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Jurisprudence : E-commerce

mercredi 25 février 2015
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Tribunal de grande instance de Limoges, ordonnance de référé du 31 décembre 2014

Karine P. épouse G. et S.C.P. B T S G / Jacques G.

détournement - enregistrement - nom de domaine - référé - salarié - transfert

Après avoir entendu les représentants des parties à notre audience du
3 décembre 2014, avons mis l’affaire en délibéré au 17 Décembre 2014
prorogé au 31 décembre 2014 pour la décision être rendue ce jour, par mise
à disposition au greffe, ainsi qu’il suit :

Par acte d’huissier de justice en date du 29 septembre 2014, Mme Karine
P. épouse G. a fait assigner M. Jacques G. devant le juge des
référés du tribunal de grande instance de Limoges pour voir constater que ce
dernier a réservé les noms de domaine www.gprquad.com et www.gpr-mx.com
sans intérêt personnel et légitime, qu’il les conserve de mauvaise foi, qu’il redirige
ces noms de domaine vers des sites inactifs, ce qui cause à Mme Karine G.
un trouble manifestement illicite et qu’elle subit un préjudice du fait de ces
agissements déloyaux, et elle demande en conséquence qu’il soit ordonné à M.
Jacques G. qu’il renonce à la propriété des noms de domaine
www.gprquad.com et www.gpr-mx.com et que soit ordonné leur transfert à Mme
Karine G., sous astreinte de 500, € par jour de retard à compter de la
signification de l’ordonnance à intervenir. A titre subsidiaire, elle demande qu’il soit
ordonné à M. Jacques G. de rediriger respectivement les noms de domaine
www.gprquad.com et www.gpr-mx.com vers le nom dedomainewww.gpr-quad.com
et www.gprmx.com, sous astreinte de 500€ par jour de retard constaté à compter
de la signification de l’ordonnance intervenir. Elle demande en outre, et en tout état
de cause, que M. Jacques G. soit condamné au paiement d’une provision
d’un montant de 50 000 € sur les dommages et intérêts qu’elle obtiendra lors d’une
procédure au fond en réparation du préjudice commercial subi. Elle sollicite enfin
sa condamnation à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700
du code de procédure civile, outre celle aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme Karine P. expose que depuis le
20 décembre 2005, elle a décidé de faire usage de son expérience dans le domaine
des sports mécaniques afin de se lancer dans le commerce de la vente de produits
d’équipements de motos et de quads. Son activité, dont le nom commercial est
« GPR GROUP » est principalement développée sur internet notamment par le
truchement de deux sites de ventes en ligne: www.grpquad.com, www.gpr-mx.com.

Que c’est pour des raisons pratiques et pour le compte de l’entreprise de la
requérante que les noms de domaines desdits sites ont été réservés par son époux
et salarié M. Jacques G.

C’est Mme Karine P. dans le cadre de son entreprise qui s’acquittait
régulièrement des redevances relatives à cette réservation de nom de domaine.

Pour les besoins de son activité, elle déposait 4 marques dont GPR-MX, le
29 avril 2010 et GPRQUAD.COM le 12 mars 2009.

Ces différentes démarches ont permis à son entreprise de prospérer et de
connaître un certain succès, atteignant 656.000 euros de chiffre d’affaire au 30
septembre 2013.

Mme Karine P. expose que depuis la détérioration de sa relation avec
Jacques G., menant à une procédure de divorce, ce dernier a décidé de lui
nuire au moyen d’actes déloyaux, M. Jacques G. s’étant accaparé les noms
de domaines GPR et ayant supprimé certains éléments et fermé certains accès.
Mme P. a constaté que les sites GPR redirigeaient les visiteurs vers des
adresses introuvables empêchant tout fonctionnement du commerce en ligne de
celle-ci.

Les boites mails fournies avec les sites GPR enregistrés par Mme P.
ont été également neutralisées par celui-ci. Les agissements de son époux ont
entraîné une baisse de fréquentation du site et par conséquent une baisse du
chiffre d’affaire, paralysant son activité commerciale. Une procédure de sauvegarde
a été ouverte le 23 juillet 2014 par jugement du tribunal de commerce de Limoges
en raison de l’état de cessation des paiement de Mme P. ayant ainsi pour
origine les agissements de son mari.

La requérante expose que celui-ci projette d’exercer une activité similaire à
la sienne et qu’il a dans ce but enregistré un nom de domaine
www.jacquesturnerracing.com et constitué une S.A.S.

Mme Karine P. conteste le droit de propriété de son mari sur les noms
de domaines qu’il a réservés. Elle soutient l’absence de caractère personnel et
légitime de l’enregistrement de noms de domaines par celui-ci, cet enregistrement
n’ayant été réalisé que pour le compte de l’entreprise de la requérante. Ce faisant,
il ne peut être considéré comme propriétaire des noms de domaines litigieux. Il
découle ainsi de cette exploitation par M. Jacques G. en toute mauvaise foi
et sans caractère personnel et légitime un trouble manifestement illicite.

Par ailleurs, ces pratiques déloyales lui ont causé un préjudice puisqu’elle
a vu sa clientèle réduite et son chiffre d’affaire baisser, créant ainsi une obligation
de réparation non sérieusement contestable à la charge du défendeur.
Monsieur Jacques G. soulève in limine litis le moyen tiré de
l’incompétence de la juridiction des référés du Tribunal de Grande Instance de
Limoges saisie par la requérante. L’article D 211-6-1 du code de l’organisation
judiciaire énonce que les actions en matière de droit des marques relèvent de la
compétence de TGI spécialisés dont Je siège est fixé par un décret du 9 octobre
2009 annexé au code de la propriété intellectuelle. Ce tableau attribut compétence
au TGI de Bordeaux pour toute demande relevant de ce domaine et formulée
devant une juridiction du ressort de la Cour d’appel de Limoges.
Or, en l’espèce, le litige est relatif à la propriété d’une marque relevant de
la compétence spécifique de la juridiction de Bordeaux, en ce que M.G., eo:·
utilisant les noms de domaines dont il est propriétaire, utilise un dérivé de la marque
déposée par la requérante postérieurement.

M. G. conclut par ailleurs à la nullité de l’assignation délivrée par Mme
Karine P., faute d’avoir assigné la SCP B. T.S.G., désignée en qualité de
mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre
de la requérante par jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 23
juillet 2014, la seule mention, dans l’acte d’assignation, de « en présence de la SCP
B.T.S.G. » n’ayant pas pour effet de mettre dans la cause le mandataire judiciaire.

À l’audience du 5 novembre 2014, les parties ont plaidé sur la seule question
de la compétence.

L’affaire ayant été mise en délibéré au 19 novembre 2014, le juge des
référés a, par mention au dossier, ordonné à cette date la réouverture des débats
et mis en demeure les parties de conclure au fond, l’affaire étant renvoyée à
l’audience du 3 décembre 2014.

À cette date, Mme Karine P. sollicite le bénéfice des prétentions
contenues dans un exploit introductif d’instance.

M. Jacques G. conteste les demandes adverses, faisant valoir qu’il
n’est rapporté aucune preuve des faits allégués, en soulignant que les difficultés
financières de Mme P. préexistaient aux agissements qu’elle lui impute, ainsi
qu’en fait foi son licenciement pour motif économique au mois de novembre 2013
et en soutenant que les dysfonctionnements des site GPR sont dus à des erreurs
susceptibles d’être corrigées et ne lui sont pas imputables. Il soutient par ailleurs
être propriétaire des noms de domaine en question, qu’il avait enregistrés et
exploités avant le dépôt des marques par Mme P., de sorte que leur
réservation ne constitue pas un trouble manifestement illicite. Il fait valoir qu’il n’est
rapporté la preuve d’aucun acte illicite à son encontre et souligne que la procédure
masque en réalité une action en concurrence déloyale, exclusive de la compétence
du juge du référé. Il sollicite la condamnation de Mme Karine P. aux dépens
et au paiement d’une indemnité de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code
de procédure civile.

DISCUSSION

Attendu qu’il convient en premier lieu d’écarter l’exception d’incompétence
du tribunal de grande instance de Limoges, l’action exercée par Mme Karine
P. ayant pour objet l’exploitation de noms de domaines et non de marques, au
sens de l’article D.211-6-1 du code de l’organisation judiciaire et n’étant pas fondée
sur les dispositions de code de la propriété intellectuelle ;

Et attendu que le moyen tiré de la nullité de l’assignation sera également
rejeté, aucun texte ne prescrivant à peine de nullité l’appel en cause du mandataire
judiciaire dans une action mise en oeuvre par la personne faisant l’objet d’une
procédure de redressement judiciaire et M. G. ne justifiant en toute
hypothèse pas d’un grief que le manquement allégué lui causerait ;

Et attendu que Mme Karine P. fonde son action sur les dispositions de
l’article 809 du code de procédure civile, aux termes desquelles le président peut
toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les
mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un
dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Dans
le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut
accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même
s’il s’agit d’une obligation de faire ;
Attendu qu’au soutien de ses demandes, elle prétend que M. G. conserve sans intérêt personnel et légitime les sites GPR, qu’il avait réservés pour le compte de son épouse, du temps de la vie commune, alors qu’il participait à son activité commerciale en qualité de conjoint collaborateur puis de salarié, qu’il a décidé, par des procédés déloyaux, de paralyser l’activité commerciale de cette dernière en redirigeant les sites GPR vers des adresses introuvables et qu’il a
entrepris, de mauvaise foi, la même activité commerciale, en créant un site internet
concurrent qui reproduit tous les éléments des sites créés par sa femme ;

Et attendu qu’il est établi et non contesté que Mme Karine P. exerce
une activité commerciale de vente en ligne de produits et d’équipements de motos
et de quads, dans le cadre d’une entreprise qu’elle a créée en 2005, sous le nom
commercial de GPR Group ;

Attendu qu’aux termes de ses propres écritures, M. Jacques G.
reconnaît avoir procédé à l’enregistrement des noms de domaine
www.gprguad.com et www.gpr-mx.com postérieurement à la création de GPR
Group, alors qu’il participait à l’activité commerciale de son épouse en qualité de
conjoint collaborateur, et avoir ensuite exploité ces sites dans ce cadre, en qualité
de salarié, jusqu’à son licenciement pour motif économique Je 19 novembre 2013 ;

Or attendu que les actes effectués par le conjoint collaborateur dans Je
cadre de l’activité de l’entreprise sont présumés être accomplis pour le compte du
chef d’entreprise, dont il est réputé avoir reçu mandat ;

Que faute, pour M. G., de rapporter une quelconque preuve de ce
qu’il aurait enregistré les noms de domaine considérés et les aurait exploités en son
nom personnel, il n’est pas sérieusement contestable que ces derniers sont
rattachés à l’activité commerciale de l’entreprise GPR Group, exploitée en nom
personnel par Mme Karine P., d’où il suit que la réservation, par M. G.
des noms de domaines www.gprquad.com et www.gpr-mx.com constitue un trouble
manifestement illicite, auquel il convient de mettre fin en condamnant M. G.
à procéder, à ses frais et sous l’astreinte indiquée au dispositif de la présente
décision, à leur transfert à Mme Karine P. ;

Et attendu que la demande en paiement d’une provision, formulée par Mme
Karine P. sera rejetée, cette demande se heurtant à tout le moins à des
contestations sérieuses quant à la réalité des agissements qu’elle impute à M.
Jacques G., aucune des pièces qu’elle verse au dossier ne permettant de
rattacher les dysfonctionnements des sites GPR à des manipulations dont ce
dernier serait l’auteur ;

Attendu que M. Jacques G. paiera les dépens, outre une indemnité
d’un montant de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
civile, au titre des frais irrépétibles que Mme P. a été contrainte d’exposer et
qu’il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge ;

DECISION

Le juge des référés, statuant par ordonnance contradictoire en matière
de référé et en premier ressort,

Rejette l’exception d’incompétence élevée par M. Jacques G.;

Rejette le moyen tiré de la nullité de l’assignation ;

Ordonne à M. Jacques G. de transférer, à ses frais, à Mme Karine
G. née P. les noms de domaine www.gprquad.com et www.qpr-mx.com,
ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, à l’expiration d’un délai de 8 jours à
compter de !a signification de !a présente ordonnance ;

Déboute Mme Karine G. née P. de sa demande en paiement
d’une provision ;

Condamne M. Jacques G. à payer à Mme Karine G. née
P. la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
civile ;

Condamne M. Jacques G. aux dépens.

Le Tribunal : Didier De Sequeira (président), Catherine Pecout (greffier)

Avocats : Me Yoann Lorang, Me Charlotte Dubois-Maret, Me Mathieu Plas

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.