Jurisprudence : Logiciel
Cour d’appel de Caen, chambre des appels correctionnels, arrêt du 18 mars 2015
Christian D., Sean O., Le Ministère public / Skype Ltd et Skype Software Sarl
condamnation - contrefaçon - décompilation - droit d'auteur - failles de sécurité - peine de prison - préjudice moral - révélation
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Saisi de poursuites dirigées contre D. Christian :
1 – Contrefaçon :
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, s’être livré à la contrefaçon par
reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, en l’espèce
en copiant des codes de la plate-forme logicielle de communication de la société
SKYPE, en se référant expressément à ce programme et en l’utilisant sans le
consentement des auteurs » ;
Faits prévus et réprimés par les articles L.335-2 AL.1, AL.2, L.335-3, L.335-5 AL.1,
L.335-6, L.112-2, L.121-8, L.122-3, L.l22-4, L.l22-6 du code de la propriété
intellectuelle ;
2-Accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, avoir frauduleusement accédé dans
un système de traitement automatisé de données, en l’espèce les codes du logiciel
SKYPE »;
Faits prévus et réprimés par les articles L.323-1 AL.1 323-1 AL.1 323-5 du code
pénal ;
3-Entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, avoir entravé un système de traitement
automatisé de données, en l’espèce le fonctionnel du logiciel SKYPE ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-2, 323-3 et 323-5 du code pénal ;
4-Introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé de données :
– « d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, avoir introduit frauduleusement des
données dans un système de traitement automatisé de données, en l’espèce des
messages non sollicités (spamming) dans le logiciel SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-3 et 323-5 du code pénal ;
5-Cession et mise à disposition sans motif légitime d ‘équipement, d’instrument, de
programme ou donnée conçu ou adapté pour une atteinte au fonctionnement d’un
système de traitement automatisé de données :
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
Et depuis temps n ’emportant pas prescription, offert, cédé et mise à disposition sans
motif légitime un programme ou données conçu ou adapté pour une atteinte à un
système de traitement automatisé de données en l’espèce le logiciel SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-3-1, 323-2 et 323-5 du code pénal ;
Saisi des poursuites contre Sean O. :
1 – Contrefaçon :
– « d’avoir à LANTHEUIL (14), depuis le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire
national et depuis temps n ’emportant pas prescription s’être livré à la contrefaçon
par reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, en
l ‘espèce en copiant des codes de la plate1orme logicielle de communication de la
société SKYPE, en se référant expressément à ce programme et en l’utilisant sans le consentement des auteurs » ;
Faits prévus et réprimés par les articles L.335-2 AL.1, AL.2, L.335-3, L.335-5 AL.1,
L.335-6, L.112-2, L.121-8, L.122-3, L.122-4, L.122-6 du code de la propriété
intellectuelle ;
2-Accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données
« d’avoir à LANTHEUIL (14), depuis le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire
national et depuis temps n’emportant pas prescription frauduleusement accédé dans
un système de traitement automatisé de données, en l’espèce les codes du logiciel
SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles L.323-1 AL.1 323-1 AL.1 323-5 du code
pénal ;
3-Entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données
– « d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, avoir entravé un système de traitement
automatisé de données, en l’espèce le fonctionnel du logiciel SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-2, 323-3 et 323-5 du code pénal ;
4-Introduction frauduleuse de données dans un svstème de traitement automatisé de
données :
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, avoir introduit frauduleusement des
données dans un système de traitement automatisé de données, en l’espèce des
messages non sollicités (spamming) dans le logiciel SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-3 et 323-5 du code pénal ;
5-Cession et mise à disposition sans motif légitime d’équipement, d ‘instrument, de
programme ou donnée conçu ou adapté pour une atteinte au fonctionnement d’un
système de traitement automatisé de données :
-« d’avoir à LANTHEUIL (14), le 7 juillet 2010, en tout cas sur le territoire national
et depuis temps n’emportant pas prescription, offert, cédé et mise à disposition sans
motif légitime un programme ou données conçu ou adapté pour une atteinte à un
système de traitement automatisé de données en l’espèce le logiciel SKYPE » ;
Faits prévus et réprimés par les articles 323-3-1, 323-2 et 323-5 du code pénal ;
Le Tribunal Correctionnel de Caen, par jugement contradictoire en date du 22
octobre 2013, a rejeté l’exception de nullité soulevée, a relaxé Christian D.
et Sean O. des fins de la poursuite ;
Sur l’action civile ledit tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile
des sociétés Skype Ltd et Skype Software SARL, les a déboutées de leurs
demandes au vu de la relaxe prononcée, et a condamné les parties civiles à régler à Christian D., la somme de 1000 euros au titre de son préjudice moral et
269,94 euros en application de l’article 800-2 du code de procédure pénale et des
textes susvisés.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par:
M. le procureur de la République, le 25 octobre 2013 contre Monsieur D.
Christian et Monsieur O. Sean
LA SOCIÉTÉ SKYPE LTD PRISE EN LA PERSONNE DE SON
REPRESENTANT LÉGAL, le 30 octobre 2013
SOCIÉTÉ SKYPE SOFTWARE SARL SOCIÉTÉ LUXEMBOURGEOISE PRISE
EN LA PERSONNE DE SON, le 30 octobre 2013
DÉROULEMENT DES DÉBATS
L’affaire a été appelée en audience publique le 25 FÉVRIER 2015 en présence de
O. Sean, assisté de son conseil et de Madame Jane Rollet, interprète en
langue anglaise, qui a prêté le serment « d’apporter son concours à la justice en son
honneur et sa conscience » conformément à l’article 407 du code de procédure pénale, le prévenu ne parlant pas suffisamment la langue française ;
Maître Alleaume, Maître Revel et Maître de Vaucresson ont déposé des
conclusions qui ont été aussitôt visées et versées aux débats.
Monsieur Hubert Bitan, cité comme témoin a été invité à se retirer de la salle
d’audience conformément à l’article 436 du code de procédure pénale.
Monsieur le Président a informé O. Sean et D. Christian de leur droit
de se taire, de faire des déclarations ou de répondre aux questions, puis a constaté leur
identité, a donné lecture de leur casier judiciaire, des renseignements les concernant
et du dispositif du jugement ;
Ont été entendus :
Monsieur le conseiller Villette, en son rapport ;
Christian D. qui a été interrogé ;
Sean O. qui a été interrogé ;
Monsieur Hubert Bitan, a été entendu comme témoin, ayant été au service de la
Société Skype, n’a pas prêté le serment de témoin, conformément à l’article 445
du code de procédure pénale » ;
Maître de Vaucresson, en sa plaidoirie ;
Monsieur Faury, en ses réquisitions ;
Maître Revel, en sa plaidoirie ;
Maître Alleaume, en sa plaidoirie ;
Christian D. et Sean O. qui ont eu la parole en dernier.
Puis la Cour a mis l’affaire en délibéré et informé les parties présentes qu’elle
prononcerait son arrêt à l’audience publique du lundi 12 janvier 2015 à 14h00.
Et ce jour, lundi 12 janvier 2015 à 14h00, la Cour a informé les parties présentes
qu’elle prorogeait son délibéré au mercredi 25 février 2015 à 8H30.
Et ce jour, mercredi 25 février 2015 à 8H30, la Cour a informé les parties présentes
qu’elle prorogeait son délibéré au mercredi 18 mars 2015 à 8H30.
Et ce jour, mercredi 18 mars 2015 à 8H30, la Cour, après en avoir délibéré
conformément à la Loi, a rendu en audience publique l’arrêt suivant : prononcé par
M. Ody, Président, en présence de M. Faury, Substitut Général, assistés de Mme
Peret, Greffier.
DISCUSSION
Le ministère public, s’agissant des dispositions pénales du jugement entrepris, ainsi
que les sociétés Skype Ltd et Skype Software, parties civiles, s’agissant de ses seules
dispositions civiles, sont appelants, suivant déclarations reçues au greffe les 25 et 30
octobre 2013, du jugement entrepris qui a renvoyé MM. Christian D. et Sean
O. des fins de la poursuite,
Les deux prévenus et les deux parties civiles ayant comparu, il sera statué à leur égard
par arrêt contradictoire.
1) Sur l’exception formée par M. O.
Reprenant sa demande qui a été rejetée par les premiers juges, M. O. demande
que soit déclarée irrecevable l’intégralité des pièces de la procédure produites en
anglais et non traduites par un expert assermenté, notamment les scellés 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 9 et 10, l’attestation de M. Adrian A. et toutes les annexes au soutien de la
plainte de la société Skype.
Il ne saurait être fait droit à cette demande.
En effet, aucune disposition n’impose que la traduction des pièces figurant dans une
procédure dans une langue étrangère ait été faite par un « interprète assermenté »,
notion dont la portée est au demeurant difficile à cerner, dans la mesure où l’on
ignore si elle désigne un expert traducteur interprète inscrit sur une liste établi par une
cour d’appel, ou d’autres types d’interprètes assermentés, tels que par exemple ceux
figurant sur les listes établies par les procureurs de la République pour l’application
de la législation sur les étrangers.
Il n’est par ailleurs ni contesté, ni contestable, ainsi qu’il ressort de la tenue des
débats, que M. O., dont la langue maternelle est l’anglais, comprend le français
et s’exprime avec aisance dans cette langue.
Enfin, l’examen des pièces du dossier révèle que si de nombreuses pièces y figurent
comme étant établies en anglais, aucune contestation ne s’est élevée quant à
l’exactitude des traductions en français de celles qui en ont fait l’objet et que les
écritures déposées par les parties révèlent être seules nécessaires à l’examen utile des
préventions.
Il résulte de ces éléments que les moyens de preuve produits pour et contre le prévenu
ont été présentés de manière à garantir un procès équitable, respectant le principe du
contradictoire en ce que chacune des parties aura pu se voir communiquer et discuter
dans un délai approprié, quant à leur forme, leur contenu et leur authenticité, toutes
pièces et observations présentées à la juridiction, en vue de déterminer sa décision.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception.
2) Sur l’action publique.
a) Sur la culpabilité.
Il est exactement exposé par les parties civiles que :
– Skype, fondée en 2003, est une société leader dans le domaine des technologies de
communication, qui propose au public de communiquer en temps réel via l’Internet,
– que la société Skype Ltd, société irlandaise ayant son siège à Dublin, est titulaire des
droits de propriété intellectuelle attachés au logiciel Skype qui est un logiciel original,
basé notamment sur les techniques de « Peer to Peer » permettant des connections
multiples et simultanées sur réseau « Voix sur IP », devenu le logiciel de référence
auprès des particuliers comme des professionnels, permettant de communiquer en
temps réel et à très faible coût, notamment par la voix, la vidéo, des messages
instantanés, et des appels locaux ou internationaux via le réseau Internet, notamment
en direction des réseaux téléphoniques fixes et mobiles,
– que la société Skype Software, société de droit luxembourgeois ayant son siège à
Luxembourg, est quant à elle titulaire d’une licence d’exploitation l’autorisant à
concéder les licences d’utilisation de la version gratuite du logiciel Skype aux
utilisateurs finaux.
MM. D. et O. se sont quant à eux connus au cours de l’année 1996, alors
que tous deux travaillaient aux Etats-Unis, par l’intermédiaire d’un ami commun qui
leur proposait de les employer pour la sécurisation d’un logiciel d’animation.
M. D. est revenu en France au cours de l’année 1999 et M. O. est retourné
en Australie, pays dont il est national, et les deux hommes se sont alors perdus de
vue, ne reprenant contact qu’au cours de l’année 2005, alors que M. O. avait été
recruté en date du 15 mai 2004, avec un salaire mensuel de l’ordre de 5 000 €, par
une société Synaptic Laboratories, spécialisée dans la recherche en cryptographie,
dont une société CB capital Management détenait une part du capital.
M. O. ayant proposé à M. D. de travailler avec lui pour le compte cette
société Synaptic Laboratories afin de développer l’activité commerciale de celle-ci
en Europe, M. D. acceptait cette proposition et collaborait pendant un temps
avec la dite société, notamment dans le cadre du pôle Transactions électroniques
sécurisées du pôle de compétitivité de Caen dont il était lui-même administrateur.
Cette collaboration ayant pris fin au cours du second semestre de l’année 2006, MM. D. et O. décidaient de créer leur propre entreprise, au travers de la
constitution de la SARL V est Corporation, immatriculée le 10 avril 2007.
Le capital social de cette société, d’un montant de 16 800 €, était détenu à hauteur de
50% par M. O., de 40% par M. D., et de 10% par la société CB capital
Management, qui devait en outre faire des apports de fonds, en qualité de société de
placement, recherchant des placements aux rendements supérieurs à ceux
normalement observés.
Ayant pour gérant M. D., et pour siège le domicile de ce dernier, soit le manoir
de Lantheuil, ayant appartenu au contrôleur général des finances Turgot, propriété de
l’épouse de M. D., son objet social était la prévention du clonage et la
protection contre les copies des cartes à puce, les droits et signatures numériques
ainsi que la sécurité de l’identification, l’authentification, l’information et la
communication, le projet sur lequel travaillait M. O. au sein de cette société étant
initialement le développement d’une carte à puce non clonable (RFID), ou carte à
puce sans contact, dont il était chargé d’écrire le code crypté.
Ce projet ayant échoué, M. O. commençait, à compter du mois de mars 2008,
à s’intéresser à des projets susceptibles d’entrer en concurrence avec Skype, soit selon
lui un système permettant d’avoir accès aux comptes bancaires grâce à l’interface
Skype, dont l’accès aurait été sécurisé par Skype, et cela conformément au « business
plan » de la société V est Corporation adopté en 2008.
C’était là l’objet du projet « Turgot Corporation », qui a donné lieu à une présentation,
lors d’un concours de « business plans » dans le cadre du Next Generation
Entrepreneur Forum 2010, les 6 et 7 mai 2010, à Monaco (le fils de M. D.,
Charles Alexandre D., étant alors étudiant en « business administration » à
l’université internationale de Monaco), avec obtention d’un 1er prix ex aequo, le jury
ayant critiqué la nécessité de passer par Skype pour que le projet aboutisse.
Entre temps, la société V est Corporation avait périclité, faisant l’objet d’un jugement
d’ouverture de redressement judiciaire en date du 29 octobre 2009, avec fixation de
la date de cessation des paiements au 17 septembre 2008, décision confirmée par la
cour d’appel de Paris aux termes d’un arrêt prononcé le 10 juin 2010.
Son actif était alors presque nul, tandis que son passif était évalué à 75 514,09 €, dont
50 919,87 € de passif chirographaire, observation étant faite qu’au 31 décembre 2007,
son chiffre d’affaires était nul, tandis que ses charges de fonctionnement s’élevaient
à 256 508 €, dont 44 % de charges externes comprenant des charges et frais de
déplacement, et 54% de charges de personnel, les comptes courants d’associés étant
créditeurs de 204 708 €, s’agissant de la société CB capital Management, de 13 606 €,
s’agissant de M. D., et de 50 €, s’agissant de M. O..
Le 30 juin 2010, avait lieu une conversation entre M. Adrian A., directeur de la
sécurité des systèmes d’information de Skype, et M. O..
Il résulte des termes de celle-ci que M. O. faisait alors part à son interlocuteur
qu’ il avait d’ores et déjà décompilé le code Skype, sans lui préciser à quelles fins,
notamment sans faire état d’une recherche d’interopérabilité entre le logiciel Skype
et le logiciel indépendant qu’ il dit aujourd’hui avoir voulu mettre au point dans le
cadre du projet Turgot Corporation.
M. A. déclarait à M. O.: « je comprends que tu as fait des recherches sur le
protocole de Skype à plusieurs reprises, mais j’ignore à quelles fins. Mais ce que je
sais, c’est que le travail que tu fais en lien avec ce code est utilisé à des fins illégales
( … )si toi et Karsten (sans que l’on parvienne à déterminer qui est la personne ainsi
désignée, dont il n’est au demeurant nullement prétendu qu’elle ait été M. D.)
continuez votre projet de recherche, alors vous devez le préserver de toute activité
illégale. Autrement vous risquez de ruiner vos réputations si vous publiez quelque
chose. »
Le 7 juillet 2010, M. O. publiait sur un blog appelé « enRUPT.com » un article
intitulé« Skype’s Biggest Secret Revealed »,soit « la révélation du plus grand secret
de Skype ».
C’est cet écrit qui est au centre des préventions en ce qu’il y est dit notamment :
« ( … )presque personne n’a pu décompiler les nombreuses versions du programme
Skype ( … )le moment est venu de révéler ce secret. http:/ /cnrptolib.com/ciphers/skype
contient le plus grand secret de communication Skype, l’algorithme Skype
d’expansion de clé de cryptage RC4 traduit en langage informatique C et pleinement
réutilisable. Profitez-en.
« Pourquoi le publier maintenant? Il se trouve qu’une partie de notre code a fait l’objet
d’une fuite il y a deux mois. Nous avons contacté Skype pour leur signaler. Quelques
semaines plus tard, notre code était déjà utilisé par des hackers et des spammers, et
la direction de Skype s’en prend à nous.
« ( … )nous ne voulons pas être tenus pour responsables de l’utilisation abusive de
notre code.
« Nous avons donc décidé qu’il était temps pour tous les experts en sécurité
informatique de l’avoir. Pourquoi laisser les hackers seuls en profiter? En tant que
cryptographes professionnels et spécialistes de l’ingénierie inverse, nous ne sommes
pas de leur côté. ( … ) Nous pensons que cette publication aidera la communauté des
experts en sécurité informatique à améliorer celle de Skype.
« ( … )pour le moment, nous n’accordons pas le droit d’utiliser gratuitement notre code
pour des exploitations commerciales. Merci de nous contacter si vous souhaitez
obtenir un droit d’exploitation commerciale.
« ( … )Il y a sept types de cryptage des communications chez Skype ( … ).Tout cela est
vraiment très compliqué, mais nous avons réussi à tout maîtriser. Si vous voulez en
savoir plus, venez à Berlin à l’ occasion de la 27eme convention du CCC (au mois de
décembre 2010) pour connaître tous les détails croustillants sur comment utiliser
notre code pour décrypter le trafic de Skype, cette énonciation étant assortie d’un
hyperlien permettant l’accès au site annonçant l’événement.
« L’équipe de décompilation de Skype. »
Il résulte de ces énonciations et des éléments de la procédure en constituant le
contexte que l’auteur de cet article :
– disait avoir décompilé l’algorithme Skype d’expansion de clé de cryptage RC4,
affirmation impliquant qu’il avait procédé à cette opération avant la publication de
l’article, ce que confirment tout à la fois la conversation avec M. A. en date du 30
juin 2010 et l’allégation d’une « fuite » informatique deux mois auparavant, soit à la
fin du mois d’avril ou au début du mois de mai 2010, ayant entraîné l’accès pour des
« hackers » à une partie du produit de la décompilation effectuée,
– disait révéler ainsi un secret, l’ensemble du texte étant manifestement exclusif de
l’existence d’un quelconque accord de Skype pour qu’il soit procédé à cette
opération,
-proposait au public l’accès aux informations ainsi obtenues, via un simple lien
hypertexte, observation étant faite que cet accès était toujours possible le 1er août
2011, soit plus d’un an après la mise en ligne de l’article du 7 juillet 2010, par le lien
hypertexte ci -dessus mentionné,
-donnait trois mobiles à sa démarche, soit :
* le fait qu’il aurait été victime d’une « fuite » informatique quelques semaines
avant la publication de l’article, ayant entraîné le fait qu’une partie du résultat de ses
travaux de décompilation était alors à la disposition de hackers auxquels il ne voulait
pas que l’usage en soit réservé,
* la volonté d’aider par cette publication la communauté des experts en sécurité
informatique à améliorer celle de Skype,
* la perspective d’exploitation commerciale par lui-même des informations ainsi
mises à disposition.
Les affirmations contenues dans cette publication du 7 juillet 2010 étaient confirmées
par la publication ultérieure de plusieurs autres articles, où M. O. affirmait
notamment :
– « tous les codes que j’ai décompilés et publiés [anonymement jusqu’à maintenant]
au bénéfice de tout le monde sont corrects ( … )
-« (cette publication) permettra aux éditeurs d’anti-virus et de firewall d’ajouter la
possibilité de scanner le trafic de Skype pour exploiter les vulnérabilités. »
-« Cela ne nous a pas pris 10 ans pour décompiler Skype, seulement quelques jours. »
– que si Skype venait à changer son protocole informatique, les codes publiés par lui
seraient immédiatement mis à jour (article du 9 juillet 2010) « S’ils le changent, nous
publierons une mise à jour immédiatement ».
Il ne peut être manqué d’observer que ces événements, survenus entre les mois d’avril
et juillet 2010, sont contemporains du dépôt par Skype d’une demande d’autorisation
de cotation de ses titres sur le marché du NASDAQ, démarche qui donnera lieu à
l’annonce, au mois de mai 2011, d’un rachat de Skype par Microsoft, puis connaîtra
son aboutissement le 13 octobre 2011, par la prise de contrôle de Skype par la société
Windows, le montant de la transaction s’étant élevé à 8,5 milliards$ (à comparer
avec l’estimation de la valorisation du groupe Skype qui était de seulement 1 ,9
milliards$ au cours de l’année 2009).
Sur le délit de contrefaçon.
L’objet de la prévention de ce chef est la contrefaçon par reproduction d’une oeuvre
de l’esprit, au mépris des droits de l’auteur, en l’espèce :
– en copiant des codes de la plate-forme logicielle de communication de la société
Skype (soit ce que les parties civiles désignent aux termes de leurs conclusions -p. 18
§ A.2 a- comme étant la décompilation non autorisée du logiciel Skype),
– en se référant expressément à ce programme’ et en l’utilisant sans le
consentement des auteurs (soit ce que les parties civiles désignent comme étant la
reproduction en vue de leur publication des informations protégées obtenues ensuite
de cette décompilation).
Il doit en premier lieu être retenu que,.., contrairement à ce qui est soutenu par la
défense, l’objet sur lequel a porté la décompilation effectuée par M. O., soit celle
des codes sources du logiciel Skype, constitue un « logiciel » ou « programme
d’ordinateur », résultant d’un travail de programmation, et comptant dès lors au
nombre des oeuvres de l’esprit bénéficiant de la protection du droit d’auteur édictée
par l’article L. 112-2 13° du code de la propriété intellectuelle, et non un simple
algorithme ou une suite d’algorithmes dont la définition est préalable à la
programmation, et que la directive 91/250/CE, en application de laquelle ce texte a
été introduit dans le droit français, exclut du bénéfice de cette protection.
Il doit être rappelé en effet qu’un algorithme est défini comme une succession
d’opérations qui ne traduit qu’un énoncé logique de fonctionnalités, dénué de toutes
les spécifications fonctionnelles du produit recherché.
Il résulte au contraire des éléments de la procédure que cette définition est sans
correspondance avec le code source concerné par l’opération de décompilation, soit
le fichier « SkyCryptVI.cpp », qui constitue au contraire un ensemble d’instructions
écrites dans un langage de programmation informatique évolué, reflet de
spécifications fonctionnelles particulières, propres au logiciel Skype.
En revanche, s’il est exact que Skype peut se prévaloir d’un monopole d’exploitation
du logiciel concerné, dont l’originalité n’est pas expressément contestée, ce
monopole est limité par les exceptions légales d’ordre public énumérées à l’article
L 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.
Il est ainsi exactement soutenu par la défense que tout utilisateur légitime du logiciel
Skype, soit comme en l’espèce toute personne l’ayant téléchargé, et nonobstant les
dispositions contractuelles contraires de la licence d’utilisation, est en droit
« d’observer, étudier ou tester le fonctionnement de (celui-ci) afin de déterminer les
idées et principes qui sont à la base de n’importe quel élément du (dit) logiciel
lorsqu’elle effectue toute opération de chargement, d’affichage, d’exécution de
transmission ou de stockage du logiciel qu’elle est en droit d’effectuer ».
Rien ne vient en effet établir que l’opération de décompilation concernée, ait-elle
consisté en une reconstitution du code source du logiciel à partir de son code objet,
écrit en langage binaire par compilation de son code source, est allée au-delà de
l’observation, de l’étude ou du test de son fonctionnement prévus par le texte ci-dessus
mentionné.
De même est-il exactement affirmé par la défense qu’en application des dispositions
du§ IV de l’article L 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, il pouvait être
procédé à la décompilation litigieuse à des fins d’interopérabilité, ces textes
prévoyant que l’utilisateur d’un logiciel peut procéder à la reproduction du code de
celui-ci ou à sa traduction, sans autorisation de son auteur, lorsque cette reproduction
ou traduction au sens du 1° ou 2° de l’article L. 122-6 est indispensable pour obtenir
les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de façon
indépendante avec d’autres logiciels, soit, comme en l’espèce, pour mettre au point
une technique fiable et sécurisée d’échanges d’informations sur l’internet, compatible
avec les services de Skype, qui constituait l’objet de l’étude menée par Charles
Alexandre D. dans le cadre de ses travaux à l’’université de Monaco.
C’est en revanche l’utilisation des données obtenues par la décompilation, qui
constitue le délit de contrefaçon par reproduction d’une oeuvre de l’esprit, au mépris
des droits de l’auteur, en l’utilisant sans le consentement des auteurs, visée à la
prévention, dès lors qu’il résulte des dispositions de l’article L.122-6-1 IV du code
de la propriété intellectuelle que de telles informations ne peuvent être :
– ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l’interopérabilité, chacune des
motivations données par M. O. de son initiative de publication étant totalement
étrangère à cette finalité,
– ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l’interopérabilité du
logiciel créée de façon indépendante, force étant de constater qu’il n’est pas même
allégué que la publication concernée ait satisfait à cette condition, ce qu’au
demeurant elle ne pouvait faire,
– ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d’un
logiciel dont l’expression est substantiellement similaire ou pour tout acte portant
atteinte au droit d’auteur, observation ne pouvant qu’être faite qu’au-delà de
l’interopérabilité alléguée, il résulte des déclarations mêmes de M. O. au service
de police chargé de l’enquête qu’il s’est affranchi de cette contrainte : « J’ai
décompilé beaucoup de codes Skype, afin de développer divers produits, notamment
permettant de bloquer Skype. J’ai également travaillé sur un système open source
similaire à Skype, les portes dérobées en moins. »
Il résulte dès lors de cette analyse que M. O., en rendant accessible au public un
fichier « Skype_rc4.c », qui constituait pour l’essentiel une copie du fichier
« SkyCryptVl.cpp », constituée à partir de la décompilation du logiciel Skype, a
commis le délit de contrefaçon qui lui est reproché.
M. D. soutient quant à lui que ce délit, dont il conteste qu’il soit constitué, ne
lui est pas imputable.
Les parties civiles soutiennent au contraire que l’imputabilité ainsi contestée résulte:
– de l’historique des relations entre les deux prévenus, tel qu’exposé ci-dessus,
– du « business plan » de la société V est Corporation, où la décompilation du logiciel
Skype était expressément visée,
– du statut de M. D. au sein de la société V est Corporation, dont il se déduirait
notamment qu’il aurait :
*donné des instructions à M. O. de réaliser les développements définis dans
le « business plan » de la société,
* approuvé et donné des instructions d’ajouter sur le site de la société Vest
Corporation un renvoi au blog « enRupt.com »,
* approuvé et donné des instructions de citer V est Corporation dans le fichier
« Skype_rc4.c »,
* fourni à M. O. les moyens, notamment financiers, de réaliser les actes de
décompilation,
– de la présentation du projet Turgot Corporation lors du forum monégasque du mois de mai 2010,
tous éléments qu’elles estiment faire la preuve d’une complicité reprochable à M.
D..
Il ne peut cependant qu’être constaté que la décompilation du logiciel Skype ne
constituant pas en elle-même un acte de contrefaçon, aucun élément ne vient établir
que M. D., qui le conteste, ait participé comme auteur, co-auteur ou complice,
y compris par voie de fournitures d’instructions ou de moyens, aux actes matériels
contrefaisants (publication d’un fichier reproduisant le code source du logiciel Skype)
dont il n’est aucunement établi qu’ ils aient été commis dans des locaux ou avec du
matériel dépendant de la société V est Corporation, voire en utilisant de quelconques
moyens mis à disposition par celle-ci ou son gérant.
Bien au contraire relèvera-t-on qu’il résulte des affirmations des parties civiles elles-mêmes
que M. O. s’est connecté à partir de cinq adresses IP (Internet Protocol)
différentes entre le mois d’avril et le mois de juillet 2010.
En outre, la seule trace d’une action impliquant une collaboration entre les deux
prévenus pendant la période de commission des dits faits, est leur participation à la
présentation à Monaco, les 6 et 7 mai 2010, du projet « Turgot Corporation », élaboré
conformément au « business plan » de la société V est Corporation, mais n’entrant, ni
dans son élaboration, ni dans la forme de publicité qui lui a été ainsi donnée, dans le
champ d’application du délit de contrefaçon.
Rappel doit au surplus être fait que la société V est Corporation se trouvait alors, et
cela depuis le 29 octobre 2009, en état de redressement judiciaire, avec un passif
irrecouvrable qui signait tout autant sa déconfiture que sa cessation d’activité
effective.
Relaxe doit dès lors être prononcée à l’égard de M. D..
Sur les autres délits.
Il est encore reproché aux prévenus d’avoir commis dans les mêmes circonstances de
temps et de lieu que celles mentionnées ci-dessus, les délits suivants :
– accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, en l’espèce
les codes du logiciel Skype,
– entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données, en
l’espèce le fonctionnement du logiciel Skype,
– introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé de
données, en l’espèce des messages non sollicités (spamrning) introduits dans le
logiciel Skype,
– offre, cession et mise à disposition sans motif légitime d’un programme ou de
données conçues ou adaptées pour une atteinte à un système de traitement automatisé
de données, en l’espèce le logiciel Skype.
Il résulte des motifs ci -dessus que les prévenus ne peuvent qu’être relaxés du chef de
la prévention d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de
données, en ce que d’une part, il n’est pas constitué et que d’autre part, s’agissant de
M.D., il ne lui serait pas imputable.
S’agissant des trois autres délits, il ne peut qu’être constaté, au-delà de l’imprécision
qui s’attache à l’identification des faits matériels auxquels la prévention se réfère à
cet égard,:
– qu’encore une fois, aucun élément ne vient établir la matérialité d’un quelconque
acte commis par M. D. en qualité d’auteur, de co-auteur ou de complice et
susceptible de recevoir l’une de ces qualifications, les parties civiles se contentant de
répéter à propos de ces infractions l’argumentaire développé par elles en ce qui
concerne le délit de contrefaçon,
– que lors de sa conversation du 30 juin 2010 avec M. A., M. O. a reconnu
qu’ensuite de la décompilation, il testait son code, et cela en réponse à une
observation de son interlocuteur qui lui faisait observer que l’adresse IP à partir de
laquelle il se connectait à Skype avait généré beaucoup de comptes,
– que toutefois rien ne permet d’exclure que l’activité de création d’une multitude de
faux comptes enregistrée par Skype entre le 26 juin 2010 et le 9 juillet 201 0 soit en
relation avec la « fuite » informatique que M. O. allègue comme événement ayant
déterminé sa décision de procéder à la publication du 7 juillet 2010 et soit le fait des
hackers et spammers qui y sont évoqués,
– qu’au contraire les allégations mêmes des parties civiles, qui font état de faits de
même nature dont elles auraient été victimes avant cette période, sans que l’origine
puisse cette fois en être rattachée à l’activité contrefaisante de M. O., sont de
nature à faire retenir que l’hypothèse ci-dessus formulée ne peut être exclue,
de telle sorte que la relaxe des prévenus devra être prononcée de ces chefs, la preuve
n’étant pas suffisamment rapportée que les faits poursuivis, à supposer que l’on
parvienne à en identifier la matérialité, soient imputables à M. D. ou aient été
commis par M. O.
Au total, le jugement entrepris sera ainsi infirmé en ses dispositions pénales relatives
au principe des culpabilités en ce qu’il a relaxé M. O. du chef du délit de
contrefaçon, et confirmé pour le surplus.
b) Sur la peine.
Afm d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles
infractions, et de restaurer l’équilibre social, dans le respect de l’intérêt des victimes
de l’infraction objet de la déclaration de culpabilité, la peine a pour fonction de
sanctionner l’ auteur de celle-ci et de favoriser son amendement, son insertion ou sa
réinsertion.
Toute peine devant être individualisée, la juridiction en détermine la nature, le
quantum et le régime, dans les limites fixées par la loi, conformément aux finalités
et fonctions ci -dessus énoncées, en fonction des circonstances de l’infraction et de la
personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, le
montant de l’amende étant déterminé en tenant compte de ses ressources et de ses
charges.
À ces différents égards, il sera relevé que M. O. est aujourd’hui âgé de 43 ans,
qu’il est détenu depuis le 22 septembre 2010 à la suite de la délivrance à son encontre
d’un mandat de dépôt criminel, ayant fait appel de la décision de la cour d’assises des
Alpes Maritimes l’ayant condamné à 15 ans de réclusion criminelle et à une
interdiction définitive du territoire français, de telle sorte qu’il est aujourd’hui sans
emploi. Il se déclare célibataire et sans enfant à charge.
En considération de ces éléments, les exigences ci-dessus rappelées quant au mode
de détermination de la peine conduiront à retenir que le prononcé d’une peine de six
mois d’emprisonnement assorti dans son intégralité du sursis constitue une
application de la loi pénale adaptée aux circonstances de commission de l’infraction
objet de la déclaration de culpabilité, ainsi qu’à la personnalité du prévenu et à sa
situation matérielle, morale et familiale.
3) Sur les réclamations civiles.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré les parties civiles recevables
en leurs constitutions de partie civile et les a déboutées de leurs réclamations
indemnitaires en ce qu’elles étaient dirigées contre M. D.
Les demandes des dites parties civiles, qui ne peuvent plus être dirigées que contre
M. O., sont identiques à celles dont elles avaient saisi les premiers juges.
Aucune indemnisation ne saurait être allouée au titre de l’indemnisation d’un
prétendu préjudice matériel alors qu’en présence de la prodigieuse croissance de la
valorisation de leur patrimoine, enregistrée pendant la période de commission des
faits, il n’est aucunement établi que le seul fait pouvant être retenu à la charge de M.
O. a entraîné pour les parties civiles un préjudice de cette nature.
S’agissant en revanche de leur préjudice moral, la publication par M. O. du code
source du logiciel Skype en a révélé publiquement la fragilité.
Il ne peut certes être méconnu qu’elle a été l’occasion pour les parties civiles de
mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour remédier à cette fragilité et ainsi fournir
à leurs usagers une prestation en correspondance avec l’image de sécurité qu’elles
développent auprès d’eux.
Il n’en demeure pas moins que cette initiative a été prise en dehors de tout
consentement nécessaire des sociétés Skype, voire au mépris de son absence de
consentement, ainsi que l’implique l’usage de la locution « révélation du plus grand
secret de Skype ».
Cette révélation publique, faite à leur insu et en définitive contre leur gré, de la
fragilité du dispositif qu’elles mettaient en oeuvre a dès lors constitué une atteinte
illégitime portée à leur image, constitutive du préjudice moral allégué, dont
l’exigence de juste et complète réparation justifie la condamnation de M. O. à
leur payer la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts.
S’agissant de la demande fondée sur les dispositions de l’article 475-1 du code de
procédure pénale, la prise en considération de l’équité et de la situation économique
de M. O., conduiront à le condamner à payer de ce chef aux parties civiles la
somme de 3 500 € seulement au titre de l’indemnisation des frais par elles exposés
pour la défense de leurs intérêts en première instance et en cause d’ appel.
Enfin la demande de M. D. fondée sur les dispositions de l’article 800-2 du
code de procédure pénale, dans les limites prévues à l’article R 249-2 du dit code du
dit code, ne saurait prospérer, l’allocation d’une telle indemnité ne constituant qu’une
simple faculté.
Il ne saurait être méconnu en effet que c’est seulement au terme d’un long, complexe
et nécessaire débat judiciaire qu’il a pu être retenu qu’aucune infraction ne lui était
personnellement imputable du chef du comportement fautif de M. O., dans un
contexte laissant légitimement à croire qu’il agissait alors dans le cadre de l’exercice
de ses fonctions au sein d’une société dont M. D. était le gérant.
DECISION
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
– Reçoit les parties civiles et le ministère public en leur appel respectif ;
Sur l’action publique :
– Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’exception soulevée par M.
O. ;
– L’infirme en ses dispositions pénales du seul chef de la relaxe de Sean O. pour
le délit de contrefaçon ;
* le déclare coupable de ce délit,
*en répression, le condamne à la peine de six mois d’emprisonnement, mais dit
qu’il sera sursis à l’exécution de la totalité de cette peine,
avertissement étant donné au condamné par le président, conformément aux
dispositions de l’article 132-29 du code pénal, que si dans le délai de cinq ans à
compter du prononcé de cette peine, il commettait à nouveau un crime ou un délit
suivi d’une nouvelle condamnation sans sursis, cette dernière condamnation pourrait
entraîner l’exécution de la présente condamnation avec sursis, sans confusion
possible, mais qu’à l’inverse, en l’absence dans le même délai, de nouvelle
condamnation de cette nature, la présente condamnation sera réputée non avenue,
– confirme pour le surplus toutes les autres dispositions pénales du jugement
entrepris ;
Le président avise le condamné qu’en application des dispositions des articles 800-1
du code de procédure pénale et 1 018 A du code général des impôts, la présente
décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 € dont il est
redevable mais que s’il s’ acquitte du montant du droit fixe de procédure dans un délai
d’un mois à compter de la date du prononcé de la présente décision, ce montant sera
minoré de 20%.
Sur l’action civile :
– Infirme le jugement entrepris en ce que les parties civiles ont été déboutées de leur
demande tendant à la condamnation de Sean O. au paiement de dommages-intérêts
en réparation de leur préjudice moral et d’une indemnité sur le fondement des
dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
– condamne Sean O. à payer aux sociétés Skype Ltd et Skype Software unies
d’intérêt:
* la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice
moral,
* la somme de 3 500 € à titre d’indemnisation des frais exposées par elles en
première instance et en cause d’appel pour la défense de leurs intérêts,
Rappelle que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal, éventuellement
majoré, à compter du présent arrêt, et ce jusqu’à parfait règlement.
– Confirme pour le surplus toutes les autres dispositions civiles du jugement
entrepris ;
– Déboute Christian D. de sa demande fondée sur les dispositions de l’article
800-2 du code de procédure pénale.
La Cour : Monsieur Ody (president), Monsieur Villette, Madame Houyvet (conseillers), Madame Feret (greffier)
Avocats : Me Christophe Alleaume, Me Sébastien Revel, Me Emilie de Vaucresson
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.