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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 15 octobre 2015
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Tribunal de grande instance de Paris, 17ème chambre, Presse-civile, jugement du 7 octobre 2015

X / Cool Cat

contrat - diffusion - droit à l'image - durée - interdiction de diffusion - nullité - perpétuité - résiliation - video

DÉBATS

A l’audience du 29 juin 2015 tenue publiquement devant Marie Mongin, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience et en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Mis à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Vu l’assignation délivrée le 11 août 2014 à la société Cool Cat, à la requête de X et ses dernières conclusions signifiées le 10 février 2015, par lesquelles, au visa des articles 9 et 1108 du Code civil, en raison de la diffusion et de la commercialisation d’un vidéogramme sur lequel elle apparaît, elle demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
• CONSTATER que le contrat de cession de droit à l’image en date 12 décembre 2009 est illimité dans le temps et qu’il n’est pas suffisamment spécifique ;
• PRONONCER la nullité du contrat de cession de droit à l’image en date 12 décembre 2009 ;
• CONSTATER que la société Cool Cat a porté atteinte au droit dont elle dispose sur son image ;
• CONDAMNER la société Cool Cat à lui payer la somme de 12.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
• INTERDIRE à la société Cool Cat ainsi qu’à tout ayant doit de diffuser et de commercialiser le DVD intitulé « Oscar Meteor Season One », et ce dès le prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée ;
• ORDONNER à la société Cool Cat de retirer de la vente tous les exemplaires encore en stock chez ses distributeurs et les revendeurs commerçants qui lui ont commandé le DVD intitulé « Oscar Meteor Season One », et ce dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
• ORDONNER à la société Cool Cat de supprimer de sa chaîne Youtube « Oscarmeteor » les deux versions de la vidéo litigieuse, à savoir « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra Violet » et « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra violet (The Bangers Remix), et ce dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
• ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
• CONDAMNER la société Cool Cat à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement signifiées le 8 avril 2015 par la société Cool Cat tendant à l’irrecevabilité de l’action de la demanderesse qui n’est pas reconnaissable sur les images en cause, au débouté des demandes en raison de l’autorisation donnée par X. dans un contrat valable, subsidiairement, à la modération des demandes et à l’allocation d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 11 mars 2015 ;

DISCUSSION

Attendu qu’il résulte des éléments versés aux débats par les parties que la demanderesse a signé le 12 décembre 2009 un « contrat de cession de droit à l’image » avec la société Cool Cat prévoyant sa participation, non rémunérée, à une vidéo musique intitulée : «Fifteen minutes», cédant à ladite société « de façon définitive et irrévocable et ce, sans aucune limitation de durée et aucune restriction de territoire, le droit d’utiliser son image provenant exclusivement des prises de vues issues du tournage (…) », précision étant faite que « la société utilisera la vidéomusique dans sa forme finale, à des fins de diffusion sur tous les réseaux tel que : câble, internet (…) Et par tous les moyens connus ou inconnus à ce jour, ainsi qu’à des fins commerciales (…) et ce sans aucune limitation de durée et sans aucune restriction de territoire » ;

Que dans ce vidéogramme, la demanderesse apparaît, à deux reprises de façon relativement fugace, vêtue de bas noirs et d’un corset noir, portant des lunettes de soleil et munie d’un fouet, que ses cheveux sont blonds, une mèche en couvrant très partiellement la partie droite ;

Que la diffusion de ce vidéogramme est faite, selon les affirmations non contestées de la demanderesse, sous le titre « Oscar Meteor Season One » en deux versions, « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra Violet » et « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra violet (The Bangers Remix) » dans un DVD disponible à la vente sur les sites : www.oscarmeteor.com, www.amazon.fr, www.itunes.apple.com, et sur la chaîne Youtube , Oscar Meteor, dont la société Cool Cat a la maîtrise ;

Que par lettre en date du 6 mai 2013 X a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité la cessation de la diffusion et de l’exploitation de cette vidéo, la société Cool Cat ayant refusé de faire droit à cette demande se prévalant du contrat signé par la demanderesse le 12 décembre 2009 ;

Attendu que contrairement à ce que soutient la défenderesse, X est identifiable, les images montrant la forme de son visage, son nez et sa bouche, de sorte que son action est recevable ;

Attendu quant à la validité du « contrat de cession de droit à l’image » signé le 12 décembre 2009 par X, qu’elle en conteste la validité non pas, comme pourrait le faire croire le visa de l’article 1108 du Code civil en raison du vice de son consentement, celle-ci précisant dans ses dernières conclusions que bien qu’elle invoque son état dépressif durant cette période, « Elle n’entend pas pour autant remettre en question la validité de son consentement. Elle tient simplement à souligner qu’elle aurait été beaucoup plus vigilante quant au contenu de l’autorisation signée, si elle avait été dans un état de santé « normal » », mais en raison de la généralité de ce contrat et de son caractère perpétuel ;

Attendu que c’est à juste titre que la société défenderesse fait valoir que le contrat litigieux ne peut être considéré comme général puisqu’il est limité aux images prises pour ce vidéogramme ; que c’est également à juste titre qu’elle soutient que son caractère perpétuel n’est pas une cause de nullité du contrat ;

Que cependant, du fait de l’absence de terme prévu pour l’autorisation donnée par X. d’utiliser et d’exploiter son image, ce contrat doit s’interpréter comme un contrat à durée indéterminée dont la résiliation, ainsi que cela se déduit des dispositions de l’article 1134, alinéa 3, du Code civil, est offerte aux deux parties ;

Que le courrier en date du 6 mai 2013 adressé par le conseil de la demanderesse à la société Cool Cat manifestait sans ambiguïté la volonté de X., de mettre fin à l’autorisation d’utiliser gracieusement son image dans le vidéogramme en cause ;

Attendu en conséquence, qu’en refusant de prendre en considération la demande qui lui était faite et en continuant à utiliser l’image de la demanderesse postérieurement à cette lettre, la société Cool Cat a méconnu son droit à l’image ;

Attendu, s’agissant du préjudice invoqué par X. qu’elle évalue à la somme de 12 000 euros, qu’elle ne fournit aucun élément de nature à justifier cette évaluation ; que la durée d’exploitation sans son autorisation est brève et le peu de succès de ce vidéogramme a conduit à une diffusion très limitée, qu’en outre, la demanderesse ne conteste pas avoir exploité les sites internet www.XXX.fr et www.XXX.net sur lesquels figurent des clichés photographiques la représentant dans des tenues et poses similaires à celles visibles sur le vidéogramme en cause, de sorte que son préjudice sera justement réparé par l’allocation de la somme de 1000 euros ;

Qu’il sera fait droit à ses demandes tendant à l’interdiction de la commercialisation dudit vidéogramme, au retrait des exemplaires en stock sur les plateformes Apple et Amazon ainsi qu’au retrait de la chaîne Youtube de la société Cool Cat, que les mesures d’astreinte seront admises dans les conditions précisées dans le dispositif ;

Que la société Cool Cat sera condamnée aux dépens, déboutée de sa demande de remboursement des frais irrépétibles et condamnée à verser àX la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, somme qui comprend le remboursement des frais d’établissement du procès-verbal de constat d’huissier ;

Qu’enfin, l’exécution provisoire, que justifient la nature des fait et les circonstances de la cause sera accordée ;

DECISION

LE TRIBUNAL,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

– Déclare recevable l’action de X.,

– Condamne la société Cool Cat à verser à X. la somme de MILLE EUROS (1 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit à l’image, outre la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 €) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Fait interdiction à la société Cool Cat de diffuser et de commercialiser le DVD intitulé « Oscar Meteor Season One », sous astreinte de cents euros (100 €) par infraction constatée à compter du dixième jour suivant celui où la présente décision sera signifiée,

– Ordonne à la société Cool Cat de retirer de la vente tous les exemplaires encore en stock chez ses distributeurs et les revendeurs commerçants qui lui ont commandé le DVD intitulé « Oscar Meteor Season One », sous astreinte de cents euros (100 €) par jour de retard passé le quinzième jour suivant la signification de la présente décision,

– Ordonne à la société Cool Cat de supprimer de sa chaîne Youtube « Oscarmeteor » les deux versions de la vidéo litigieuse, à savoir « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra Violet » et « Oscar Meteor – 15 minutes feat. Ultra violet (The Bangers Remix) », sous astreinte de cents euros (100 €) par jour de retard, à compter du huitième jour suivant la signification de la présente décision,

– Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– Condamne la société Cool Cat aux dépens.

Le Tribunal : Marie Mongin (vice-président), Thomas Rondeau (vice-président), Alain Bourla (premier juge), Viviane Rabeyrin (greffier), Virginie Reynaud (greffier)

Avocats : Me Romain Darrière, Me Régis Carral

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