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Jurisprudence : Marques

mercredi 03 février 2016
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Tribunal de grande instance de Paris, 3ème ch., 3ème sec., jugement du 29 janvier 2016

Monsieur O. S., Un Amour de Tapis Sarl / ww E-Services France

adwords - balise méta - code source du site - concurence déloyale et et parasitaire - contrefaçon - internet - moteur de recherche - URL

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

La société Un Amour de Tapis-Tapis pas cher, spécialisée dans la vente de tapis sur internet à l’adresse www.unamourdetapis.com, utilise le signe Un Amour de Tapis :
-à titre de dénomination sociale depuis son immatriculation le 2 juillet 2008,
-à titre de nom commercial, ainsi que cela ressort de son Kbis,
-à titre de domaine www.unamourdetapis.com depuis le 16 juin 2003.

O. S., gérant de la société Un Amour de Tapis, est titulaire de :
-de la marque française

déposée à l’INPI le 16 mai 2007 enregistrée sous le n° 3500756 en classe 27 pour désigner «Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols (à l’exception des carrelages et des peintures); tentures murales non en matières textiles ; carpettes ; papiers peints ; tapis de gymnastique; tapis pour automobiles; gazon artificiel », dont l’exploitation a été cédée en licence à la société Un amour de Tapis, suivant acte sous seing privé du 24 février 2014, inscrit à l’INPI le 03 mars 2014,

-des marques françaises semi-figuratives enregistrées à l’INPI sous les n° 14/4073945 (couleur) et 14/4072733 (noir et blanc),

déposées en classes 27, 39 et 42 pour désigner des “Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols ; tentures murales non en matières textiles ; carpettes ; papiers peints ; tapis de gymnastique ; tapis pour automobiles ; gazon artificiel (classe 27); Distribution (livraison de produits) (classe 39) ; Décoration intérieure (classe 42)”

La société WW E-Services France exploite le site internet www.westwing.fr de ventes privées dédié à la décoration et à l’art de vivre et a organisé du 4 au 7 mai 2013, en concertation avec la société Un amour de tapis, une vente privée de tapis de la même marque.

La société Un amour de tapis-Tapis a fait constater suivant procès-verbal du 20 janvier 2014, sur le même site qu’une nouvelle vente a été organisée du 11 au 15 décembre 2013, sans son autorisation, portant sur 74 tapis, sous le signe « Un Amour de Tapis » à l’adresse URL
https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique, puis a le 28 janvier 2014, adressé une lettre de mise en demeure à la société ww E-Services France de cesser ces agissements qu’elle qualifie de contrefaçon de marque, de concurrence déloyale et de parasitisme.

Par acte du 15 avril 2014, Monsieur S. et la société Un Amour de Tapis-Tapis pas cher ont fait assigner la société WW E-Services France devant ce tribunal en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitisme.

Dans le dernier état de leurs demandes, suivant conclusions signifiées par voie électronique le 09 juin 2015, la société Un Amour de Tapis et O. S. sollicitent du tribunal :
Vu les articles 15, 16, 135 et 784 du code de procédure civile,
Vu l’article L713-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article L716-14 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article L716-7-1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article 1382 du code civil,
In limine, sur la révocation de l’ordonnance de clôture :
-dire et juger que O. S. et la société Un Amour de Tapis n’ont pas eu suffisamment de temps pour conclure en réplique aux conclusions du 29 avril 2015 de la société ww E-Services France et de ses 20 nouvelles pièces,
-dire et juger que le principe de la contradiction n’a pas été respecté, motif grave justifiant la révocation de la clôture,
-prononcer par voie de conséquence la révocation de la clôture et déclarer recevables les présentes conclusions du 18 mai 2015 et celles présentes des demandeurs,
Subsidiairement,
-dire et juger que les demandeurs n’ont pas disposé du temps utile pour répliquer aux conclusions et pièces de la défenderesse,
-dire et juger que les droits de la défense et le principe de la contradiction n’ont pas été respectés, -écarter des débats les conclusions et pièces du 29 avril 2015 de la société ww E-Services France,

Sur la contrefaçon des marques « Un Amour de Tapis » :
-dire et juger que les marques «Un Amour de Tapis» de O. S. enregistrées à l’INPI sous les n°3500756, 14/4073945 et 14/4072733 sont distinctives pour désigner les produits de la classe 27 et les services des classes 39 et 42,
-débouter par voie de conséquence la société ww E-Services France de sa demande de nullité,
-dire et juger que la société ww E-Services France contrefait, par reproduction à l’identique, au sens de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle :
* dans l’adresse URL https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique/,
*dans le contenu de la page accessible à cette URL, son code source et notamment ses balises meta,
*pour et dans le contenu de l’annonce commerciale « un amour de tapis » diffusée sur le moteur Bing,
la marque «Un Amour de Tapis» de O. S. enregistrée à l’INPI sous le n°3500756, pour désigner des tapis, produit visé dans la classe 27 de l’acte d’enregistrement,
-dire et juger que la société ww E-Services France contrefait, par imitation, au sens de l’article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle :
* dans l’adresse URL https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique/,
*dans le contenu de la page accessible à cette URL, son code source, et notamment ses balises meta,
*pour et dans le contenu de l’annonce commerciale « un amour de tapis » diffusée sur le moteur Bing,
les marques « Un Amour de Tapis » de O. S. enregistrées à l’INPI sous les n°14/4073945 et 14/4072733, pour désigner des tapis, produit visé dans la classe 27, et des services des classes 39 et 42 relatifs respectivement à la distribution (livraison de produits) et à la décoration intérieure tels que visés dans les actes d’enregistrement,
-condamner la société ww E-Services France , sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à communiquer à Monsieur O. S. tous les documents relatifs à la vente de tapis «Un
Amour de Tapis» sur son site www.westwing.fr à l’adresse URL https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique/ et les ventes réalisées via l’annonce publicitaire « un amour de tapis » diffusée sur le moteur Bing, et notamment :
*les factures relatives à la vente des tapis litigieux adressées par la société ww E-Services France au fournisseur des tapis, et aux personnes ayant commandées lesdits tapis,
*les factures et le relevé de compte de la société Microsoft relatives à l’annonce commerciale « un amour de tapis » dans le moteur Bing,
*les factures relatives à la vente des tapis par la société ww E-Services France lors des ventes désignées « tapis graphique » et « un tapis, une déco »,
-dire et juger que O. S. subit du fait de cette contrefaçon un préjudice patrimonial et moral,
-condamner la société ww E-Services France à verser à O. S., à titre de dommages et intérêts, la somme de 18.500 euros en réparation de son préjudice patrimonial et (la somme de) 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,
-dire et juger que le montant des dommages et intérêts sera à parfaire en fonction des documents communiqués par la société ww E-Services France,

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
-dire et juger que la société ww E-Services France concurrence de manière déloyale la société Un Amour de Tapis en créant un risque de confusion dans l’esprit du public par ses ventes réalisées :
*sous le signe «Un Amour de Tapis » à la page accessible à l’adresse URL https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique/,
*dans le contenu de cette page, son code source, et notamment ses balises meta,
*depuis l’annonce commerciale « un amour de tapis » diffusée sur le moteur Bing,
-dire et juger que la société ww E-Services France , se place dans le sillage de la société Un Amour de Tapis tire profit de ses investissements et de sa renommée et parasite ainsi son activité,
-dire et juger que la société Un Amour de Tapis subit un préjudice du fait de ces actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
-condamner par conséquent, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, la société ww E-Services France à verser, à la société Un Amour de Tapis la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice pour concurrence déloyale et 15.000 euros pour parasitisme,
-dire et juger que ce montant sera à parfaire en fonction des documents communiqués par la société ww E-Services France,
-condamner la société ww E-Services France à verser à la société Un Amour de Tapis et à O. S., la somme de 12.000 euros (6 000 euros chacun) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
-ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

A l’appui de leurs prétentions, les demandeurs font valoir que :
-la page internet de la défenderesse a été supprimée le 23 avril 2015 après un an et quatre mois, mais cette dernière persiste à utiliser la marque des demandeurs “Un amour de tapis” sur son site espagnol,
-la marque verbale est valable, le règlement sur les marques communautaires est inapplicable s’agissant d’une marque française,
-la marque “un amour de tapis” n’est pas descriptive, elle renvoie à une passion, un fantasme, la définition est désintéressée et elle ne signifie pas un tapis désirable ou intéressant. Le signe n’est pas banalement laudatif de la qualité ou de la valeur des produits visés par la marque.
Le mot “amour” n’est pas employé pour désigner des tapis et les autres produits de la classe 27.
Il est distinctif du fait de l’utilisation du mot “un amour” placé en attaque. Il est évocateur et non pas descriptif.
L’appréciation doit être globale et non au regard des éléments pris isolément.
-la marque “un amour de tapis” est devenue distinctive par un usage long et intensif et grâce à de lourds investissements, ce qui s’apprécie non au jour du dépôt mais au jour de l’usage par le tiers.
-les marques semi-figuratives sont valables,
-la marque verbale est reproduite à l’identique, pour désigner 74 tapis à la vente (procès-verbal du 20 janvier 2014),
-la défenderesse a acheté le mot-clé pour son annonce publicitaire dans le moteur de recherche Bing, et reproduit la marque, dans l’intitulé de l’annonce et dans le nom de domaine de la page de renvoi,
-la contrefaçon par reproduction est caractérisée,
-les marques semi-figuratives sont contrefaites par usage de l’élément verbal dominant,
-O. S. supporte un préjudice patrimonial et moral et fait valoir son droit d’information, pour obtenir le volume des ventes réalisées,
-la société demanderesse, licenciée des marques, supporte une concurrence déloyale, du fait de la situation de concurrence entre les parties, de la vente de tapis qui ne proviennent pas de la société, et du risque généré pour le consommateur, de la mauvaise foi de son adversaire et des relations antérieures ayant existé entre elles,
-la défenderesse a indûment profité des investissements et de la réputation de la demanderesse, qui bénéficie d’une grande expérience et collabore avec de grandes marques.

Dans des écritures signifiées par voie électronique le 24 juillet 2015, la société WW-Euros- Services France demande au tribunal de :
A titre principal :
-déclarer nulle la marque française « Un Amour de Tapis » enregistrée sous le n°3500756 pour l’ensemble des produits qu’elle désigne (et a minima pour les « tapis »), pour défaut de caractère distinctif ou, à tout le moins, vice de descriptivité, en application des dispositions de l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle et L714-3 du code de la propriété intellectuelle,
-déclarer nulle la marque française « Un Amour de Tapis.com A chaque envie son tapis » enregistrée sous le n°4072733 pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne (et a minima pour les « tapis »), pour défaut de caractère distinctif ou, à tout le moins, vice de descriptivité, en application des dispositions de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle ;
-déclarer nulle la marque française « Un Amour de Tapis.com A chaque envie son tapis » enregistrée sous le n°4073945 pour l’ensemble des produits (et a minima pour les « tapis ») et services qu’elle désigne, pour défaut de caractère distinctif ou, à tout le moins, vice de descriptivité, en application des dispositions de l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle et L714-3 du code de la propriété intellectuelle,
En conséquence :
-juger Monsieur S. irrecevable en son action en contrefaçon des marques françaises enregistrées sous le n°3500756, n°4072733 et n°4073945, pour manque de qualité et intérêt à agir, en application des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,
-débouter Monsieur S. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouter la société Un Amour de Tapis – Tapis pas cher de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de la concurrence déloyale ou à tout le moins, retenir qu’elle ne démontre pas la réalité du préjudice qu’elle allègue,
-débouter la société Un Amour de Tapis – Tapis pas cher de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre du parasitisme ou à tout le moins, retenir qu’elle ne démontre pas la réalité du préjudice qu’elle allègue,
-débouter la société Un Amour de Tapis – Tapis pas cher de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris ses demandes de pièces,
A titre subsidiaire :
-juger Monsieur S. mal fondé en son action en contrefaçon par reproduction de la marque française enregistrée sous le n°3500756,
-juger Monsieur S. mal fondé en son action en contrefaçon par reproduction, et subsidiairement par imitation, des marques françaises enregistrées sous le n°4072733 et n°4073945,
-débouter Monsieur S. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
-condamner in solidum les demandeurs à verser à la concluante la somme de douze mille euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles,
-condamner in solidum les demandeurs aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société WW-Euros- Services France expose que :
-elle organise des ventes en ligne privées haut de gamme thématiques, dédiées à la décoration et à l’art de vivre,
-les marques invoquées ne sont pas distinctives. La marque verbale est constituée de l’adjonction de deux termes usuels en français, que l’expression “un amour de” est fréquemment utilisée et elle désigne des tapis “intéressants, désirables”. Les mots composant la marque sont banals, pris isolément ou associés entre eux. La marque est nulle pour les tapis et revêtements intérieurs à des fins décoratives.
-il n’est rapporté aucune preuve de la distinctivité par l’usage,
-les marques sont descriptives des produits,
-l’action en contrefaçon d’O. S. est irrecevable.
-subsidiairement, la contrefaçon par reproduction n’est pas caractérisée, car le nom de domaine comprend la dénomination Westwing et est utilisée, non pas comme une marque mais comme titre de présentation de la vente,
-elle n’est pas reproduite dans la balise méta non visible pour l’internaute et n’est pas apposée sur les produits,
-il n’y a pas de reproduction des marques semi-figuratives et le signe n’est pas utilisé pour désigner des produits ou à titre de marque,
-la contrefaçon par imitation, invoquée subsidiairement par le demandeur, n’est pas plus caractérisée, en l’absence de risque de confusion et en l’absence de reprise des caractéristiques des marques invoquées,
-il n’y a pas de préjudice démontré d’O. S.,
-la concurrence déloyale et le parasitisme ne sont pas établis, ni le préjudice en résultant pour la société Un amour de tapis Pas cher.

La clôture est intervenue le 08 septembre 2015 et l’affaire a été plaidée le 14 décembre 2015.

DISCUSSION

-sur la demande de révocation ordonnance de clôture

L’argumentation et les prétentions formées in limine litis, au titre de la révocation de l’ordonnance de clôture, sont sans objet compte tenu du jugement du 29 juin 2015, ayant fait droit à cette demande.

-sur la validité des trois marques

L’action des demandeurs est fondée sur trois marques françaises, dont la validité est contestée par le défendeur, du fait de leur absence de caractère distinctif ou de leur caractère purement descriptif sur la qualité ou la valeur des produits.

En application des dispositions de l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, le signe déposé à titre de marque, pour désigner des produits et services, doit être distinctif, c’est à dire qu’il ne doit ni être générique, nécessaire ou usuel, ni descriptif de la qualité des produits.

En l’occurrence, les signes contestés sont d’une part, une marque verbale et d’autre part, une marque complexe, constituée d’un élément verbal et d’un motif figuratif.

La marque verbale est constituée d’une locution nominale composée de deux noms communs (“amour” et “tapis”), issus du langage courant, dont la signification est parfaitement comprise et perçue par le consommateur moyen, reliés entre eux par la préposition “de” et introduite par un article indéfini (“un”).

Elle désigne les produits suivants en classe 27 : «Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols (à l’exception des carrelages et des peintures); tentures murales non en matières textiles; carpettes; papiers peints; tapis de gymnastique; tapis pour automobiles; gazon artificiel ».

Elle est incontestablement distinctive pour les tentures murales, papiers peints, tapis de gymnastique, tapis automobiles et gazon artificiel, dans la mesure où elle n’est ni nécessaire, ni générique, ni usuelle ou encore descriptive pour ces produits, ce qui n’est du reste pas contesté par la défenderesse.

Celle-ci estime cependant que la marque ne présente pas de caractère distinctif ou qu’elle est descriptive, à tout le moins, pour les tapis, ou qu’elle est évocatrice de la qualité des produits.

S’agissant d’un signe verbal composé de plusieurs éléments, la validité de la marque doit être appréciée au vu de l’ensemble des éléments la composant et non pas seulement en considération de l’un des éléments qui revêt comme en l’espèce, un caractère descriptif.
Il est adjoint au terme “tapis”, qui désigne la nature des produits, les termes “un amour de”, qui font référence dans le langage courant à ce qui est adorable, mignon, sans considération des interprétations totalement inopportunes suggérées par les demandeurs.
Ces termes ne sont ni habituellement, ni couramment, ni nécessairement associés et employés pour désigner les tapis, de sorte que l’adjonction de cet élément arbitraire, qui crée une association inhabituelle, exclut tout caractère descriptif, nécessaire, usuel ou générique, à la locution nominale déposée à titre de marque.

La marque verbale n° 3500756 est donc valable.

Les marques complexes semi-figuratives, soit en couleurs pour l’une, soit en noir et blanc, pour l’autre, comprennent des éléments verbaux “un amour de tapis.com” et un slogan “à chaque envie son tapis” ainsi que la représentation d’un tapis volant, sur lequel est matérialisé un coeur.

Les signes sont déposés pour désigner “Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols; tentures murales non en matières textiles; carpettes; papiers peints; tapis de gymnastique ; tapis pour automobiles ; gazon artificiel (classe 27); Distribution (livraison de produits) (classe 39) ; Décoration intérieure (classe 42)”.

Comme précédemment, la validité du signe ne se pose qu’au regard des produits destinés à revêtir le sol (Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols; carpettes), de sorte que cette validité ne peut sérieusement être contestée pour les autres produits et services visés, au seul motif que la “distribution (livraison de produits)” en classe 39 ou la “décoration intérieure” en classe 42 seraient nécessairement des auxiliaires des revêtements de sols, pour en permettre la distribution commerciale.

En considération des éléments figuratifs, graphiques et verbaux, pris dans leur ensemble et non exclusivement une partie de ceux-ci, dont certains sont arbitraires, les marques n° 14/4073945 et n°14/4072733 présentent un caractère distinctif au regard des produits et services visés.

La demande de nullité de ces marques doit être rejetée.

-sur la contrefaçon par reproduction et subsidiairement par imitation au profit de O. S.

En application des dispositions de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdite la reproduction de la marque, sans modification ni ajout, ou l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.

L’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle prohibe, s’il peut résulter un risque de confusion dans l’esprit du public,
a/ la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement
b/ l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

O. S. poursuit la contrefaçon de la marque verbale dont il est titulaire, du fait de la reproduction à l’identique pour désigner des tapis ou de l’imitation par reproduction, pour désigner d’autres produits visés à l’enregistrement, générant un risque de confusion, dans l’adresse URL du site de son adversaire (www.westing.fr), lors de la présentation de la vente, et sous chaque photographie représentant un tapis, à l’occasion de la vente en ligne, ainsi que dans les codes sources et les pages de renvoi sur internet (procès-verbal de constat du 20 janvier 2014).
Il invoque également la reproduction de la marque dans l’annonce publicitaire diffusée par le moteur de recherche Bing (achat de mots-clé et dans le contenu même de l’annonce) et dans le nom de domaine de la page de renvoi (procès-verbal du 16 octobre 2014), ainsi que l’utilisation à titre de marque, pour désigner des tapis, entraînant pour le consommateur un risque de confusion et dans les balises méta.

Le demandeur ajoute en outre que la société ww euros-services contrefait également les marques complexes dont il est titulaire, par imitation, en utilisant exclusivement les éléments verbaux, pour désigner des services en classe 39 et 42 (livraison de produits et décoration intérieure).

La société ww euros-services répond que la marque n’est pas reproduite dans l’URL, à l’identique, “sans modification ni ajout” du fait de l’existence de très nombreuses différences, qui sont signifiantes et qui ne passent pas inaperçues ; que la marque n’est utilisée que pour servir de titre à la vente. La marque n’est pas plus reproduite, dans les balises méta, qui ne sont pas visibles par l’internaute, ni encore dans un nom de domaine, car la fonction de marque n’est pas remplie. La société défenderesse ajoute qu’elle ne peut être tenue pour responsable des outils automatiques de recherche des moteurs de recherche qui utilisent leur propre algorithme.
En tout état de cause, la dénomination litigieuse n’a jamais été utilisée à titre de marque.
Enfin, la défenderesse expose qu’elle n’a pas imité les marques semi-figuratives et n’en a pas repris les caractéristiques essentielles.

Le procès-verbal du 20 janvier 2014 (pièce n°8 des demandeurs) établit que l’adresse URL de la page du site west wing.fr, sur laquelle se déroule la vente en ligne de tapis est libellée comme suit :https://www.westwing.fr/ un-amour-de-tapis-choisissez-votreclassique/
(pages 10 de ce constat).
Cette adresse contient donc, contrairement aux affirmations de la défenderesse, la marque verbale reproduite, les tirets entre chaque mot consistant en des différences insignifiantes.
La page à laquelle il est accédé au moyen de cette adresse (annexe 3 du procès-verbal) et sur laquelle se déroule la vente en ligne, comprend elle-même la même mention, en titre ainsi que la reproduction de la mention “un amour de tapis” sous chacun des 74 tapis présentés à la vente.

Contrairement à ce qui est indiqué par la défenderesse, le signe se trouve dès lors utilisé, non pas seulement comme une annonce ou un titre de la vente (auquel cas, la société défenderesse se serait contentée d’indiquer une “vente de tapis”) mais à titre de marque, pour signaler à l’internaute, d’une part la nature et l’objet de la vente (de tapis de la marque “Un amour de tapis”) et d’autre part, l’origine des tapis qu’elle propose à la vente, en mentionnant à nouveau la marque sous chaque photographie de tapis, à l’instar de ses pratiques pour les autres marques (pièce n°32-tapis Pierre Cardin).

La marque verbale est ainsi reproduite par la défenderesse, sans l’autorisation d’O. S. titulaire de la marque, pour désigner des produits identiques à ceux visés à l’enregistrement, en l’occurrence des tapis. La contrefaçon par reproduction est caractérisée, sans qu’il soit nécessaire de qualifier un quelconque risque de confusion.

O. S. reproche également à son adversaire, l’utilisation de la marque, par le biais de l’insertion de balises méta, identiques à la marque, dans le code source de la page web, lui garantissant un meilleur référencement à l’issue des requêtes des internautes (pièce n° 21-2) ainsi que l’utilisation du même signe sous la forme “unamourdetapis”, dans l’annonce publicitaire et dans l’intitulé du lien qui redirige les visiteurs sur le site de west wing. (Pièce 20 document 4).

Il convient toutefois de distinguer d’une part, l’utilisation de la marque reproduite dans le code source du site et d’autre part, l’affichage de cette marque dans le résultat proposé dans le moteur de recherches.
En effet la première ne peut être considérée comme un usage contrefaisant de la marque, dès lors que le signe n’est pas utilisé dans le code source pour désigner des produits et services et n’est par ailleurs pas accessible à l’internaute qui a consulté le moteur de recherche en saisissant la marque en cause.

Par contre, la reprise de la marque dès la page de résultat du moteur de recherche dans le résumé de la page internet pour proposer des produits et services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque invoquée, ou encore la reproduction du même signe dans le lien qui permet de rediriger les internautes sur le site concurrent, sont de nature à créer dans l’esprit de l’internaute qui effectue des recherches sur internet, un risque de confusion, le visiteur pouvant attribuer aux produits et services en cause, une origine commune.
Dès lors ces derniers usages caractérisent la contrefaçon de la marque verbale, à tout le moins par imitation.

En ce qui concerne les marques semi-figuratives, l’action en contrefaçon ne peut prospérer en l’absence de toute reprise des éléments figuratifs, lesquels ne sont pas négligeables dans la perception de ces marques.

-Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

La société Un amour de tapis estime que les agissements de la défenderesse portent atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial et sont de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public.

La société ww euros-services expose quant à elle que les véritables dénomination sociale et nom commercial de son adversaire, sont “un amour de tapis-Tapis pas cher”, de sorte que les prétentions de celle-ci ne peuvent qu’être écartées.

La dénomination sociale et le nom commercial sont effectivement au vu du Kbis de la demanderesse, celles de “un amour de tapis-Tapis pas cher” et non pas celle de “Un amour de tapis” que la société demanderesse indique utiliser.
La demanderesse ne peut donc solliciter la protection d’une dénomination différente de celle mentionnée au Kbis.

En ce qui concerne l’atteinte au nom commercial, nonobstant les pièces produites dont notamment, les résultats naturels obtenus lors d’une recherche internet, les factures émises, l’existence d’une boutique sur e-bay depuis 2000, la société demanderesse n’établit pas avoir acquis une réputation et une reconnaissance particulière du public, sous les appellations qu’elle revendique et qu’elle oppose à la société ww eurosservices, à savoir les seuls termes “un amour de tapis”, ni n’établit le risque de confusion en résultant pour le consommateur normalement avisé et attentif, de sorte que les réclamations fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme et celles financières accessoires, doivent être écartées.

-sur les demandes indemnitaires

O. S. sollicite au visa des dispositions de l’article L716-14 du code de la propriété intellectuelle, l’indemnisation de son préjudice patrimonial, par l’octroi de la somme de 18.500 euros qui correspond d’une part, à la redevance qu’il aurait dû percevoir s’il en avait concédé l’usage qui a perduré en l’occurrence entre décembre 2013 et avril 2015, date à laquelle la défenderesse a fait constater avoir supprimé la page internet et l’annonce publicitaire litigieuses et d’autre part, au chiffre d’affaires généré par la vente de 2013.

Il réclame également l’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de la somme de 10.000 euros.

La société défenderesse soutient que les prétentions sont sans mesure avec le caractère éphémère de la vente et ne sont pas justifiées dès lors que le constat d’huissier du 16 octobre 2014 est dépourvu de toute force probante, dès lors que l’huissier a outrepassé ses pouvoirs et que ne sont pas rapportés par le demandeur, la preuve de la persistance des faits critiqués, ni encore l’existence du préjudice moral invoqué.

Il apparaît néanmoins, que le procès-verbal du 16 octobre 2014 ne contient que des constatations purement matérielles auxquelles s’est livré l’huissier, celui-ci n’ayant commis aucune manoeuvre déloyale, même lorsqu’il a communiqué des renseignements pour que l’avocat de la demanderesse devienne membre de la vente privée et puisse accéder au site.

La situation litigieuse a été constatée en janvier 2014 puis en octobre 2014 et la défenderesse a justifié y avoir mis fin, suivant procès-verbal du 26 avril 2015, de sorte qu’il peut légitimement être considéré que l’utilisation illicite a perduré jusqu’à cette date.

Il ne peut être considéré les bénéfices réalisés par la défenderesse lors de la première vente autorisée, en mai 2013, pour évaluer ceux réalisés par la société ww euros-services, à l’occasion de la vente ultérieure contestée, qui s’est déroulée sur quatre jours.

Eu égard aux éléments de la cause, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande de communication de pièces complémentaires, le tribunal trouve les éléments nécessaires pour évaluer à la somme de 8.000 euros, l’indemnisation du préjudice de O. S. résultant de l’atteinte à la valeur patrimoniale de la marque verbale dont il est titulaire.

Les prétentions au titre du préjudice moral allégué du titulaire de la marque, seront rejetées, car ce dommage n’est pas établi.

-Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société ww euros-services qui succombe supportera les dépens et ses propres frais.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, à payer à l’autre partie, la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La somme globale de 6.000 euros sera allouée aux demandeurs à ce titre.

Aucune circonstance particulière de la cause ne justifie le prononcé de l’exécution provisoire.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Dit sans objet les prétentions relatives à la révocation de l’ordonnance de clôture,

Rejette les demandes formées par la société ww euros-services France, en nullité des marques n°3500756, 14/4073945 et 14/4072733,

Dit que la société ww euros-services France a, en reproduisant dans l’adresse URL :
https://www.westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique/ et dans le contenu de l’annonce commerciale « un amour de tapis » diffusée sur le moteur Bing, contrefait la marque «Un Amour de Tapis», enregistrée sous le n°3500756, appartenant à O.
S.,

Déboute O. S. de ses prétentions relatives aux marques semi-figuratives n° 14/4073945 et n°14/4072733,

Déboute la société Un amour de tapis-Tapis pas cher de ses réclamations au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

Condamne la société ww euros-services France à payer à O. S., la somme de 8.000 euros, en réparation de son préjudice patrimonial résultant de l’atteinte à la marque n°3500756,

Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires prétentions,

Condamne la société ww euros-services France aux dépens,

Condamne la société ww euros-services France à payer à O. S. et à la société Un amour de Tapis-Tapis pas cher, une indemnité globale pour frais irrépétibles de 6.000 euros,

La Tribunal : Arnaud Desgranges (vice-président), Carine Gillet (vice-président), Florence Butin (vice-président), Marie-Aline Pignolet (greffier)

Avocats : Me Dorothée Barthelemy, Me Arnaud Dimeglio, Me Thibault Lancrenon

Notre présentation de la décision

 
 

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