contesté à
aucun moment cette demande ni lors de la passation des commandes ni
lors de l’audit de décembre 2005 et que cette contestation n’est apparue
que lors du second audit et après que le choix se soit porté sur un autre
candidat lors de l’appel d’offres consacré au marché « solution achats ».

En conséquence aucune faute ne pouvant être imputée à la société
Sopra Group dans le cadre de ses relations contractuelles avec son
mandant, les sociétés Oracle seront déclarées mal fondée en leurs
demandes formées à l’encontre de la société Sopra Group et en
seront déboutées.

Sur la demande reconventionnelle de l ‘AFPA.

L’AFPA prétend que les sociétés Oracle ont abusivement mis en
oeuvre la possibilité d’audits contractuels, en les détournant de leur
objectif, afin de faire pression sur l’AFPA pour la dissuader de faire
appel à un concurrent au moment des périodes de renouvellement
contractuels, ce afin de restreindre la concurrence sur le marché des
Solutions SGF et sur le marché connexe des SGBDR, ces pratiques
ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens des
dispositions des articles L.420-2 du code de commerce et 102 du TFUE
d’une part et qu’elles ont une action judiciaire abusive à son encontre,
ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence sur le
marché des Solutions SGF et sur le marché connexe des SGBDR
d’autre part.

Les sociétés Oracle répondent que la demande reconventionnelle
relative à l’abus de position dominante est irrecevable faute de
connexité suffisante avec la demande principale, qu’il n’existe aucun
élément établissant l’abus de position dominante sur le marché des ERP
ni d’abus d’ester en justice.

Sur la demande relative à l’abus de position dominante

a- sur la recevabilité

Aux termes de l’article 70 du code de procédure civile :
« Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont
recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un
lien suffisant. »

En l’espèce, la demande reconventionnelle formée par l’AFPA et
relative à l’abus de position dominante est directement liée à l’action en
justice intentée par les sociétés Oracle à son encontre sur le
fondement de la contrefaçon après l’échec de leur proposition lors de
l’appel d’offres pour la solution achats.

En conséquence, la fin de non recevoir opposée par les sociétés
Oracle est mal fondée et sera rejetée.

b-sur l’abus de position dominante

Il convient de constater que l’Autorité de la concurrence est déjà saisie
d’un contentieux opposant Hewlett Packard au groupe Oracle
(décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-01 du 10 janvier
2012, relative à une demande de mesures conservatoires concernant
des pratiques mises en oeuvre par les sociétés Oracle Corporation et
Oracle France)
, qu’elle n’a pas prononcé de mesures conservatoires
mais a décidé de poursuivre une instruction au fond.

Ce contentieux porte sur le marché des serveurs pour entreprises et des /
systèmes de gestion de base de données relationnels dits SGBDR.

Le marché intéressant le logiciel Purchasing et le logiciel Financials est
celui des systèmes de gestion comptable et financière relevant de la
catégorie des progiciels de gestion intégrés dits PGI ou également
appelés « Enterprise Resource Planning» (ERP).

L’appel d’offres lancé par l’AFPA sur la « solution achat » relève
également des PGI.

Au sein des solutions PGI (ERP), la Commission européenne a
distingué : solutions de« systèmes de gestion financière » ( « SGF » )et
solutions de« gestion des ressources humaines»(« RH»).

La Commission européenne en a déduit l’existence de deux marchés
pertinents : (i) les solutions SGF haute fonctionnalité destinées aux
grandes entreprises ayant des besoins fonctionnels complexes, et (ii) les
solutions RH haute fonctionnalité destinées aux grandes entreprises
ayant des besoins fonctionnels complexes.

Selon la Commission européenne. les marchés géographiques de ces
deux produits sont de dimension mondiale (aff. COMP/M.3216 –
Oracle/People Soft du 26 octobre 2004).

Il n’est pas contesté que les marchés pertinents SGF sont différents de
celui des SGBDR.

L’AFPA prétend que s’ils sont différents, ils sont connexes et sollicite
l’application de la jurisprudence Solaire direct du Conseil de la
concurrence) n° 09-MC-01 du 8 avril2009 (ou Microsoft du Tribunal
de Première Instance de Communautés Européennes du 17 sept. 2007,
(ff. T-201104, Microsoft c/ Commission).
Or pour qu’une entreprise en position dominante sur un marché donné,
ce qui en l’espèce n’a pas été établi l’Autorité de la concurrence n’en
étant qu’à l’instruction sur le marché des SGBDR, puisse se voir
reprocher un abus dont les effets affectent d’autres marchés il faut
démontrer l’existence d’ un lien de connexité entre le marché dominé
et le ou les marchés sur lesquels s’observe le comportement abusif.

Il faut établir que l’entreprise dominante sur un marché donné peut se
voir reprocher un abus dont les effets affectent d’autres marchés, dès
lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position
dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur
lesquels l’abus déploie ses effets sont suffisamment connexes.

Ces deux conditions sont cumulatives.

En l’espèce, la position dominante des sociétés Oracle sur le marché
des SGBDR n’est pas établi et le lien de connexité entre les deux
marchés ne l’est pas davantage devant le présent tribunal.

En conséquence, tant la demande de sursis en vue de saisir l’Autorité
de la concurrence que la demande relative à l’abus de position
dominante elle-même sont mal fondées et seront rejetées.

Sur la demande relative à l’abus d’ester en justice.

L’ AFPA forme une autre demande relative à l’abus d’ester en justice,
les sociétés Oracle ayant nécessairement conscience de ce que le
logiciel Purchasing était inclus dans la suite Financials et tentant par le
biais d’une telle action de sanctionner la défenderesse pour avoir choisi
un autre acteur économique pour la solution Achats lors de son dernier
appel d’offres, l’obligeant à exposer de lourds frais de justice. Elle
indique que le groupe Oracle est classé parmi les 10 plus importants
«patent trolls ».

Les sociétés Oracle répondent qu’elles n’ont à aucun moment
outrepassé l’exercice normal de ses droits ou commis un abus de droit
en sollicitant auprès du tribunal, après avoir épuisé les tentatives de
solution amiable, le respect de ses droits de propriété intellectuelle, que
« les enjeux du dossier ne justifient pas les propos diffamatoires et la
surenchère dans les qualificatifs attribués à Oracle, .. « 
contestent
« l’amalgame entre la défense de ses droits de propriété intellectuelle
et les pratiques dites de patent trolls de sociétés détenant des brevets
à la validité douteuse, dont elle est elle-même victime aux Etats-Unis »
,
qu’elles « n’entendent pas polémiquer sur des points totalement hors
sujet. »

Sur ce

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne
dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages
et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur
grossière équipollente au dol, et ce sur le fondement de l’article 1382
du code civil.

En l’espèce le courrier du 12 août 2010 rédigé par les sociétés
Oracle et versé au débat en pièce 18 révèle que les sociétés
Oracle avaient « temporairement -suspendu-le processus d’audit
et de résolution de la situation de non-conformité , que le processus
d’appel d’offres n’ayant pas permis la régularisation de la situation,
nous vous communiquons aujourd’hui le rapport d’audit »

Ainsi, l’usage répété par la société Oracle France de la pratique
de l’audit précédant les appels d’offres démontre que celle-ci fait
pression sur son interlocuteur pour obtenir de nouveaux contrats et à
défaut use de l’action en justice pour obtenir paiement de sommes
importantes de l’ordre dans le cas d’espèce de 12 millions d’euros en
« dédommagement » de l’exclusion de l’ appel d’offres et ce alors qu’elle
ne peut se méprendre sur l’absence de tout droit à contester la validité
des contrats passés en raison de la prescription.

Le choix même d’agir sur le fondement de la contrefaçon alors que le
litige ne peut se voir appliquer que le régime de la responsabilité
contractuelle et ce dans le but d’échapper à la prescription (le délit de
contrefaçon étant continu) et à l’utilisation du critère de bonne foi
exclu lors de l’appréciation d’une contrefaçon mais applicable à
l’exécution du contrat, et ce alors que ce rappel de la loi applicable lui
a déjà été donné dans un arrêt de 2012 rendu par la Cour de cassation
dans un autre litige, démontre l’abus du droit d’agir en justice.

Cependant l’AFPA ne démontre pas subir un préjudice autre que celui
résultant des frais exposés pour se défendre dans la présente instance et
forme une demande indemnitaire globale regroupant la réparation du
préjudice subi du fait de l’abus de position dominante et celle subi du
fait de l’abus d’ester ce qui la rend irrecevable.

sur la demande reconventionnelle de la société Sopra Group

La société Sopra Group forme une demande de dommages et
intérêts pour procédure abusive à rencontre des sociétés Oracle au
motif que celles-ci connaissaient l’étendue des droits cédés depuis le
début de l’encagement contractuel et ont tenté de lui faire supporter le
paiement de somn1es disproportionnées et ont instrumentalisé la justice
lui causant un préjudice.

Les sociétés Oracle répondent qu’elles n’ont à aucun moment
outrepassé l’exercice normal de leurs droits ou commis un abus de droit
en sollicitant auprès du tribunal, après avoir épuisé les tentatives de
solution amiable, le respect de ses droits de propriété intellectuelle.

Sur ce

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne
dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages
et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur
grossière équipollente au dol, et ce sur le fondement de l’article 1382
du code civil.

La société défenderesse qui a été attraite dans la cause non par les
sociétés Oracle mais par l’AFPA en garantie, sera déboutée de sa
demande à ce titre, faute pour elle d’établir l’existence d’un préjudice
autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.

sur les autres demandes

Les conditions sont réunies pour allouer à l’ AFPA et la société Sopra
GROUP la somme de 100.000 euros à chacune à la charge solidaire des
sociétés Oracle sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile.

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, elle
est nécessaire et sera ordonnée.

DECISION

Statuant publiquement par remise au greffe le jour du délibéré,
par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la règle applicable au litige opposant les sociétés Oracle
d’une part et l’AFPA et la société Sopra Group d’autre part est
celle de la responsabilité contractuelle.

En conséquence,
Déclare la société Oracle Corporation et la société Oracle
International Corporation irrecevables et mal fondées en
leurs demandes formées à l’encontre de l’AFPA.

Déclare les demandes de la société Oracle France formées à
l’encontre de l’AFPA prescrites.

En conséquence,

Déclare la société Oracle France irrecevable en ses demandes de
paiement de la somme de de 3 920 550 euros hors taxes (trois millions
neuf cent vingt mille et cinq cent cinquante euros) à titre d’indemnité
forfaitaire au titre de la reproduction non autorisée du logiciel
Purchasing 885 utilisateurs nommés et de celle de 9 487 731 euros
hors taxes ) neuf millions quatre cent quatre-vingt sept mille sept cent
trente et un euros) à titre d’indemnité forfaitaire au titre de l’utilisation
non autorisée des services de support technique et des mises à jour du
logiciel Purchasing, formées à l’encontre de l’AFPA.

Dit sans objet la demande de garantie formée par l’AFPA à l’encontre
de la société Sopra Group.

Déclare mal fondée la demande formée par les sociétés Oracle à
l’encontre de la société Sopra Group.

Les en déboute.

Rejette la fin de non recevoir opposée par les sociétés Oracle à la
demande reconventionnelle formée par l’AFPA relative à l’abus de
position dominante des sociétés Oracle sur le marché connexe des
SGF.

Déboute l’AFPA de sa demande de sursis aux fins de saisine de
l’Autorité de la concurrence et de sa demande de dommages et intérêts
relative à la position dominante des sociétés Oracle sur le marché
des SGI.

Déclare irrecevable et mal fondée la demande de dommages et intérêts
formée par l’AFPA à titre de dommages et intérêts pour procédure
abusive.

Déboute la société Sopra Group de sa demande de dommages et
intérêts pour procédure abusive.

Condamne solidairement les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France
à verser à l’AFPA et à la société Sopra Group la somme de
100.000 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure
civile.

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Condamne solidairement les sociétés Oracle Corporation,
Oracle International Corporation et Oracle France
aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gilles Bigot,
avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de
procédure civile

Le Tribunal : Marie-Christine Courboulay,Thérèse Andrieu, Camille Lignieres (vices présidentes), Léoncia Bellon (greffier)

Avocats : Me Valérie Sedallian, Me Gilles Bigot, Maître Marie-Hélène Tonnellier

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.