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Jurisprudence : E-commerce

lundi 21 décembre 2015
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Cour d’appel de Paris, Pôle 4 – Chambre 10, arrêt du 7 décembre 2015

Uber France / DGCCRF, ministère Public et autres

activité illicite - assurance - consommateur - pratique commerciale trompeuse - professionnel

Prononcé publiquement le lundi 7 décembre 2015, par le Pôle 4- Ch.10 des appels correctionnels,

Sur appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris – chambre 3112 – du 16 octobre 2014, (PI4084000776).

LA PROCÉDURE :

La saisine du tribunal et la prévention

SAS Uber France a été convoqué devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 7 avril 2014 par officier de police judiciaire sur instructions du procureur de la République pour avoir :

1/ à Paris, entre le 5 février 2014 et le 25 mars 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, commis une pratique commerciale trompeuse en l’espèce la diffusion sur les sites internet www.uber.com et www.blog.uber.com de communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport à but lucratif par des particuliers UBERPOP, en donnant l’impression que ce service est licite, alors qu’il ne l’ est pas, l’activité de transport à titre onéreux de personnes étant strictement réglementée et son exercice sans obtention des autorisations administratives prévues par les textes étant passible de sanctions pénales prévues notamment aux articles L 3124-4 du code des transports, R231-13, R 231-14 du code du tourisme,

infraction prévue par les articles L.121-1,L.121-5, L.121-1-1, L.121-6 AL.4 du Code de la consommation, l’article 121-2 du Code pénal et réprimée par l’article L.121-6 AL.4, AL.1, AL.2 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3 °, 4 °, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal,

2/ à Paris, entre le 5 février 2014 et le 25 mars 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, commis une pratique commerciale trompeuse en l’espèce la diffusion sur les sites internet www.uber.com et www.blog.uber.com de communications commerciales incitant les particuliers à participer comme conducteurs au service de transport à but lucratif Uberpop, en leur fournissant de façon ambigüe des informations substantielles sur les caractéristiques essentielles du service et notamment sur leur statut de particulier ou de professionnels ainsi que sur le type d’assurance, particulier, covoiturage ou professionnel nécessaire pour garantir leur responsabilité civile,

infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-1-1, L.121-6 AL.4 du Code de la consommation, l’article 121-2 du Code pénal et réprimée par l’article L.121-6 AL.4, AL.1, AL.2 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4 °, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal,

3/ à Paris, entre le 5 février 2014 et le 25 mars 2014, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, commis une pratique commerciale trompeuse en l’espèce la diffusion sur les sites internet www.uber.com et www.blog.uber.com de communications commerciales incitant les consommateurs à utiliser le service de transport à but lucratif par des conducteurs particuliers Uberpop, en omettant ou en dissimulant une information substantielle sur les caractéristiques essentielles du service, en l’espèce l’absence d’assurance adaptée garantissant leur indemnisation en cas d’accident,

infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-1-1, L.121-6 AL.4 du Code de la consommation, l’article 121-2 du Code pénal et réprimée par l’article L. 121-6 AL.4, AL.1, AL.2 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4 °, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal.

Le jugement

Le tribunal de grande instance de Paris – chambre 31/2 – par jugement contradictoire, en date du 16 octobre 2014, a :

rejeté la demande de saisine, à titre préjudiciel, de la Cour de Justice de l’Union Européenne aux fins d’interprétation de l’annexe I 9o de la directive du 11 mai 2005,

Sur l’action publique :

relaxé partiellement la SAS Uber France pour les faits de PRATIQUE COMMERCIALE TROMPEUSE PAR PERSONNE MORALE, caractérisés par :
des communications commerciales incitant les particuliers à participer comme conducteurs au service de transport à but lucratif Uberpop, en leur fournissant de façon ambigüe des informations substantielles sur les caractéristiques essentielles du service et notamment sur leur statut de particulier ou de professionnels ainsi que sur le type d’assurance, particulier, covoiturage ou professionnel nécessaire pour garantir leur responsabilité civile,
et des communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport à but lucratif par des particuliers Uberpop, en omettant ou en dissimulant une information substantielle sur les caractéristiques essentielles du service, en l’espèce l’absence d’assurance adaptée garantissant leur indemnisation en cas d’accident,

déclaré la SAS Uber France coupable de PRATIQUE COMMERCIALE TROMPEUSE PAR PERSONNE MORALE, caractérisés par des communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport à but lucratif par des particuliers Uberpop, en donnant l’impression que ce service est licite, alors qu’il ne l’est pas,

condamné la SAS Uber France au paiement d’une amende de 100.000 euros,

à titre de peine complémentaire,

ordonné la mise en ligne, sur les 2 sites internet accessibles aux adresses www.UBER.com et www.blog.UBER.com, du communiqué suivant :

« Le 16 octobre 2014, le tribunal correctionnel de Paris (3lème chambre 2ème section) a condamné la société Uber France SAS pour avoir commis des pratiques commerciales trompeuses caractérisées par le fait d’inciter les personnes prenant connaissance des différents supports publicitaires gérés par cette société à participer comme conducteur ou comme passager à un service de transport intitulé Uberpop, en donnant l’impression que ce service est licite, alors qu’il ne peut pas l’être en raison de son caractère lucratif, les utilisateurs risquant ainsi, eux-mêmes, des poursuites pénales »,

dit que ce communiqué, placé sous le titre « PUBLICATION JUDICIAIRE », devra figurer en dehors de toute publicité être rédigé en caractère gras de taille 12, en police « Times New Roman », être accessible dans le mois qui suivra le jour où la présente décision sera devenue définitive et pendant une durée de 15 jours, soit directement sur le premier écran de la page d’accueil du site, soit par l’intermédiaire, depuis ce premier écran, d’un lien hypertexte identique au titre et en mêmes caractères,

Sur l’action civile :

rejeté l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de l’Union Nationale des Taxis,

condamné la SAS Uber France à payer à la Chambre syndicale des loueurs d’automobile de place de Paris Ile de France, partie civile, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 5.000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale,

condamné la SAS Uber France à payer au Syndicat Taxis 78, partie civile, 1 euro à titre de dommages et intérêts, outre 500 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale,

condamné la SAS Uber France à payer à L’Union Nationale des Taxis, partie civile, 1 euro à titre de dommages et intérêts, outre 5.000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale,

débouté les parties civiles du surplus de leurs demandes.

Les appels

Appel a été interjeté par :

Maître Robles, avocat au barreau de Paris, au nom de la SAS Uber France, le 21 octobre 2014 contre les dispositions pénales et civiles,

M. le procureur de la République, le 21 octobre 2014 contre SAS Uber France.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

À l’audience publique du 09 mars 2015, les parties acceptant de comparaître volontairement, l’affaire était renvoyée contradictoirement pour plaider au 19 octobre 2015 ;

À l’audience publique du 19 octobre 2015, le président a constaté l’absence de la prévenue, représentée par ses conseils qui déposent des conclusions visées du Président et du Greffier ;

La Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France, partie civile, est représentée par son avocat ;

Le Syndicat des Taxis 78, partie civile, est représenté par son président, A. N., et assisté de son avocat ;
L’Union Nationale des Taxis, partie civile, est représentée par ses avocats qui déposent des conclusions visées du Président et du Greffier ;

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie intervenante, est représentée par Sophie d’Auzon et Laurent Cadillon, inspecteurs, selon pouvoir du 13 octobre 2015 ;

Ont été entendus sur l’indicent relatif aux pièces communiquées par la défense et non traduites :

Mes Soussen et Levy, avocat de l’Union Nationale des Taxis, partie civile, en leur plaidoirie ;
Me Perez, avocat du Syndicat des Taxis 78, ne présente pas d’observations ;

Me Bouzerand, avocat de la Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France, en sa plaidoirie ;

Mme l’Avocat Général en ses réquisitions ;

Me Calvet, avocat de la SAS Uber France, qui a eu la parole en dernier ;

La cour, après en avoir délibéré, joint l’incident au fond ;

Ont été entendus sur le fond :

Les appelants ont sommairement indiqué les motifs de leur appel ;

Françoise Molina a été entendue en son rapport.

Sophie d’Auzon et Laurent Cadillon, inspecteurs, représentants la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie intervenante, en leurs observations ;

Maître Levy, avocat de l’Union Nationale des Taxis, partie civile, en ses conclusions et plaidoirie ;

Maître Soussen, avocat de l’Union Nationale des Taxis, partie civile, en ses conclusions et plaidoirie ;

Maître Perez, avocat du Syndicat des Taxis 78, partie civile, partie civile, en sa plaidoirie ;

Maître Bouzerand, avocat de Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France, partie civile, en sa plaidoirie ;

Le ministère public en ses réquisitions ;

Maître Calvet, avocat de la prévenue, en ses conclusions et plaidoirie et qui a eu la parole en dernier.

Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu à l’audience publique du 7 décembre 2015.

Et ce jour, le 7 décembre 2015, en application des articles 485, 486 et 512 du code de procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Françoise Molina, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l’arrêt.

DÉCISION :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par la prévenue et par le ministère public à l’encontre du jugement déféré.

Les faits à l’origine des poursuites et leurs circonstances ayant été exactement rapportés par les premiers juges en tête de la décision critiquée, la Cour pour leur exposé se réfère expressément à cet égard aux énonciations du jugement déféré.

A l’audience publique de la Cour, la SAS Uber France, prévenue, ne comparaît pas. Elle est représentée par ses conseils, munis de pouvoirs de représentation établis le 16 octobre 2015 par K. W. son Directeur général, visés par le président et le greffier.

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation, et de la Répression des Fraudes, est représentée par Sophie d’Auzon et Laurent Cadillon, inspecteurs.

La partie civile Union Nationale des Taxis est représentée par son conseil qui, avant tout débat au fond, soulève l’irrecevabilité de la production par la société prévenue des pièces n° 3, 11, 13, et 15 de son dossier qui ne sont pas écrites en langue française ni accompagnées de traduction.

Les parties civiles Syndicat Taxis 78 et Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile
de Place de Paris ile de France indiquent que la cour ne peut qu’écarter ces pièces.

Le Ministère public souligne que toute pièce doit être traduite ou écartée et demande à la cour de joindre l’incident au fond.

Le conseil de la société prévenue soutient que l’exigence de la langue française ne vise que les pièces de procédure.

Après en avoir délibéré, la Cour a joint l’incident au fond, les pièces visées étant susceptibles d’être écartées.

Le conseil de la partie civile Union Nationale des Taxis développe les conclusions visées par le Président et le greffier qu’il a déposées tendant à voir confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la culpabilité, recevoir sa constitution de partie civile, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SAS Uber France à lui verser la somme de 1 € à titre symbolique, condamner la SAS Uber France à payer à l’Union Nationale des Taxis la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et 5.000 € en réparation des frais irrépétibles en première instance sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, condamner la SAS Uber France à payer à l’Union Nationale des Taxis la somme de 5.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel et condamner la SAS Uber France aux entiers dépens.

Le conseil de la partie civile Syndicat Taxis 78 soutient que le jugement doit être confirmé en qu’il a délaré la prévenue coupable et doit être infirmé sur les relaxes, la SAS Uber France devant être condamnée pour l’ensemble de la prévention, sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement à l’égard du Syndicat Taxis 78 et la condamnation de la SAS Uber France à lui verser 3.000 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

Le conseil de la partie civile Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France plaide également que la culpabilité doit être retenue pour l’ensemble des faits de la prévention, sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement à l’égard de sa cliente la condamnation de la SAS Uber France à lui verser 5.000 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

Les représentants de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes rappellent que depuis qu’il a été statué sur la question prioritaire de constitutionnalité, la définition du covoiturage est clarifiée, qu’en l’espace d’un mois et demi les profits générés par l’activité reprochée ont été considérables plus de 13.000 courses ayant été effectuées au coût moyen de 13 € ; ils demandent à la cour de retenir la culpabilité de la SAS Uber France pour tous les chefs de prévention.

Le Ministère public requiert que soit retenue la culpabilité de la société prévenue pour l’ensemble des faits reprochés, souligne qu’une qualification de co-voiturage, qui suppose certes une mise en commun des frais, n’est pas compatible avec le but lucratif de l’opération où une tarification était mise en place entre les conducteurs et Uberpop ; que n’existait pas d’assurance adaptée, les chauffeurs étant à l’évidence tenus, pour ce type de prestation, de souscrire une assurance spécifique dont l’absence les privait de la garantie responsabilité civile pour le transport de passagers à titre onéreux, cette pratique commerciale trompeuse concernant également les consommateurs visés, laissés dans l’ignorance de leur couverture par une assurance adaptée ; il suggère en répression le prononcé d’une peine d’amende de 200.000 euros.

Le conseil de la SAS Uber France qui ne soutient plus l’irrecevabilité de constitution de partie civile de l’Union Nationale des Taxis développe les conclusions visées par le Président et le greffier qu’il a déposées tendant à voir confirmer le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 16 octobre 2014 en ce qu’il a relaxé Uber France SAS des chefs de pratique commerciale trompeuse caractérisés par des communications commerciales incitant les particuliers à participer comme conducteurs au service de transport à but lucratif UberPop, en leur fournissant de façon ambigüe des informations substantielles sur les caractéristiques essentiels du service, et notamment sur le statut de particulier ou de professionnel ainsi que sur le type d’assurance, particulier, covoiturage ou professionnel nécessaire pour garantir leur responsabilité civile et par des communications commerciales incitant les consommateurs à utiliser le service de transport à but lucratif par des conducteurs particuliers UberPop en omettant ou en dissimulant une information substantielle sur les caractéristiques essentielles du service, en l’espèce l’absence d’assurance adaptée garantissant leur indemnisation en cas d’accident; d’infirmer le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 16 octobre 2014 en ce qu’il a déclaré Uber France SAS coupable et l’a condamné à une amende d’un montant de 1 00.000 euros, ainsi qu’à une peine complémentaire de publication, du chef de pratique commerciale trompeuse commis du 5 février 2014 au 25 mars 2014 caractérisé par des communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport à but lucratif par des particuliers UberPop, en donnant l’impression que ce service est licite alors qu’il ne l’est pas; dire et juger que les faits allégués à l’encontre de la société Uber France ne sont pas démontrés ; dire et juger qu’aucun grief de pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-1 du Code de la consommation dans sa version actuellement en vigueur et applicable aux faits poursuivis ne saurait être formulé à l’encontre d’Uber France SAS à raison de la diffusion de communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport entre particuliers Uber Pop ; relaxer la société Uber France des fins de la poursuite sans peine ni dépens et, à titre subsidiaire prier la Cour de Justice de l’Union européenne de vouloir bien répondre aux questions préjudicielles suivantes : « Aux fins de l’application de la directive 2006/123/CE, excluant les services de transport de son champ d’application, une application logicielle de mise en relation entre des particuliers proposant un service collaboratif de transport et les utilisateurs de ce service doit-elle être considérée comme un service distinct dudit service de transport, entrant à ce titre dans le champ d’application de la directive ? En cas de réponse positive à la première question, l’article 9 de la directive 2006/123/CE s’oppose-t-il à ce que la qualification juridique de pratique commerciale trompeuse visée à l’Annexe I, 9° de la directive 2005/29/CE soit retenue à l’encontre d’une application logicielle de mise en relation entre des particuliers proposant un service collaboratif de transport et les utilisateurs de ce service, lorsque la prétendue illicéité du service résulte d’un régime d’autorisation créant un monopole défaillant au préjudice des consommateurs ? La pratique commerciale trompeuse visée à l’Annexe I, 9° de la directive n° 2005129/CE du 11 mai 2005 permet-elle de sanctionner un intermédiaire mettant en relation, via une application logicielle de type smartphone, des particuliers souhaitant effectuer une parcours urbain dans le véhicule d’autres particuliers prêts à accomplir ce trajet alors même que Je parcours est effectué exclusivement par un particulier indépendant de cet intermédiaire et que les conditions de la licéité de ce parcours dépendent exclusivement du comportement dudit particulier? ; surseoir à statuer par l’application de l’article 461 alinéa 1er du Code de procédure pénale, et en toute hypothèse dire et juger que les faits litigieux ne sauraient être imputés à la société Uber France SAS en quelque qualité que ce soit ; relaxer la société Uber France des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

DISCUSSION

Sur l’action pénale

Considérant que la cour écartera de l’examen des pièces communiquées par la défense les documents rédigés en langue étrangère, qui ont échappé, du fait de l’absence de connaissance objective de leur contenu, au débat contradictoire ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents que la Cour fait siens et par une juste appréciation des faits et des circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision déférée que les premiers juges ont à bon droit retenu la prévenue dans les liens de la prévention de pratique commerciale trompeuse commis du 5 février 2014 au 25 mars 2014 caractérisé par des communications commerciales incitant les consommateurs, conducteurs ou utilisateurs à participer au service de transport à but lucratif par des particuliers UberPop, en donnant l’impression que ce service est licite alors qu’il ne l’est pas; qu’en effet, contrairement aux mises en avant et aux communications réalisées par le groupe UBER autour du service Uberpop, le contrat final signé entre les partenaires particuliers et la société Rasier est libellé comme étant un contrat entre professionnels, dont les responsabilités et les rôles sont clairement identifiés, et non comme un contrat souscrit entre un professionnel et un particulier comme c’est le cas en réalité ; que ce contrat ne correspond pas au service Uberpop tel qu’il est initialement présenté par la société Uber France dans les allégations publicitaires figurant sur son site internet et dans ses courriels, à savoir la possibilité pour un particulier par ce biais de transporter des individus et de se faire rémunérer au titre du covoiturage onéreux ;

Considérant que c’est à tort que, concernant les délits de pratique commerciale trompeuse en raison des communications commerciales incitant les particuliers à participer comme conducteurs au service de transport à but Iucratif UberPop, en leur fournissant de façon ambiguë des informations substantielles sur les caractéristiques essentielles du service, et notamment sur le statut de particulier ou de professionnel ainsi que sur le type d’assurance, particulier, covoiturage ou professionnel nécessaire pour garantir leur responsabilité civile, et par des communications commerciales incitant les consommateurs à utiliser le service de transport à but lucratif par des conducteurs particuliers UberPop en omettant ou en dissimulant une information substantielle sur les caractéristiques essentielles du service, en l’espèce l’absence d’assurance adaptée garantissant leur indemnisation en cas d’accident, le tribunal a estimé qu’une assurance spécifique n’était pas utile compte tenu de caractère illégal du service de transport proposé et, d’autre part, que le passager en cas d’accident serait néanmoins indemnisé, au besoin par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ; qu’en effet les informations visées correspondant aux caractéristiques principales du service proposé tant à l’égard des conducteurs que des consommateurs, l’omission ou dissimulation constatée dans les messages publicitaires étudiés est bien constitutive des délits de pratique commerciale trompeuse ; que les infractions sont caractérisées dans tous leurs éléments ; que le jugement sera infirmé partiellement sur la déclaration de culpabilité ;

Que les infractions prévues par les articles 121-1 et suivants du code de la consommation visés dans les poursuites, qui définit les pratiques commerciales trompeuses dans les mêmes termes que la directive européenne, étant établies, la SAS Uber France, au nom et pour le compte de laquelle l’ensemble des infractions ont été commises par ses représentants, en sera, en application de l’article 121-2 du code pénal déclarée coupable ;

Considérant que le jugement sera réformé en répression; qu’en effet pour mieux tenir compte de la nature et de la gravité des faits et des profits réalisés par la prévenue, la Cour prononcera à son encontre une peine d’amende délictuelle de 150.000 euros ;

Que le jugement sera confirmé sur la peine complémentaire de la publication par mise en ligne, sur les deux sites internet accessibles aux adresses www.UBER.com et www.blog.UBER.com du communiqué correspondant à la décision à intervenir ;

Considérant que c’est à bon droit que le tribunal a reçu l’Union Nationale des Taxis, le Syndicat Taxis 78 et la Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France en leur constitution de partie civile ;

Que les premiers juges ayant fait une exacte appréciation du préjudice ayant résulté directement pour les parties civiles, des infractions ainsi que des sommes à allouer pour les frais irrépétibles exposés en première instance, la Cour confirmera le jugement en ses dispositions civiles ;

Qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des parties civiles les frais irrépétibles qu’elles ont dû engager en cause d’appel ; que la Cour allouera aux parties civiles à ce titre sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, respectivement les sommes de 2.000, 1.500 et 1.500 euros ;

Que les parties civiles non appelantes seront déboutées pour le surplus de leurs demandes, mal fondées.

DECISION

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement à l’encontre de la SAS Uber France, prévenue, et à l’égard de l’Union Nationale des Taxis, le Syndicat Taxis 78 et la Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France, parties civiles, et de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, partie intervenante,

Ecarte de l’examen des pièces communiquées par la défense les documents rédigés en langue étrangère,

Déclare recevables les appels de la prévenue et du ministère public,

Infirme partiellement le jugement sur la déclaration de culpabilité,

Déclare la SAS Uber France coupable des délits de pratique commerciale trompeuse dans les termes de la prévention,

Le réforme sur la peine principale,

Condamne la SAS Uber France à payer une amende délictuelle de 150.000 euros.

Confirme le jugement sur la peine complémentaire de la publication par mise en ligne, sur les deux sites internet accessibles aux adresses www.UBER.com et www. blog.UBER.com selon les modalités déterminées par le tribunal, mais dans les termes suivants :

« Par arrêt en date du 7 décembre 2015, la Cour d’Appel de Paris a déclaré la SAS Uber France coupable d’avoir commis à Paris et sur l’ensemble du territoire national entre le 5 février 2014 et le 25 mars 2014 les délits de pratique commerciale trompeuse par personne morale, l’a condamnée à une amende de 150 000 euros ainsi qu’à la publication par mise en ligne, sur les deux sites internet accessibles aux adresses www.UBER.com et www.blog.UBER.com et à indemniser l’Union Nationale des Taxis, le Syndicat Taxis 78 et la Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France, parties civiles »,

Confirme le jugement en ses dispositions civiles,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Uber France à payer à la partie civile l’Union Nationale des Taxis la somme de 2.000 euros, au Syndicat Taxis 78 la somme de 1.500 euros et à la Chambre Syndicale des Loueurs d’Automobile de Place de Paris Ile de France la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel,

Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes.

Compte tenu de l’absence de la condamnée au prononcé de la décision, le président n’a pu l’aviser, conformément aux dispositions des articles 707-3 et R 55-3 du code de procédure pénale, que :

-si elle s’acquitte du montant de l’amende et du droit fixe de procédure mentionné ci-dessous, dans un délai d’un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 %(réduction maximale de 1.500 euros),

-le paiement de l’amende ne prive pas la condamnée du droit de former un pourvoi en cassation.

La Cour : Françoise Molina (président), Muriel Josie (conseiller), Dominique Mallassagne (conseiller) et Nathalie Cochain-Alix (greffier)

Avocats : Me Hugues Calvet, Me Yohann Chevalier, Me Julien Bouzerand, Me Hélène Perez, Me Jean-Paul Levy, Me Charles-Emmanuel Soussen, Me Anne-Elisabeth Honorat (avocat général)

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