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Saisies : l’absence de contrôle concret du juge sanctionnée par la CEDH
Dans un arrêt du 2 avril 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que les opérations de saisies de fichiers et de messageries électroniques effectuées chez Vinci et GTM, jugées disproportionnées par rapport au but visé, violaient l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. S’agissant plus particulièrement des messages électroniques entre un avocat et son client, « la Cour estime qu’il appartient au juge, saisi d’allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu’ils étaient sans lien avec l’enquête ou qu’ils relevaient de la confidentialité qui s’attache aux relations entre un avocat et son client, de statuer sur leur sort au terme d’un contrôle concret de proportionnalité et d’ordonner, le cas échéant, leur restitution. Or, la Cour constate qu’en l’espèce, si les requérantes ont exercé le recours que la loi leur ménageait devant le JLD, ce dernier, tout en envisageant la présence d’une correspondance émanant d’un avocat parmi les documents retenus par les enquêteurs, s’est contenté d’apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses, sans procéder à l’examen concret qui s’imposait. ».
Par une ordonnance du 5 octobre 2007, le juge des libertés et de la détention (JLD) du TGI de Paris avait autorisé la DGCCRF à procéder à des visites et saisies dans les locaux des sociétés Vinci construction et GTM génie civil, dans le cadre d’une enquête pour des faits d’entente illicite. Les sociétés en cause estimaient que les visites domiciliaires avaient donné lieu à des saisies massives et indifférenciées de documents informatiques et de l’intégralité de la messagerie électronique de certains employés dont certains courriels relevaient de la confidentialité qui s’attache aux relations entre un avocat et son client, ce qui constituait une atteinte disproportionnée au droit au respect du domicile, de la vie privée et des correspondances.
La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle ces opérations portent atteinte à l’article 8 de la convention et que les saisies de données électroniques s’analysent comme une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance. Cependant, ce n’est pas le cas si l’ingérence, prévue par la loi, était proportionnée au but légitime recherché. En l’occurrence, ces visites et saisies, prévues par l’article L. 450-4 du code de commerce, avaient pour objectif la recherche de preuves de pratiques anti-concurrentielles et n’apparaissaient pas, en elles-mêmes, disproportionnées aux regards des exigences de l’article 8. La Cour a donc estimé que les saisies pratiquées ne pouvaient pas être qualifiées de « massives et indifférenciées » dans la mesure où les enquêteurs s’étaient efforcés de circonscrire leur fouille et de ne pratiquer des saisies qu’en rapport direct avec l’objet de l’enquête.
Concernant les emails liés à un avocat, la DGCCRF avait expressément indiqué ne pas s’opposer à la restitution des pièces concernées. Pourtant, pendant le déroulement des opérations, les sociétés en cause n’ont pas pu prendre connaissance des documents saisis. Or, selon la Cour, faute de prévenir a priori de telles saisies, les sociétés devaient pouvoir apprécier a posteriori, de manière concrète et effective leur régularité, en vue d’obtenir, le cas échéant, la restitution des documents ou l’assurance de leur effacement. Le JLD du TGI de Paris s’était contenté de vérifier la régularité du cadre formel des saisies et non celle des faits.