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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 18 mars 2016
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Tribunal de commerce de Paris, 15ème chambre, jugement du 14 mars 2016

Diamantin / Viclars

concurrence déloyale - concurrence parasitaire - copie - plagiat - risque de confusion dans l’esprit du public - site internet

APRES EN AVOIR DELIBERE

LES FAITS

La société Diamantin a été créée au début de l’année 2015.
Elle propose à ses clients d’acheter sur son site Internet des diamants, qui ne sont ni des diamants cotés en bourse ni montés sur bijou, dans un but d’investissement.
Elle a fait développer une plateforme de vente « diamépargne » hébergée à l’adresse diamepargne.com, qui est, aujourd’hui, son principal outil de promotion.
Elle a travaillé sur son modèle d’activité en proposant de nombreux services accessoires, tels que la mise sous coffre des diamants (le service de « garde »), la livraison à domicile, ou la mise à disposition de « guide », d’investissement, documentant ses clients sur le processus â suivre pour évaluer à sa juste valeur un diamant.

La société Viclars, dont le nom commercial est « Diamsinvest » a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 15 septembre 2015 et a réservé le nom de domaine www.diamsinvest.fr pour y héberger une plateforme de vente en ligne de diamants d’Investissement, qui serait en tous points similaire à celle créée par la société Diamantin.

Diamantin a envoyé à Viclars une lettre de mise en demeure listant l’ensemble des actes litigieux qu’elle entendait voir cesser, sans succès ; ainsi est né le présent litige.

LA PROCEDURE

La société Diamantin a été autorisée à assigner à bref délai la société Viclars par ordonnance du président du tribunal de commerce de Pari& en date du 18 novembre 2015.
Par acte du 19 novembre 2015, la société Diamantin demande au tribunal de :
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
– CONSTATER la reprise par la société Viclars sur son site Internet http://diamsinvest.fr de nombreux éléments figurant sur le site Internet https://diamepargne.com/fr/ ;
– CONSTATER que la société Viclars a, en connaissance de cause, reproduit une large partie du corpus juridique de la société Diamantin et notamment ses conditions générales pour le site Internet http://diamsinvest.fr/ ;
– DIRE que la société Viclars s’est immiscée dans le sillage de la société Diamantin sans bourse délier afin de tirer profit des efforts, investissements, et du savoir-faire de la société Diamantin ;
En conséquence
– DIRE que la société Viclars a commis des actes déloyaux et parasitaires au détriment de la société Diamantin ;
– CONDAMNER la société Viclars à payer à la société Diamantin la somme de 55.000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– CONDAMNER la société Viclars à payer à la société Diamantin la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral ;
En tout état de cause
– ORDONNER la suppression, sous 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, de l’ensemble des contenus reproduits servilement et notamment ;
– Les onglets « les avantages », « tarifs », et « guide » ;
– Les onglets « Lutte contre le blanchiment » et « Avertissement » ;
– Le politique de Confidentialité ;
– Les Conditions Générales de Vente ;
– ORDONNER le cessation immédiate de tout acte de concurrence déloyale et parasitaire ;
– ASSORTIR cette injonction de suppression des contenus d’une astreinte de 300 euros par jour de retard ;
– SE DECLARER compétent pour liquider, en tant que besoin, les astreintes qui pourront être prononcées ;
Sur les autres demandes
– ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site Internet http://diamsinvest.fr en caractère 12, police arial, pendant une période d’un mois à compter de la signification du jugement ;
– CONDAMNER la société Viclars à rembourser à ta société Diamantin la somme de 2.100 euros correspondant aux frais d’experts engagés pour la réalisation des constatations ;
– CONDAMNER la société Viclars à payer à la société Diamantin, outre les frais exposés pour la réalisation des rapports d’expert CELOG, la somme de 10.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société Viclars aux entiers dépens :
– ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel, caution ou bénéfice de garantie ;
– DIRE que, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maitre Gérard Haas pourra recouvrer directement les frais dont il e fait l’avance sans en avoir reçu provision.

A l’audience du 29 janvier 2016, la société Viclars demande au tribunal de :
– Dire que la société Viclars a le droit d’opérer sur le marché, son activité étant protégée par la liberté d’entreprendre inscrit (sic) dans notre Constitution ;
– Dire que la société Viclars ne s’est pas approprié des efforts, tel qu’il est allégué, ni des Investissements, ni du savoir-faire de la société Diamantin, et qu’en tous les cas, celle-ci ne rapporte pas la preuve d’une intention fautive qui aurait animé la société Viclars ;
En conséquence
– Dire que la société Viclars n’a pas commis d’actes déloyaux et parasitaires au détriment de la société Diamantin ;
– Débouter la société Diamantin de sa demande en réparation é hauteur de la somme de 55.000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– Débouter la société Diamantin de sa demande en réparation à hauteur de la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral ;
– Débouter la société Diamantin de sa demande de remboursement des frais exposés pour la réalisation des rapports d’expert Celog en date du 30 Septembre 2015 et élu 30 octobre 2015, lesquels s’élèvent à 2.100 euros ;
– Débouter la société Diamantin de sa demande de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société Diamantin â payer la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions ; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure ;

A l’audience en date du 19 février 2016, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé de l’instruction de l’affaire, clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 mars 2018.

LES MOYENS DES PARTIES

La société Diamantin explique que :
– la société Viclars ne peut nier la titularité ni l’antériorité de ses droits sur l’ensemble des contenus plagiés comme en témoignent les dates d’Immatriculation au Registre du
Commerce et les dates de création des sites litigieux.
– la société Viclars en reproduisant le concept, l’architecture et le corpus contractuel du site diamepargne a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire car elle a instauré un risque de confusion entre les deux sites et s’est placée dans son sillage afin de tirer profit de son savoir-faire et de ses investissements tant intellectuels que financiers.

La société Viclars réplique que :
– pour la conception et la mise en oeuvre de son site internet diamsinvest, la société Viclars a contracté les services de la société Netconcepteurs.
– à réception de l’assignation, elle a tout mis en oeuvre pour « mettre en conformité le site internet au vu de certaines erreurs qui ont pu être commises par son webconcepteur et rectifiées depuis ».
– les similitudes alléguées par la demanderesse sont essentiellement la conséquence du caractère générique des rubriques qui articulent la présentation de l’activité de diamsinvest.
– le détournement de clientèle n’est pas démontré.
– « les clauses identiques (conditions générales de vente) sont Imposées par le contexte juridique, celui de vente au consommateur ».

DISCUSSION

Sur la demande principale

Attendu que la société Diamantin diffuse sur son site internet diamepargne un ensemble d’informations comprenant notamment une présentation des diamants d’investissement, de leur marché et les raisons d’y investir ainsi qu’un guide d’investissement détaillant le processus à suivre pour évaluer un diamant à sa juste valeur, la présentation des services proposés (mise sous coffre, livraison à domicile), un onglet de connexion à un compte personnel pour procéder â un achat…

Attendu que le site diaminvest de la société Viclars comporte de très nombreuses reprises â l’identique du site Internet de Diamantin sur les contenus suivants : présentation commerciale des avantages des diamants d’investissement, la pontique tarifaire, un avertissement sur le placement à risque et la lutte contre le blanchiment de l’argent, le guide d’investissement ;

Attendu que la société Viclars a également reproduit à l’identique les Conditions Générales de Vente de la société Diamantin, jusqu’à reproduire même les coordonnées et la Siren de cette société ;

Attendu que l’ensemble de ces faits a donné lieu à un constat réalisé le 30 septembre
2015 par les agents assermentés du Centre d’Expertise des Logiciels (Celog) ;

Attendu que les emprunts, ressemblances et copies serviles des pages du site Internet de la société Diamantin par la société Viclars créent un risque de confusion dans l’esprit des internautes moyennement attentifs et qu’ils sont, en conséquence, des actes de concurrence déloyale ;

Attendu que ces actes sont également constitutifs de parasitisme car, en reproduisant systématiquement te contenu de ta plateforme de Diamantin, la société Viclars s’est immiscée dans le sillage de la société Diamantin et profite indument des investissements réalisés et du savoir-faire de cette dernière ;

Attendu qua le préjudice s’infère des manoeuvres de concurrence déloyale qui sont, ici, incontestables, et que la société Diamantin rappelle qu’elle a investi une somme de 117.092,40 € au titre de son site internet, demande que l’on lui alloue la somme de 55.000 € au titre des agissements déloyaux et parasitaires et la somme de 10.000€ au titre du préjudice moral ;

Attendu que la société Diamantin ne fait état d’aucune diminution des ventes qui aurait pu être entrainée par ces actions de concurrence déloyale et parasitaire et qui aurait fourni une base à l’évaluation du préjudice, qu’fi convient, néanmoins, de sanctionner ces actions qui ont provoqué un déficit d’image ainsi qu’une perte partielle de rentabilité de son investissement dans le site internet diamepargne ;

Le tribunal, ne retient pas le préjudice moral réclamé par la demanderesse car non motivé et usent de son pouvoir souverain d’appréciation, condamnera la société Viclars à régler è la société Diamantin la somme de 30.000 € au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

Sur les autres demande

Attendu que le tribunal accompagnera cette condamnation d’une interdiction de poursuivre les faits litigieux et ordonnera la suppression de l’ensemble des contenus reproduits servilement, sous astreinte ;

Attendu que le tribunal considère que la demande de la société Diamantin de publication du jugement sur la page d’accueil du site Internet diamsinvest.fr est justifiée, il ordonnera donc la publication du PCM du présent jugement sur la page d’accueil de ce site internet ;

Attendu que la société Diamantin a dû exposer des frais pour faire cesser les actes litigieux commis par la société Viclars, il serait Inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles ainsi engagés ;

Le tribunal condamnera en conséquence la société Viclars à rembourser à la société Diamantin les frais exposés pour la réalisation des rapports du Celog, soit un montant de 2.100€ ainsi qu’à payer la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du CPC, déboutant pour le surplus ;

Attendu que l’exécution provisoire est demandée, qu’elle est compatible avec la nature de l’affaire, le tribunal l’ordonnera donc, à l’exception des mesures de publication du jugement.

Le tribunal condamnera la société Viclars, qui succombe, aux dépens.

DECISION

Le tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :
– DIT que la société Viclars a commis des actes déloyaux et parasitaires au détriment de la société Diamantin ;
– CONDAMNE la société Viclars à payer à la société Diamantin la somme de 30.000 euros de dommages intérêts au titre de la réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
– ORDONNE la suppression, sous 48 heures à compter de la signification du présent Jugement de l’ensemble des contenus reproduits servilement et notamment :
– Les onglets « Les avantages », « tarifs », et « guide » ;
– Les onglets « lutte contre le blanchiment » et « Avertissement » ;
– la politique de Confidentialité ;
– Les Conditions Générales de Vente ;
– ASSORTIT cette injonction de suppression des contenus d’une astreinte de 300 euros par jour de retard ;
– ORDONNE la publication du PCM du présent Jugement sur la page d’accueil du site Internet http://dlamsinvest.fr en caractère 12, police arial, pendant une période d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;
– CONDAMNE la société Viclars à rembourser à la société Diamantin la somme de
2.100 euros correspondant aux frais d’experts engagés pour la réalisation des constatations ;
– CONDAMNE la société Viclars à payer à la société Diamantin la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision â Intervenir à l’exception des mesures de publication du PCM du présent jugement ;
– DIT que conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maitre Gérard Haas pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en
avoir reçu provision.
– Condamne la SAS Viclars aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,
liquidés à la somme de 82,44 € dont 13,52 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 février 2016, en audience publique, devant M. François Dugrenot, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.
Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : M. François Dugrenot, M. Gérard Terneyre et Mme Marie-Claire Bizot.
Délibéré la 26 février 2016 par les mêmes juges.
Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le Tribunal : François Dugrenot (président), Gérard Terneyre, Marie-Claire Bizot (juges), Brigitte Pantar (greffier)

Avocats : Me Gérard Haas, Me Jean-Luc Schmerber, Me Frédéric Pariente, Me Alain Genot

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.