Jurisprudence : Vie privée
Cour d’appel de Paris, pôle 6 – 1ère chambre, arrêt du 24 février 2015
J.-C. D. et La Closerie des Lilas / Ministère public et J.-M. T.
absence d'autorisation - employeur - finalité - informatique et libertés - licenciement - photographie - salarié - vidéoprotection - videosurveillance
Arrêt prononcé publiquement le mardi 24 février 2015, par le Pôle 6- Chambre 1 des appels correctionnels,
Sur appel d’un jugement du Tribunal de grande instance de Paris- du 20 septembre 2013, (P 12193008167).
LA PROCÉDURE
La saisine du tribunal et la prévention
D. Jean-Christophe a été poursuivi devant le tribunal par citation en date
du 07/06/2013 à la requête du procureur de la République pour
DETOURNEMENT DE LA FINALITE D’UN SYSTEME DE VIDEO PROTECTION,
en l’espèce d’avoir à Paris, entre le 10 décembre 2011 et le 20 juin 2012, en tous cas
sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, utilisé des
images de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) à d’autres fins que celles pour
lesquelles elles sont autorisées, au préjudice de M. Jean-Marie T.,
faits prévus par les articles L.254-1, L.251-2, L.251-3, L.251-4 du Code de la sécurité
intérieure et réprimés par l’article L.254-1 du Code de la sécurité intérieure.
La SNC La Closerie des Lilas a été poursuivie devant le tribunal par citation
en date du 23/05/2013 à la requête du procureur de la République pour
DETOURNEMENT DE LA FINALITE D’UN SYSTEME DE VIDEOPROTECTION,
en l’espèce d’avoir à Paris, entre le 10 décembre 2011 et le 20 juin 2012, en tous cas
sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, utilisé des
images de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) à d’autres fins que celles pour
lesquelles elles sont autorisées, au préjudice de M. Jean-Marie T.,
faits prévus par les articles L.254-1, L.251-2, L.251-3, L.251-4 du Code de la sécurité
intérieure et réprimés par l’article L.254-1 du Code de la sécurité intérieure.
Le jugement
Le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS- par jugement contradictoire,
en date du 20 septembre 2013, a
Sur l’action publique :
Relaxé Jean-Christophe D. des fins de la poursuite ;
Relaxé la SNC La Closerie des Lilas des fins de la poursuite ;
Sur l’action civile :
Reçu la constitution de partie civile de Jean-Marie T. ;
L’a débouté de ses demandes du fait de la relaxe intervenue.
Les appels
Appel a été interjeté par :
Monsieur T. Jean-Marie, le 20 septembre 2013, étant précisé que l’appel est
dirigé contre D. Jean-Christophe, son appel étant limité aux dispositions
civiles.
M. le procureur de la République, le 26 septembre 2013.
DÉROULEMENT DES DÉBATS
À l’audience publique du 23 septembre 2014, l’affaire a été renvoyée contradictoirement au 13 janvier 2015.
À l’audience publique du 13 janvier 2015, le président a constaté l’identité des prévenus.
Maître Iorio, avocat des prévenus, et Maître Darriere, avocat de M. T.,
partie civile, ont déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, jointes au dossier.
Le conseiller rapporteur a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Véronique Slove, conseiller, a été entendue en son rapport.
M. Jean-Christophe D., prévenu, a été interrogé et entendu en ses moyens
de défense,
M. M. S., en sa qualité de président de la SNC La Closerie des Lilas, a été interrogé et entendu en ses moyens de défense,
Ont été entendus :
M. Jean-Marie T., partie civile, en ses observations,
Maître Darriere, avocat de M. T., partie civile, en sa plaidoirie et conclusions,
Le ministère public en ses réquisitions,
Maître Iorio, avocat des prévenus, en sa plaidoirie et conclusions,
M. Jean-Christophe D., prévenu, et M. M. S., en sa qualité de président de la SNC La Closerie des Lilas, qui ont eu la parole en dernier.
Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu
à l’audience publique du 24 février 2015.
Et ce jour, le 24 février 2015, en application des articles 485, 486 et 512 du code de
procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Irène
Carbonnier, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de
l’arrêt.
DISCUSSION
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi :
Considérant que les appels, réguliers en la forme, ont été interjetés dans les délais de l’article 498 du code de procédure pénale ;
Qu’à l’audience, le conseil de la partie civile appelante sollicite, conformément à ses
conclusions d’appel, l’infirmation du jugement et la condamnation in solidum des
prévenus à lui payer la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice moral outre celle de 3.000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; que le représentant du parquet requiert l’infirmation du jugement sur la culpabilité et le prononcé d’une dispense de peine ; que Jean-Christophe D. et la société La Closerie des Lilas font plaider leur relaxe ;
Considérant qu’il convient de se référer au jugement déféré pour l’exposé détaillé des
faits ; qu’il suffit de rappeler que lors de l’instance prud’homale opposant Jean-Marie
T. à son employeur, la société La Closerie des Lilas, ce dernier a été informé que
son employeur avait transmis à son avocat deux photographies issues des caméras de vidéo protection de l’établissement, le montrant entrant et sortant du restaurant (pièces n°74 et 78 sur le bordereau de communication de pièces de la société La Closerie des Lilas) ; que Jean-Marie T. s’est adressé, le 26 avril 2012, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui lui a indiqué que le dispositif de vidéosurveillance en cause avait été déclaré auprès d’elle le 23 juillet 2007, avec pour finalité « d’améliorer la sécurité, de dissuader toutes sortes de dégradations, et de disposer d’images en cas d’intrusion de toute personne non autorisée », et ne pouvait « avoir pour objectif la mise sous surveillance d’un employé déterminé ou d’un groupe d’employés », la déclaration ne concernant que les caméras installées dans les espaces non ouverts au public du restaurant (cuisines, réserves, bureaux … ), celles placées dans l’espace ouvert au public étant soumises à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale ;
Que les deux photographies n’ont pas été produites devant le conseil des prud’hommes qui par jugement définitif du 28 juin 2012, a condamné la société la Closerie des Lilas à verser à Jean-Marie T. les sommes de 33.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que M. S., propriétaire et gérant de la société La Closerie
des Lilas et Jean-Christophe D., directeur de celle-ci, ont expliqué qu’il y a sept
caméras installées en terrasse et à l’entrée du restaurant, de la brasserie, du bar, de
l’office, du sous-sol et de la cave ; que les images sont conservées sept jours, seuls le gérant et le directeur étant autorisés à les visionner ; que les clients sont informés de leur existence par un panneau situé à l’entrée de l’établissement ; qu’aucun lieu destiné particulièrement au travail du personnel n’est filmé (cuisine, pâtisserie, bar, bureau … ), ces caméras servant de protection, en cas de vol, d’entrée illégale dans l’établissement, d’occupation d’une partie de l’établissement par des personnes ou clients aux horaires de fermeture ; que les deux photographies issues du système de vidéo-surveillance n’étaient pas destinées à servir de preuves des horaires de travail de Jean-Marie T. mais à démontrer que les allégations que ce dernier proférait à l’encontre de ses collègues étaient totalement infondées ; que ces photographies ont été retirées du dossier prud’homal; qu’elles n’ont pas été présentées au conseil de prud’hommes qui n’a pas fondé sa décision sur celles-ci ; qu’elle ont seulement été communiqué à l’avocat de Jean-Marie T. ;
Considérant qu’il résulte de l’article 10§VI de la loi 95-73 du 21 janvier 1995 repris par l’article L.254-1 du code de la sécurité intérieure à compter du 1er mai 2012, qu’est réprimé le fait d’installer un système de vidéo-protection ou de le maintenir sans autorisation, de procéder à des enregistrements de vidéo protection sans autorisation, de ne pas les détruire dans le délai prévu, de les falsifier, d’entraver l’action de la commission départementale de vidéo-protection ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, de faire accéder des personnes non habilitées aux images ou d’utiliser ces images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées ;
Considérant qu’il ressort des pièces de procédure que les deux photographies
incriminées sont issues du système de vidéo-protection de la société La Closerie des
Lilas qui a été autorisé uniquement pour améliorer la sécurité de l’établissement,
dissuader les tiers de se livrer à des dégradations et disposer d’images en cas
d’intrusion de personnes non autorisées; que les 10 et 13 décembre 20 I 1, la société La Closerie des Lilas, pour le compte de laquelle a agi son gérant, et Jean-Christophe D., son directeur, ont transmis ces deux photographies au conseil de Jean-Marie T. pour qu’elles soient utilisées dans le cadre de l’instance prud’homale en cours ; que cette communication d’ images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été autorisées suffit à caractériser l’infraction précitée ;
Qu’il y a lieu d’infirmer le jugement précité sur la culpabilité et de dispenser de peines
les prévenus, les pièces litigieuses n’ayant pas été produites devant le conseil de
prud’hommes ;
Considérant que les prévenus seront condamnés in solidum à verser à M. T. une
somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi et une somme de
1.000 euros au titre de 1 ‘article 475-1 du code de procédure pénale ;
DECISION
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare les appels recevables,
Infirme le jugement,
Déclare la SNC la Closerie des Lilas et Jean-Christophe D. coupables de
détournement de la finalité d’un système de video-protection, faits commis depuis le
10 décembre 2011 et jusqu’au 20 juin 2012 à Paris, sur le territoire national ;
Les dispense de peine,
Condamne in solidum la SNC la Closerie des Lilas et Jean-Christophe D. à
payer à Jean-Marie T. la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en
réparation du préjudice moral subi et une somme de 1.000 euros au titre de l’article
4 75-1 du code de procédure pénale.
La Cour : Irène Carbonnier (président), Véronique Slove, Isabelle Delaquys (conseillères), Marine Caron (greffier)
Avocats : Me François-Marie Iorio, Me Romain Darriere, Me Denys Millet
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