Jurisprudence : Diffamation
Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre correctionnelle, jugement du 13 janvier 2015
Webpulser, Q. T., C. D. / T. V., N. J., J. D., P. A.
commentaire - diffamation - e-réputation - injure publique - réseau social
JUGEMENT CORRECTIONNEL
Prononcé à l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le TREIZE
JANVIER DEUX MILLE QUINZE
Dans l’affaire plaidée à l’audience publique du Tribunal Correctionnel de Paris le
DIX-HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
ENTRE :
Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, près ce tribunal,
PARTIES CIVILES :
Webpulser, Q. T., C. D.
ET
PREVENUS :
T. V.
Prévenu du chef de :
DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU
MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE faits
commis le 30 mai 2009 à Paris, sur le territoire national
N. J.
Prévenu des chefs de :
INJURE PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU
MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE faits
commis le 26 mai 2009 à Paris, sur le territoire national
DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT,
IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE
ELECTRONIQUE faits commis le 26 mai 2009 à Paris, sur le territoire national
J. D.
Prévenu du chef de :
DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT,
IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE
ELECTRONIQUE faits commis le 2 juin 2009 à Paris, sur le territoire national
P. A.
Prévenu des chefs de :
DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT,
IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE
ELECTRONIQUE faits commis le 1er juin 2009 à Paris, sur le territoire national
DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU
MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE faits
commis le 1er juin 2009 à Paris, sur le territoire national
INJURE PUBLIQUE ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU
MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE faits
commis le 1er juin 2009 à Paris, sur le territoire national
DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU
MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE faits
commis le 1er juin 2009 à Paris, sur le territoire national
PROCEDURE D’AUDIENCE
Par ordonnance rendue le 6 février 2013 par l’un des juges d’instruction de ce siège à
la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 juillet 2009 par la
société Webpulser, Q. T.et C. D., les prévenus ont
été renvoyés devant le tribunal pour y répondre :
T. V.
d’avoir le 30 mai 2009 à Paris, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non
couvert par la prescription commis le délit de diffamation publique envers particuliers,
en l’espèce Q. T.et C. D., par un moyen de communication électronique accessible au public, en étant l’auteur d’un message mis en ligne le 30 mai 2009, sous le pseudonyme « HD », sur le site internet
« http://www.notetonentreprise.com »,
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47 et
48 de la loi du 29 juillet 1881, et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982.
N J.
d’avoir le 26 mai 2009, à Paris et en tout cas depuis temps non couvert par la
prescription et sur le territoire national, commis le délit d’injure publique envers
Q. T.et C. D., par un moyen de communication
électronique accessible au public en étant l’auteur d’un message mis en ligne le 26 mai
2009 sous le pseudonyme « np », sur le site internet
« http://www.notetonentreprise.com »,
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 2, 33 alinéa 2, 42, 43, 4 7 et
48 de la loi du 29 juillet 1881, et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982 ;
d’avoir le 26 mai 2009 à Paris, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription
et sur le territoire national, commis le délit de diffamation publique envers un
particulier, en l’espèce, la société Webpulser, par un moyen de communication
électronique accessible au public, en étant l’auteur d’un message mis en ligne le 26
mai 2009 sous le pseudonyme « np », sur le site internet
« http://ww.notetonentreprise.com »,
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47 et
48 de la loi du 29 juillet 1881, et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982.
J. D.
d’avoir à Paris, le 2 juin 2009 et en tout cas depuis temps non couvert par la
prescription et sur le territoire national, commis le délit de diffamation publique envers
un particulier, en l’espèce la société Webpulser, par un moyen de communication
électronique accessible au public en étant l’auteur du message mis en ligne le 2 juin
2009 sous le pseudonyme « C », sur le site internet http://notetonentreprise.com
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47 et
48 de la loi du 29 juillet 1881, et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982.
P. A.
d’avoir le 1er juin 2009 à Paris et en tout cas depuis temps non couvert par la
prescription et sur le territoire national, commis le délit de diffamation publique envers
un particuliers, en l’espèce C. D., Q. T.et la société
Webpulser, par un moyen de communication électronique accessible au public en
étant l’auteur du message mis en ligne le 1er juin 2009 sous le pseudonyme « K »,
sur le site internet « http://www.notetonentreprise.com » ;
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47 et
48 de la loi du 29 juillet 1881 et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982;
d’avoir le 1er juin 2009 à Paris, en tout cas depuis temps non couvert par la
prescription et sur le territoire national, commis le délit de d’injure publique envers un
particuliers, en l’espèce C. D. par un moyen de communication
électronique accessible au public, en étant l’auteur d’un message mis en ligne le 1er
juin 2009 sous le pseudonyme « K », sur le site internet
« http://www.notetonentreprise.com » ;
délit prévu et réprimé par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 2, 33 alinéa 2, 42, 43, 47
et 48 de la loi du 29 juillet 1881, et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet
1982;
Appelée pour fixation à l’audience du 14 mai 2013, l’affaire a été renvoyée aux
audiences des 9 juillet 2013, 8 octobre 2013, 7 janvier 2014 et 11 mars 2014, pour
relais, et 29 avril 2014 à 13:30, même chambre, pour plaider.
A cette dernière audience, en raison du mouvement social des greffiers, l’affaire a été
renvoyée aux audiences des 7 juillet 2014, à 9h, 30 septembre 2014, à 13h30, pour
relais, et 18 novembre 2014, pour plaider, dates pour lesquelles T. V.,
J. D. et P. A. ont été récités.
DEBATS
A cette dernière date, les débats se sont ouverts en présence de J.
D. et T. V., prévenus, assistés de leur conseil respectif,
les autres prévenus et les parties civiles étant représentés par leurs avocats.
Les débats se sont tenus en audience publique.
Avant l’audition de T. V., le président a constaté que celui-ci ne
parlait pas suffisamment la langue française, il a désigné Wilhelmine Tardy,
interprète en néerlandais, et lui a fait prêter le serment d’apporter son concours à la
justice en son honneur et en sa conscience ; elle a ensuite prêté son ministère chaque
fois qu’il a été utile.
Le président a donné lecture de l’acte qui a saisi le tribunal, procédé à l’interrogatoire
d’identité des deux prévenus présents et les a avisés de leur droit, au cours des débats,
de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire.
Avant tout débat au fond, le conseil de N J. a déposé et développé
des conclusions de nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Après avoir recueilli, sur le moyen soulevé, la réplique du conseil des parties civiles et
les réquisitions du ministère public, Me Gaudriault ayant eu la parole en dernier,
le tribunal, après en avoir délibéré, a joint l’incident au fond.
Le président a alors rappelé les faits et la procédure et donné lecture des propos
poursuivis.
J. D. et T. V., prévenus, ont été interrogé sur les
faits et le tribunal a reçu leurs déclarations.
Le tribunal a ensuite entendu, dans l’ordre prescrit par la loi :
le conseil des parties civiles qui a développé ses écritures, sollicitant :
– la condamnation de N J., P. A. et
J. D., à payer, chacun, à la société Webpulser,
la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en
réparation de son préjudice moral ;
– la condamnation de N J., P. A. et
T. V. à payer, chacun, à Q. T., la somme
de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son
préjudice moral ;
– la condamnation de N J., P. A. et
T. V. à payer, chacun, à C. D., la
somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation
de son préjudice moral ;
– la restitution à la société Webpulser de la consignation de 3.600
euros ;
– la condamnation solidaire de N J., P. A., J. D. et T. V. à payer à
chacune des trois parties civiles, la somme de 2.000 euros sur le
fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
– la condamnation de N J., P. A.,
J. D. et T. V. aux entiers dépens et
ce compris les frais de constat s’élevant à la somme de 400 euros HT.
– l’exécution provisoire de la décision à intervenir dans toutes ses
dispositions ;
– le représentant du ministère public en ses réquisitions ;
– les avocats des prévenus qui ont plaidé leur relaxe.
– la parole ayant été donnée en dernier aux deux prévenus présents
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a, dans le respect de
l’article 462, alinéa 2, du code de procédure pénale, informé les parties que le
jugement serait prononcé le 13 janvier 2015.
A cette date, la décision suivante a été rendue :
DISCUSSION
Sur la nullité :
Il convient de rappeler :
– qu’en matière de délits de presse, l’acte initial de poursuite fixe définitivement et
irrévocablement la nature et l’étendue de celle-ci quant aux faits et à leur
qualification ;
– que, d’une part, pour pouvoir mettre l’action publique en mouvement, dans le cas
d’infractions à la loi du 29 juillet 1881, la plainte avec constitution de partie civile doit
répondre aux exigences de l’article 50 de cette loi ; qu’elle doit, à peine de nullité,
qualifier précisément le fait incriminé et viser le texte de loi applicable à la poursuite,
ce qui s’entend du texte répressif, et ce afin que le prévenu puisse connaître, dès sa
lecture et sans équivoque, les faits dont il aura exclusivement à répondre, l’objet exact
de l’incrimination et la nature des moyens de défense qu’il peut y opposer ;
– que ne satisfait pas à ces prescriptions impératives la plainte qui omet d’énoncer la
qualification exacte des faits et qui indique cumulativement des textes applicables à
des infractions de nature et de gravité différentes, laissant incertaine la base de la
poursuite ;
– que les dispositions de l’article 50 de la loi sur la presse tendent à garantir les droits
de la défense ; qu’elles sont substantielles et prescrites à peine de nullité de la poursuite elle-même.
En l’espèce, N. J. fait valoir que l’ordonnance de renvoi devant le
tribunal correctionnel comporte une incohérence manifeste sur la qualification
juridique du délit de presse poursuivi au préjudice de la société Webpulser, de
nature à justifier le prononcé de la nullité de l’acte de renvoi et de la procédure
subséquente.
Sur ce, il y a lieu d’indiquer que :
– l’acte initial de poursuite, soit la plainte avec constitution de partie civile déposée le
30 juillet 2009, mentionne que sont notamment poursuivis des faits diffamatoires à
l’encontre de la société Webpulser, dans le cadre du message publié le 26 mai
2009 sous le pseudonyme np ;
– l’ordonnance de renvoi indique, concernant ces faits, qu’il est reproché à N.
J. d’avoir commis le délit d’injure publique, mentionne les propos en
cause, puis détaille « lesdits propos comportant des allégations et imputations de faits
portant atteinte à l’honneur et à la considération de la société Webpulser, faits
prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47 et 48
de la loi du 29 juillet 1881 et par les articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ».
Ainsi, c’est à tort que le prévenu fait état de qualifications alternatives dans l’acte de
poursuite, alors même que la plainte avec constitution de partie civile, qui bien ici
l’acte fixant la nature et l’étendue des faits et leur qualification, parle dans ce cas précis
uniquement du délit de diffamation publique envers particulier.
La seule circonstance que l’ordonnance de renvoi comporte une erreur matérielle,
mentionnant ici à tort le terme « délit d’injure publique » en lieu et place de « délit de
diffamation publique », ne saurait justifier de prononcer la nullité de la procédure,
étant observé en outre que la suite de la prévention retient bien tant les éléments
constitutifs de la diffamation que les articles de loi relatifs à cette infraction.
Il y a lieu de préciser que la même inexactitude matérielle a été commise sur le délit
de diffamation publique reproché à J. D.
Aussi, il y a lieu de rejeter l’exception de nullité soulevée.
Sur les faits et les propos poursuivis :
Le 30 juillet 2009, la société Webpulser, Q. T., gérant de cette
société, et C. D., responsable de la gestion administrative et
financière, déposaient plainte avec constitution de partie civile, pour diffamation et
injure envers une personne morale et des particuliers, à la suite de la publication de
quatre messages, publiés entre le 26 mai 2009 et le 02 juin 2009, sur le site
www.notetonentreprise.com.
Message publié sous le pseudonyme np le 26 mai 2009
Les propos poursuivis et leur qualification étaient les suivants :
« Salaire : insignifiant car stagiaire à vie », diffamation publique à l’égard de la
société Webpulser ;
« L’entreprise tourne sur des stagiaires donc pas de carrière », diffamation publique à
l’égard de la société Webpulser ;
« Manager : Incompétents ! (. . .) En tout cas tout va bien pour eux vu l’argent qu’ils se
font », injure publique à l’égard de Q. T.et de C. D. ;
« Bref cette entreprise est à déconseiller sur 2 points:
– Ne leur faites pas confiance pour vos projets. Si vous etes une grosse entreprise ils
vont lecheront les pieds mais si vous etes une petite entreprise ils vous feront un
travail de cochon
ns pratiquent des prix astronomiques pour faire un profit d’enfer !
– Si vous êtes approché pour un recrutement détalez. En terme humain d’abord En
terme de qualité de vie. En terme de salaire. En terme de réputation sur le CV. Vous
allez y perdre. », diffamation publique à l’égard de la société Webpulser.
N J. reconnaissait être l’auteur de ce message.
Message publié sous le pseudonyme HD le 30 mai 2009
Un passage de ce message, rédigé en langue anglaise, était poursuivi au titre du délit
de diffamation publique à l’égard de Q. T.et de C. D. :
« Managers : Utterly incapable. They are unable to manage software projects so they
failed at delivering their work intime ».
Ce message était traduit en français au cours de l’instruction :
« Dirigeants : totalement incapables. Ils sont incapables de gérer les projets de
logiciels ce qui les a conduit à ne pas réussir de livrer leur travail en temps voulu ».
T. V. reconnaissait être l’auteur du propos poursuivi.
Message publié sous le pseudonyme K le 1er juin 2009
Les propos poursuivis dans ce message, ainsi que la qualification retenue, sont les
suivants:
« Méthodes de management de premier niveau par les menaces, les intimidations,
l’humiliation », diffamation publique à l’égard de la société Webpulser ;
« Toutes les notes négatives que j’ai vu sont exactes a part pour les avantages (c’est
nouveau, c’est depuis septembre 2008) », diffamation publique à l’égard de la société
Webpulser;
« des convocations « gestapo » comme certains d’entre nous les appelle : 3 personnes
en face de vous a pointer la moindre petite chose que vous faites », diffamation
publique à l’égard de la société Webpulser, de Q. T.et de C. D. ;
« Personne 1 : (. . .) faux cul comme pas permis », injure publique à l’égard de
C. D. ;
« passe son temps sur internet a surfer, passe des coups de fils a des clients de temps
en temps en terminant parfois par « ca se voyait que j’ai pas lu le cahier des
charges ? )), cet homme est un incompétent notoire se retranchant derriere personne 3
pour decider ».
P. A. indiquait qu’il était bien l’auteur de ce message.
Message publié sous le pseudonyme C le 02 juin 2009
Sont poursuivis dans ce message les propos suivants, sous la qualification de
diffamation publique envers la société Webpulser :
« Equilibre : Sur une branche morte » ;
« Carrière : dans une société sans avenir » ;
« Environnement : Beurk beurk beurk… même le café ne passerai pas le service
d’hygiène » ;
« Fun : Ambiance d’humiliation permanente ».
J. D. reconnaissait être l’auteur de ce message.
Sur la prescription :
L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que l’action publique et l’action civile
résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront
après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du
dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.
En l’espèce, P. A. fait valoir que l’action publique à son égard se trouve
prescrite.
Sur ce, la publication des propos poursuivis le concernant est datée du 1er juin 2009.
P. A. considère certes que son message a en réalité été publiée pour la
première fois le 13 janvier 2009.
Cependant, comme il l’indique lui-même dans ses écritures, le message publié le 13
janvier 2009 n’est pas identique à celui publié le 1er juin 2009.
Il est constant que les prénoms« Q.», « C.» et« J.», apparaissant le
13 janvier 2009, ont été remplacés le 1er juin 2009 par« Personne 1 », «Personne
2 » et « Personne 3 ».
Il s’en déduit que le message du 1er juin 2009 est un nouveau message, publié pour la
première fois à cette date.
La plainte avec constitution de partie civile a été déposée le 30 juillet 2009, soit dans
un délai de trois mois à compter de la publication du message litigieux.
Il n’est pas contesté que, par suite, le délai de trois mois de prescription de l’action
publique a été régulièrement interrompu à partir de cette date.
Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré de la prescription de l’action publique.
Sur le caractère diffamatoire des propos :
Il sera rappelé que :
– l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme
toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la
considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ;
– il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat
contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une
part, de l’ injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute
expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation
d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un
jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un
débat d ‘idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée;
– l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon
les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères
objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait
imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales
communément admises ;
– la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation,
doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au
support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans
lequel ils s’inscrivent.
En l’espèce, il y a lieu de relever les éléments suivants, s’agissant des quatre messages
poursuivis.
Message publié sous le pseudonyme np le 26 mai 2009
En premier lieu, les propos de N J., « Salaire : insignifiant car
stagiaire à vie » et « L’entreprise tourne sur des stagiaires donc pas de carrière »
imputent à la société Webpulser d’avoir recours de manière systématique à des
stagiaires pour assurer son fonctionnement, ce qui lui permettrait de limiter sa masse
salariale.
Or, le recours, même systématique, à des stagiaires, ne peut être considéré comme
attentatoire à l’honneur et à la considération de la personne morale, étant observé que
le texte en cause ne détaille pas les éventuelles fraudes au droit du travail qui en
résulteraient, le recours à des stagiaires n’étant pas une pratique en tant que telle
légalement prohibée.
Il n’y a pas lieu de considérer les propos en cause comme diffamatoires.
En second lieu, N J. déconseille cette entreprise, indiquant que les
projets sont réalisés de manière différente selon la taille de l’entreprise, et
médiocrement pour les petites entreprises, que les prix sont astronomiques, qu’il n’y a
pas d’intérêt pour un salarié d’y être recruté.
Il s’agit là d’appréciations certes péjoratives sur le fonctionnement de cette société, tant
pour les clients potentiels que pour les personnes intéressées par une embauche.
Il ne peut toutefois être considéré qu’il s’agit de faits suffisamment précis pour être
diffamatoires, dans la mesure où les dysfonctionnements en cause ne sont pas
explicités.
Il ne saurait non plus être retenu, dans ces conditions, que les faits en cause sont
susceptibles de faire l’objet d’un débat sur la preuve de leur vérité.
Les propos en cause ne sont donc pas non plus diffamatoires.
Message publié sous le pseudonyme HD le 30 mai 2009
Le message publié par T. V. en langue anglaise fait état que les
managers sont totalement incapables, la gestion déficiente de l’entreprise étant de
nature à allonger les délais de réalisation des prestations.
T. V. fait valoir, à tort, que C. D. et Q.T. ne sont pas visés dans son propos, dans la mesure où le terme anglais
« managers », qu’il soit traduit en français par le terme « dirigeants » ou, comme il le
suggère, par l’expression «cadres», est bien relatif aux principaux responsables de
l’entreprise, ce qui correspond aux deux parties civiles en cause à raison de la taille
limitée de l’entreprise.
Pour autant, il y a lieu aussi de relever que l’imputation en cause demeure très
imprécise.
En faisant état de dirigeants incapables, ce qui fait que le travail n’est pas livré en
temps voulu, l’auteur se livre à une appréciation critique du fonctionnement de
l’entreprise, subjective et péjorative, mais ne se montre pas suffisamment précis pour
que cela constitue des propos à caractère diffamatoire, pouvant faire l’objet d’un débat
probatoire.
Aussi, il y a lieu de considérer que le propos en cause n’est pas diffamatoire.
Message publié sous le pseudonyme K le 1er juin 2009
P. A. indique dans ce message que la société Webpulser pratique des
méthodes de management par menaces, intimidations, humiliation, faisant état de
convocations « gestapo » pour pointer la moindre chose.
Il est ainsi imputé à la société de pratiquer une politique de gestion de son personnel
non seulement autoritaire, mais assortie de méthodes tendant à rabaisser gravement les
salariés, ce que confirme l’emploi des termes « menaces » et « humiliation », ainsi que
la référence à la police politique de l’Allemagne hitlérienne.
Il s’agit là de faits précis, pouvant faire l’objet d’un débat probatoire, et attentatoires à
l’honneur et à la considération de la personne morale, dans la mesure où il s’agit non
seulement de faits manifestement contraire à la morale communément admise dans les
relations entre employés et employeur, s’agissant d’un management empreint de
violences morales, mais qui sont aussi susceptibles de revêtir une qualification pénale,
notamment l’infraction pénale de harcèlement moral.
Les propos sont donc diffamatoires à l’égard de la société Webpulser, mais aussi,
s’agissant de la référence aux convocations « gestapo » où trois personnes en face
« pointent la moindre chose », de propos diffamatoires à l’encontre de la société
Webpulser, de Q. T.et de C. D., avec la même
imputation d’un management par la violence morale, pouvant être qualifié pénalement
de harcèlement moral.
Pour le surplus des propos poursuivis, il faut relever que leur caractère diffamatoire
n’est pas établi dans la mesure où :
– l’expression relative aux notes négatives exactes est imprécise ;
– le passage relatif au « patron » qui passe son temps sur internet, passe des coups de
fils à des clients, en expliquant après qu’il n’a pas lu le cahier des charges, passage se
terminant par la qualification d’ « incompétent notoire », reste cantonné à une
appréciation critique et péjorative de l’intéressé, mais ne constitue pas l’allégation d’un
fait diffamatoire au sens de la loi sur la presse.
Au final, n’ayant pas fait d’offre de preuve, ni fait valoir sa bonne foi, P.A. sera condamné pour diffamation publique.
Message publié sous le pseudonyme C le 02 juin 2009
J. D. indique dans ce passage que la société est sur une branche
morte, est sans avenir, précisant que son environnement est « beurk, beurk, beurk » et
qu’il existe une ambiance d’humiliation permanente.
Sur ce, il est constant que les propos de l’intéressé sont particulièrement dépréciatifs
pour la société.
Pour autant, les termes « branche morte», « sans avenir» et « beurk, beurk, beurk »
sont très imprécis, et ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un débat sur la preuve
de leur vérité.
Il en va de même ici de l’emploi de l’expression « ambiance d’humiliation
permanente», qui n’est pas accompagnée de détails relatifs aux modalités de cette
humiliation, ne caractérisant ainsi pas un propos diffamatoire par son imprécision et
l’impossibilité d’un débat probatoire.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de considérer les passages en cause comme
diffamatoires.
Sur les injures publiques :
L’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme toute
expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation
d’aucun fait. Une expression outrageante porte atteinte à l’honneur ou à la délicatesse.
Un terme de mépris cherche à rabaisser l’intéressé. Une invective prend une forme
violente ou grossière.
L’appréciation du caractère injurieux du propos relève du pouvoir du juge et doit être
effectuée en fonction du contexte, en tenant compte des éléments intrinsèques comme
extrinsèques au message, et de manière objective, sans prendre en considération la
perception personnelle de la victime.
L’injure publique suppose l’emploi des moyens de publicités prévus à l’article 23 de la
loi du 29 juillet 1881.
En l’espèce, il ressort des termes de la plainte que deux messages sont poursuivis au
titre de l’injure.
En premier lieu, constituerait une injure publique à l’encontre de Q. T.
et de C. D. les termes « incompétents » et « tout va bien pour eux vu
l’argent qu’ils se font » contenus dans le message écrit par N. J.
Or, la seule appréciation d’incompétence ne peut constituer une injure, dans la mesure
où il s’agit d’une appréciation subjective, certes désagréable, relative aux compétences
professionnelles des intéressés, mais non d’une expression outrageante, d’un terme de
mépris ou d’une invective.
Le propos relatif à l’argent « qu’ils se font » n’apparaît pas en outre manifestement
dépréciatif à l’encontre des parties civiles.
En second lieu, est poursuivi au titre de l’injure publique l’expression « faux cul
comme pas permis », relatif à la « personne 2 », soit Clémence D., dans le
message de P. A.
Si le terme a pu logiquement choquer l’intéressée, il n’en demeure pas moins qu’il
correspond à un qualificatif usuellement employé dans le langage courant pour
caractériser l’hypocrisie d’une personne et que, dans cette mesure, il ne peut être retenu
comme étant une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective.
Ainsi, les injures publiques dans le cadre de la présente procédure ne sont pas
caractérisées.
Sur la peine :
Le bulletin n° l du casier judiciaire de P. A., seul prévenu condamné pour
diffamation, porte la mention néant.
Au regard de l’absence d’antécédents, il sera condamné à une peine de 500 euros
d’amende, assortie en totalité du sursis simple.
Sur l’action civile :
Il y a lieu de recevoir la société et les deux personnes physiques plaignantes en leur
constitution de partie civile.
Au vu de l’ensemble des éléments de la cause, il y a lieu de condamner P.
A. à verser à titre de dommages-intérêts 300 euros à la société
Webpulser, 300 euros à Quentin T., 300 euros à C. D. et
de la débouter du surplus de ses demandes.
Les circonstances de l’espèce ne justifient pas que soit ordonné le versement provisoire
des dommages-intérêts.
Pour des motifs d’équité, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande formée par les
parties civiles en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure
civile.
Sur la demande formée en application des dispositions de l’article 800-2 du code
de procédure pénale
A la demande de l’intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe, un
acquittement ou toute décision autre qu’une condamnation ou une déclaration
d’irresponsabilité pénale peut accorder à la personne poursuivie pénalement ou
civilement responsable une indemnité qu’elle détermine au titre des frais non payés par
l’Etat et exposés par celle-ci.
Cette indemnité est à la charge de l’Etat. La juridiction peut toutefois ordonner qu’elle
soit mise à la charge de la partie civile lorsque l’action publique a été mise en
mouvement par cette dernière.
En l’espèce, compte tenu des éléments de la cause et des termes des relaxes
intervenues, concernant T. V. et J. D., il y a lieu de
faire droit à leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 800-2 du code de
procédure pénale et de condamner :
– Q. T.et C. D. à verser solidairement 1.000 euros à T. V. ;
– la société Webpulser à verser 1.000 euros à J. D.
DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement
contradictoire à l’égard de J. D. et de T. V.,
prévenus, par jugement contradictoire (article 411 du code de procédure pénale) à
l’égard de N J. et P. A., prévenus, par jugement
contradictoire (article 424 au code de procédure pénale) à l’égard de la SARL
Webpulser, Q. T.et C. D., parties civiles :
Rejette l’exception de nullité soulevée :
Rejette le moyen tiré de la prescription de l’action publique ;
Déclare P. A. coupable du délit de diffamation publique envers
particulier, en l’espèce la société Webpulser, Q. T.et C.
D. commis le 1er juin 2009, pour les propos :
-« Méthodes de management de premier niveau par les menaces, les intimidations,
l’humiliation »,
-« des convocations « gestapo » comme certains d’entre nous les appelle : 3 personnes
en face de vous a pointer la moindre petite chose que vous faites »
Le relaxe pour le surplus de la prévention ;
En répression, vu les articles susvisés :
Condamne P. A. à la peine de 500 euros d’amende ;
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :
Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions
prévues par ces articles ;
L’avertissement prévu à l’article 132-29 du Code pénal n’a pu être donné au condamné
absent au prononcé ;
Relaxe N J., T. V. et J. D.
Reçoit la société Webpulser, Q.T., C. D. en leur
constitution de partie civile,
Condamne P. A. à verser à titre de dommages et intérêts :
– à la société Webpulser la somme de 300 euros,
– à Q. T.la somme de 300 euros,
– à C. D. la somme de 300 euros.
Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes, en ce compris la demande
formée en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
Condamne solidairement Q. T.et C. D. à verser
1.000 euros à T. V. en application des dispositions de l’article 800-2
du code de procédure pénale,
Condamne la société Webpulser à verser 1.000 euros à J.
D. en application des dispositions de l’article 800-2 du code de
procédure pénale,
En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est
assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont est redevable P. A.
P. A. est informé qu’en cas de paiement de l’amende et du droit fixe de procédure
dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie
d’une diminution de 20% sur la totalité de la somme à payer.
Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de
demander la restitution des sommes versées.
Le condamné est informé de la possibilité pour les parties civiles, non éligibles à la CIVI, de
saisir le SARVI, s’il ne procède pas au paiement des dommages intérêts auxquels il a été
condamné dans le délai de 2 mois à compter du jour où la décision est devenue définitive.
Le Tribunal : Thomas Rondeau (vice-président), Fabienne Siredey-Garnier (vice-président), Alain Bourla (premier juge), Annabelle Philippe (vice-procureur), Martine Vail (greffier)
Avocats : Me Gérard Haas, Me Mathieu Masse, Me Aurélie Gaudriault, Me Julie Ducrocq
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