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vendredi 23 janvier 2015
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13,5 millions d’euros de régularisation de licences : Oracle débouté de ses demandes

 

Un vent de révolte souffle sur les clients des éditeurs de logiciels. Alors qu’une association britannique, Campaign for Clear Licensing, dénonce les licences complexes de l’éditeur américain et ses audits agressifs, un utilisateur français, qui avait refusé de se soumettre aux conséquences d’un audit de licences, a obtenu gain de cause devant le TGI de Paris. Par un jugement du 6 novembre dernier, le tribunal a jugé irrecevables les demandes d’Oracle à l’égard de l’AFPA pour le paiement de près de 4 millions d’euros à titre d’indemnité forfaitaire pour la reproduction non autorisée du logiciel Purchasing par 885 utilisateurs et de 9,5 millions d’euros pour l’utilisation non autorisée des services de support technique et des mises à jour du même logiciel. Oracle, qui avait assigné l’AFPA en contrefaçon, est condamné à lui verser, ainsi qu’à l’intégrateur Sopra, 200 000 € au titre des frais exposés, avec exécution provisoire.
L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes utilisait les programmes d’Oracle depuis 2002. L’intégrateur Sopra avait remporté l’appel d’offres avec la solution Oracle E-Business Suite. Puis à la fin du marché en 2005, Sopra s’est retiré au profit d’Oracle qui avait repris l’intégralité des contrats souscrits par l’AFPA. Au moment où l’association lançait un nouvel appel d’offre pour une solution d’achat, Oracle lui a fait part de son intention d’organiser un nouvel audit visant à « passer en revue les droits d’utilisation de ses produits par l’AFPA afin de lui permettre d’obtenir une vision plus claire du niveau d’utilisation des produits Oracle et partant de leur optimisation ». En raison de la procédure d’appel d’offres, Oracle annonce qu’il suspend le processus d’audit. Partie au marché, il ne l’obtiendra pas. Quant aux résultats du contrôle des licences, ils montreront que l’AFPA utilisait 885 licences du logiciel Purchasing, sans en avoir acquis les droits, car selon Oracle il faisait partie d’une autre gamme de logiciels. Après deux ans de négociations infructueuses, Oracle l’a assignée en contrefaçon pour utilisation non autorisée de son logiciel. Et l’AFPA a appelé en garantie Sopra pour faire jouer sa garantie contractuelle à l’égard d’Oracle.
Le tribunal ne va pas suivre l’éditeur dans son raisonnement. Pour les juges, il ne s’agit pas d’une affaire de contrefaçon mais bien d’un litige portant sur le périmètre du contrat et sur sa bonne ou mauvaise exécution. Ils expliquent qu’« il n’est à aucun moment soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par la société Sopra Group, ni même que le nombre de licences ne correspondait pas au nombre d’utilisateurs ».
Tirant les conséquences de cette conclusion, le tribunal va procéder à l’examen des faits pour déterminer si le logiciel Purchasing entrait dans le périmètre du contrat. Il faut savoir qu’Oracle avait envoyé, en réponse au bon de commande de Sopra, les CD contenant les logiciels nécessaires, y compris Purchasing. Pour le tribunal, l’éditeur entretient un doute et une confusion sur ce qu’est réellement ce logiciel. Et il conclut que « l’AFPA exploite le logiciel Purchasing sans aucune faute puisqu’il a été inclus dans les CD préparés par les sociétés Oracle elles-mêmes qui ont donc toujours compris et admis que le contrat incluait l’exploitation de ce logiciel. ». De même qu’il juge qu’aucune faute ne peut être imputée à Sopra, cette contestation n’étant pas née lors de la passation du premier marché ni lors du premier audit.
L’AFPA a contre-attaqué en accusant Oracle d’avoir utilisé abusivement les audits contractuels afin de faire pression sur elle pour ne pas choisir un concurrent au moment de cette période de renouvellement contractuel. Le tribunal va la suivre dans ses conclusions mais ne va pas en tirer les conséquences, faute à l’AFPA d’avoir démontré un préjudice autre que celui subi par le procès. Pourtant, il avait considéré que « l’usage répété par la société Oracle France de la pratique de l’audit précédant les appels d’offres démontre que celle-ci fait pression sur son interlocuteur pour obtenir de nouveaux contrats et à défaut use de l’action en justice pour obtenir paiement de sommes importantes de l’ordre dans le cas d’espèce de 12 millions d’euros en « dédommagement » de l’exclusion de l’ appel d’offres et ce alors qu’elle ne peut se méprendre sur l’absence de tout droit à contester la validité des contrats passés en raison de la prescription. »

Oracle a fait appel du jugement.