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Diffamation sur un forum : une certaine exagération tolérée pour un particulier
Si des internautes veulent connaître la limite à ne pas dépasser pour que leurs propos sur un forum de discussion ne soient pas considérés comme diffamatoires, ils peuvent lire l’ordonnance de référé du TGI de Paris du 14 juin 2015. Très pédagogique et très claire, cette décision rappelle que la diffamation ne s’apprécie pas avec la même rigueur, suivant que la personne qui s’exprime est amateur ou journaliste, comme l’avait établi la jurisprudence Monputeaux.com.
Cette affaire concerne un particulier qui avait acquis une voiture d’occasion sur le site eurocarline.com, mandataire dans le secteur de l’automobile. Malgré le versement de la somme due, le véhicule n’avait jamais été livré. Pensant avoir été escroqué, il avait publié cinq commentaires agressifs sur Forum-auto.com qui accusaient Eurocarline de publier des faux témoignages, de produire de faux documents et d’être malhonnête. Le tribunal a estimé que quatre messages pouvaient être considérés comme diffamatoires, car ils imputaient un fait précis pouvant faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité. Ils ont par ailleurs été qualifiés d’attentatoires à l’honneur et à la considération du site en cause, dans la mesure où l’imputation pouvait constituer une pratique déloyale trompeuse. Pour le dernier message dans lequel l’internaute reprochait au site de se moquer de lui et réclamait le remboursement, le tribunal a considéré que le propos s’inscrivait dans le droit de libre critique des produits et services d’une société et n’était donc pas diffamatoire.
Pour les quatre autres messages considérés comme diffamatoires, le tribunal s’est ensuite demandé s’ils pouvaient bénéficier de l’exception de bonne foi. Il a d’abord relevé que la dénonciation de pratiques commerciales abusives constitue un but légitime et que l’animosité personnelle n’était pas établie. Il a ajouté que « si l’accusation d’avoir publié un faux témoignage de client positif a été faite sans réelle prudence dans l’expression, il faut relever que Nicolas D. n’est pas un journaliste mais un particulier impliqué, ce qui permet de tolérer une certaine dose d’exagération dans l’expression ». Le tribunal n’a néanmoins pas retenu la bonne foi, faute de base factuelle suffisante, même pour un particulier : à savoir une simple rumeur sur les faux avis positifs du site. L’internaute est donc condamné à payer un euro de dommages-intérêts à l’éditeur du site en réparation du dommage moral causé par quatre messages diffamatoires.