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Jurisprudence : Contenus illicites

mardi 10 juin 2003
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Cour d’appel d’Angers Chambre correctionnelle Arret du 10 juin 2003

Bruno R. / Ministère public

contenus illicites - correspondance privée - courrier électronique - liens internet

Rappel de la procédure

La prévention

Bruno R. est prévenu d’avoir à Paris – 75 – et à la Chapelle d’Alligné – 72 -, les 5, 6 et 11 avril 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, transporté ou diffusé par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, infraction prévue par l’article 227-24 du code pénal et réprimée par les articles 227-24, 227-29, 227-31 du code pénal.

Le jugement

Le tribunal correctionnel de Le Mans, par jugement du 25 novembre 2002, a relaxé Bruno R. des faits commis le 5 et 6 avril 2001 et l’a déclaré coupable du délit de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité, accessible à un mineur, le 11/04/2001, en répression l’a condamné à une amende de 3000 €.

Les appels

Appel a été interjeté par :

Bruno R., le 25 novembre 2002.

M. le procureur de la République, le 26 novembre 2002.

Les faits

Le ministère public a requis la confirmation du jugement au motif que l’envoi du lien qui permet d’accéder à un site comportant des messages violents ou pornographiques participe de leur diffusion en permettant la circulation de photographies litigieuses. Le texte pénal ne fait aucune différence selon la nature du support et l’incident qui est à l’origine de la procédure est la preuve que des mineurs peuvent avoir accès aux photographies transmises par mail.

Le prévenu assisté de son conseil a sollicité la relaxe. Il a fait valoir à cet effet que le courrier électronique est assimilable à une correspondance privée, protégée à ce titre par le secret des correspondances, et par conséquent non accessible par des mineurs.

A titre subsidiaire, il considère que les photographies incriminées ne correspondent pas à la définition légale de messages violents ou attentatoires à la dignité humaine mais s’inscrivent dans un courant artistique, lui-même étant un artiste reconnu par ses pairs et citant à cet égard un court-métrage de Canal + sur « ses oeuvres emplies de cadavres, de mutilations et de sexe ».

Il a enfin invoqué l’absence d’intention délictuelle, exposant qu’il a l’habitude d’envoyer de tels messages à une trentaine de personnes, adeptes de la même culture, dont M. Etienne de B. et ayant cru à un canular lorsqu’il a reçu de sa part, le 5 avril 2002, un message lui demandant de cesser ces envois sous peine de prévenir la gendarmerie. Il a ensuite découvert avec surprise que l’adresse e-mail avait été attribuée à un autre usager, Edwin B., sans qu’il en soit informé. C’est donc en toute bonne foi qu’il a adressé les différents messages au plaignant.

La discussion

Sur la forme

Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel les 25 et 26 novembre 2002 des dispositions du jugement du 25 novembre qui ont condamné le prévenu à une amende délictuelle pour diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité humaine le 11 avril 2002. Les appels sont recevables.

Sur le fond

Les 5, 6 et 11 avril 2002, Bruno R. a adressé par e-mail à M. D. plusieurs messages comportant, le premier, un dessin morbide, les deuxième et troisième, un sexe d’homme avec un pansement et le même sexe sans pansement mais avec une coupure, et le dernier, l’adresse d’un site informatique qui contenait des photographies à caractère morbide telles qu’un homme mort avec une plaie ouverte au crâne, un cadavre de nourrisson autopsié et un foetus découpé en morceaux dans un plat.

Le prévenu n’ayant pas obtempéré à sa demande de cesser ces envois, M. D. a déposé plainte à la gendarmerie.

Le tribunal correctionnel a relaxé le prévenu des faits commis les 5 et 6 avril, décision devenue définitive.

L’article 227-24 du code pénal incrimine la fabrication, le transport et la diffusion d’un message violent, pornographique ou attentatoire à la dignité humaine, quel qu’en soit le support, à la condition qu’il soit susceptible d’être vu ou perçu par des mineurs.

Le courrier électronique est assimilable à une correspondance privée. Il est protégé par un mot de passe personnel et confidentiel qui est composé par l’usager au moment de sa connexion à internet ou à sa boîte aux lettres électronique. Son titulaire est le seul à y avoir accès et il est responsable de son utilisation. Ce n’est que par sa volonté ou sa négligence qu’un mineur peut la consulter.

L’élément moral de l’infraction n’existe donc pas en l’espèce. Le jugement sera infirmé et le prévenu relaxé des faits qui lui sont reprochés.

La décision

La cour statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel :

. Déclare recevables les appels du prévenu et du ministère public,

Infirmant le jugement déféré,

. Relaxe Bruno R. des faits qui lui sont reprochés.

La cour : M. Vermorelle (président), M. Midy et Mme Rauline (conseillers)

Avocat : Me Jean Pierre Millet

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