Jurisprudence : Vie privée
Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé du 13 mai 2016
Monsieur X. / Google France et Google Inc.
atteinte à l’honneur et à la considération - cnil - déréférencement - droit à l'oubli - moteur de recherche
DÉBATS
A l’audience du 08 avril 2016, tenue publiquement, présidée par Marc Pinturault, Juge, assisté de Christine-Marie Chollet, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,
Vu l’assignation en référé délivrée le 10 février 2016 à la société Google France S.a.r.l. (ci-après désignée « société Google France ») à la requête de Monsieur X., par lequel celui-ci nous demande, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile :
– de dire qu’il y a urgence à supprimer le référencement dans le moteur de recherche « Google.fr » des adresses URL :
>-« https://x.com/(…) »
– de dire que l’absence de déréférencement de ces URL dans son moteur de recherche par la société Google constitue un dommage imminent pour lui,
– de dire qu’il existe un trouble manifestement illicite en raison du fait que la société Google France, en ne désindexant pas ces URL de son moteur, engage manifestement sa responsabilité sur le fondement de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de l’article 226-18-1 du code pénal, de l’article 9 du code civil, de l’article 6 de la LCEN et des articles 1382 et 1383 du code civil,
– de condamner en conséquence la société Google France à supprimer, sous astreinte de 1000 € par jour de retard, 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, les adresses URL litigieuses de son moteur de recherche « Google.fr »,
– de condamner la société Google France à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens,
Vu l’intervention volontaire à l’instance de la société Google Incorporated (ci-après désignée « société Google lnc. ») à l’audience du 06 avril 2016,
Vu les conclusions en réplique déposées par le demandeur à cette audience, par lesquelles il réitère les mêmes demandes que celles formées dans son assignation, sauf :
– en ce qu’il porte à la somme de 5 000 € sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– en ce qu’il demande que toutes les condamnations à son bénéfice soient prononcées in solidum contre les sociétés Google France et Google Inc.,
Vu les conclusions en défense déposées à cette même audience par les sociétés Google France et Google Inc., par lesquelles celles-ci nous demandent :
– à titre liminaire, de dire que le trouble allégué n’est pas établi et que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve du référencement des adresses URL litigieuses par le moteur de recherche « Google.fr » à la suite d’une recherche effectuée sur ses noms et prénoms,
– à titre principal, de mettre hors de cause la société Google France, et recevant la société Google Inc. en son intervention volontaire, de dire que les demandes de Monsieur X. tendant à reconnaître leur responsabilité, sont mal fondées, ainsi que de condamner le demandeur aux dépens et à leur payer la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– en tout état de cause, de donner acte à Google Inc. qu’elle s’en remet à nous sur l’opportunité de retirer le(s) lien(s) litigieux de la liste des résultats du moteur de recherche « Google.fr » accessible à la suite d’une requête sur les nom et prénom du demandeur, de constater l’absence de tout trouble manifestement illicite, de dommage imminent et d’urgence et de dire n’y avoir lieu à référé,
Vu les observations des conseils des parties à cette même audience, à l’issue de laquelle il leur a été indiqué que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 13 mai 2016,
DISCUSSION
Monsieur X. a constaté qu’en entrant ses nom et prénom dans le moteur de recherche « google.fr », le premier résultat était le lien « https://x.com/(…) », renvoyant à une page web dont le contenu suit :
« Scandale Mr X. (…) impliqué dans une affaire sexuelle envers mineure »
(…)
Le 11 décembre 2015, Monsieur X. a déposé plainte auprès des services de police au titre de la diffusion de ces propos sur l’internet.
Le 13 décembre 2015, suite à la réclamation que le demandeur lui avait adressée, la société A., hébergeur du contenu litigieux, lui a répondu par e-mail qu’elle n’était pas en position pour se prononcer sur le caractère bien-fondé de sa demande et sur le caractère inexact, diffamatoire ou usurpateur de ce contenu.
Le 14 décembre 2015, le demandeur a signalé ce contenu au portail officiel de signalements de contenus illicites (« internetsignalement.gouv.fr »).
Le 30 décembre 2015, Monsieur X. a envoyé une plainte en ligne auprès de la CNIL.
Par lettre recommandée du 12 janvier 2016, le conseil du demandeur a mis en demeure la société Google France de déréférencer les liens vers le contenu litigieux.
Par e-mail du 14 janvier 2016 adressée au conseil de Monsieur X., « l’équipe Google », sous l’adresse expéditrice « removals@google.com », a accusé réception de la mise en demeure qui lui a été adressée et a invité son interlocuteur à former sa demande sous la forme d’un formulaire à transmettre par e-mail selon les instructions indiquées à la page « http://support.google.com/legal ». Le même jour, le conseil du demandeur a de nouveau expédié sous cette forme sa demande de déréférencement.
Par e-mail du 29 janvier 2016, sous l’adresse expéditrice « removals@google.com », « l’équipe Google » a refusé le déréférencement des liens poursuivis au motif que les pages spécifiées « contiennent des informations [ … ] concernant [ Monsieur X.] qui sont pertinentes et à jour », indiquant qu’elle estime, en conséquence, « que la référence à ce contenu dans [ses] résultats de recherche est justifiée par l’intérêt du grand public à y avoir accès. » Elle a invité le requérant à s’adresser au « webmaster qui contrôle le site en question » pour obtenir la suppression du contenu concerné ou l’empêcher d’apparaître dans les moteurs de recherche.
C’est dans ces conditions et après avoir épuisé ces voies que le requérant a saisi la juridiction de céans.
Sur l’intervention volontaire de la société Google Inc. :
L’intervention volontaire de la société Google Inc., qui n’est pas discutée, est recevable.
Sur la demande de déréférencement :
Au soutien de ses demandes, Monsieur X. fait notamment valoir que le référencement de l’adresse URL par laquelle il est directement renvoyé au contenu litigieux- savoir un article diffusé sur le site internet « https://x.com/ » dans lequel le demandeur, nommément désigné, est accusé d’avoir sexuellement agressé une enfant – est en infraction avec les dispositions de l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, en ce que les termes de ce référencement, qui associent la mention de sa profession avec les faits dont il est accusé, sans rapport avec celle-ci, sont inadéquats, non pertinents et excessifs au regard des
finalités que pourraient poursuivre le traitement de ces données ; que le contenu de la page à laquelle il est renvoyé est fautif au regard des mêmes dispositions ainsi que de celles des articles 7 et 32 de la même loi, pour avoir été diffusé sans son autorisation préalable et en tout cas sans qu’il ait été préalablement informé de sa diffusion ; que le contenu litigieux viole aussi les dispositions de l’article 6.III de la loi dite « LCEN » du 21 juin 2004 pour ne mentionner ni l’auteur de ce contenu, ni l’hébergeur du site au sens du I.2 de ce même article ; que la société hébergeant le blog a elle-même violé les dispositions de l’article 6.II en refusant de lui révéler l’identité de l’auteur de ce contenu en dépit de la réquisition qui lui avait été faite à cette fin par l’autorité judiciaire selon ordonnance prononcée le 10 mars 2015 par le président du tribunal de grande instance de Montpellier, ce qui est constitutif du délit pénal institué par le IV.1 du même article ; qu’en refusant de supprimer le référencement litigieux, les sociétés Google France et Google Inc. ont engagé à son égard leur responsabilité délictuelle, y compris la société Google France, en particulier parce que celle-ci apparaît auprès des internautes comme mandataire en France de la société Google Inc., parce qu’elle exploite directement le moteur de recherche « google.fr », support de ses activités commerciales, et parce qu’elle participe elle-même au traitement des données.
Les sociétés Google France et Google Inc. répondent en substance, dans leurs conclusions écrites et dans par les observations orales de leur conseil à l’audience, que la société Google France doit être mise hors de cause, faisant observer :
– en premier lieu, qu’il ne peut résulter du nom d’accès à l’extension française (« Google France ») du moteur de recherche « Google », exploité par Google Inc., aucune confusion entre l’activité d’exploitation de ce moteur de recherche, exercée par Google Inc., et l’activité de Google France, cantonnée à la mission de conseil et de marketing qu’elle exerce dans le cadre d’une convention conclue avec la société Google Ireland Ltd, régie publicitaire de Google Inc. ;
– en deuxième lieu, que la société Google France n’exerce aucune activité de traitement des données au sens de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 ;
– en dernier lieu, que si la Cour de justice de l’Union européenne a, dans son arrêt Costeja du 13 mai 2014 (Aff. C-131-12, Costeja), invoqué en demande, jugé que l’exercice, par la personne qui en est responsable, de l’activité de traitement de données dans le cadre de son établissement sur le territoire d’un Etat-membre tel une de ses filiales- justifie l’application de la loi de cet État en matière de protection des données personnelles, la Cour n’a cependant pas jugé que cette filiale doit elle-même répondre du traitement des données litigieux, la notion d’établissement dans un Etat-membre déterminant seulement la loi applicable, mais pas la personne responsable du traitement fautif des données personnelles.
Sur le fond, la société Google Inc. s’en remet à la décision à intervenir quant à l’appréciation de la demande de déréférencement, faisant observer :
– que le demandeur ne fait pas la preuve de l’accès au contenu litigieux sous l’adresse URL
« https://x.com/ », ni même du référencement de cette adresse sous les résultats générés en entrant ses nom et prénom dans le moteur de recherche « Google » ;
– qu’elle ne dispose elle-même d’aucun moyen pour apprécier le caractère inexact du contenu dont le déréférencement est demandé, en tout cas qu’elle n’en disposait pas à la date à laquelle la demande en été faite pour la première fois par le demandeur, de sorte que le caractère illicite du référencement querellé n’était pas manifeste pour elle et qu’elle ne pouvait y faire droit sans risquer au contraire, d’une part, de manquer à son obligation de concourir à la lutte contre la pornographie enfantine et, d’autre part, de heurter le droit de l’auteur du contenu litigieux, qui a potentiellement agi comme un lanceur d’alerte, à informer légitimement le public sur un sujet sensible.
Sur la demande de déréférencement à l’encontre de la société Google France :
Monsieur X. demande que la société Google France soit condamnée, in solidum avec la société Google Inc., à supprimer le référencement des liens litigieux.
Cependant, conformément à l’article 3 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978, le responsable d’un traitement de données à caractère personnel est, sauf désignation expresse par les dispositions législatives relatives à ce traitement, la personne, l’autorité publique, le service ou l’organisme qui détermine ses finalités et ses moyens.
En l’espèce, il ressort des éléments du débat et il n’est pas discuté par la société Google Inc. que le moteur de recherche « Google » est exploité par cette dernière, qui répond en conséquence du traitement des données personnelles effectué par ce moteur de recherche.
Si la société Google France peut être qualifiée d’établissement au sens de l’article 5-1 de la loi précitée, en raison du fait que les activités relatives aux espaces publicitaires sont indissociablement liées à celles de l’exploitant du moteur de recherche, ce qui justifie l’application de la loi française aux traitements des données à caractère personnel réalisées par Google Inc., il n’en demeure pas moins que la société Google France n’exploite pas directement ou indirectement ce moteur de recherche, dont seule la société Google Inc. détient les droits et les moyens techniques nécessaires à sa mise en oeuvre et à son exploitation, de sorte qu’au sens de l’article 3 de la loi, Google France n’a pas la qualité de responsable du traitement des données.
En outre, il n’est ni soutenu ni démontré que Google France est le représentant en France de la société Google Inc. Bien au contraire, le « contrat de marketing et de prestations de services France », qui détermine ses rapports avec la société Google Inc., exclut expressément que la société Google France ait le pouvoir d’engager cette dernière, de contracter pour le compte de celle-ci ou d’agir en tant que mandataire, et lui impose d’informer ses clients de toutes les restrictions de compétence pesant sur elle.
Enfin, la circonstance que la page d’accueil du moteur de recherche « Google » porte la mention « Google France », n’a pas d’autre objet que de signaler à l’utilisateur qu’il se trouve sur l’extension du moteur de recherche destinée au territoire français, et ne vise pas à créer l’apparence de l’exploitation de cette extension par la société Google France, étant d’ailleurs relevé, comme l’indiquent les sociétés défenderesse et intervenante, que la coïncidence entre le nom de la société Google France et le nom de l’extension française de « Google search » résulte de la seule similitude du mot « France » en Anglais et en Français, la situation étant différente en Allemagne, où l’extension du moteur de recherche dédiée à ce pays, accessible depuis l’adresse « www.google.de », est appelée « Google Deutschland », tandis que la seule société du groupe Google immatriculée dans ce pays est la Google Germany GmbH.
Dans ces conditions, la société Google France ne peut être retenue comme responsable du traitement de données à caractère personnel par le moteur de recherche « Google search », de sorte qu’il sera dit n’y avoir lieu à référé en ce qui la concerne.
Sur la demande de déréférencement à l’encontre de la société Google Inc. :
Aux termes de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et selon les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications et toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.
Conformément aux dispositions de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.
S’agissant du droit d’accès et de rectification, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, toute personne physique peut exiger du responsable du traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite.
L’article 6 de la même loi énonce qu’un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions de ce texte, notamment si :
(3 °) Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ;
(4°) Elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour ; les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées.
L’article 7 de ce texte dispose qu’un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions prévues par ce texte et notamment (5°) la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.
S’agissant du droit d’opposition, conformément aux dispositions de l’article 3 8 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, toute personne physique a le droit de s’opposer pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fasse l’objet d’un traitement.
Ces dispositions assurent la transposition de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui vise à garantir un niveau élevé de protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel, spécialement de ses articles 6 et 7, 12 et 14.
Elles doivent s’interpréter au regard de ce texte et compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle, s’agissant du droit d’accès et de rectification visé à l’article 40 de la loi, le traitement de données exactes ne doit pas devenir, avec le temps, incompatible avec la directive précitée.
Tel est le cas lorsque ces données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées, spécialement lorsqu’elles apparaissent inadéquates, qu’elles ne sont pas ou plus pertinentes ou sont excessives au regard de ces finalités et du temps qui s’est écoulé, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 14 mai 2014- affaire C-131/12 Google Spain SL, Google Inc / AEPD, Costeja Gonzalez- (cf considérant 9).
S’agissant du droit d’opposition visé à l’article 38 de la loi, ainsi que l’arrêt susvisé l’a précisé, chaque traitement des données à caractère personnel doit être légitimé pour toute la durée pendant laquelle il est effectué (cf Considérant 95).
Il convient, en tout état de cause, de concilier les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel avec les droits fondamentaux à la liberté d’expression et d’information énoncés dans les mêmes termes à l’article 10 de la Convention précitée, et à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne selon lesquels toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières, rappelés à l’article 9 de la directive précitée et de rechercher le juste équilibre entre l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à une information et les droits de la personne concernée (cf Considérant 81 de l’arrêt du 14 mai 2014 précité).
En l’espèce, en ce qui concerne tout d’abord la demande formée au titre du lien URL « https://x.com/ », il n’est pas établi par le demandeur que ce lien apparaisse dans la liste des résultats générés en entrant ses prénom et nom dans le moteur de recherche « Google ». Cela ne ressort ni des copies d’écran qu’il produit aux débats, ni du constat d’huissier qu’il a fait réaliser le 22 mars 2016, de sorte qu’il sera dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne ce lien.
En ce qui concerne en revanche le second lien dont le référencement est établi par les éléments du débat et n’est pas contesté par la société Google Inc., il doit tout d’abord être tenu compte du caractère gravement attentatoire à la réputation du requérant, à la fois du contenu de la page web à laquelle renvoient ce référencement et des données contenues dans le lien lui-même, qui reprend en quasi totalité le titre du contenu litigieux et qui associe aux nom et prénom du requérant, à la mention de son métier, de son employeur et de son adresse professionnelle, les termes éminemment péjoratifs de « scandale » et de « « affaire sexuelle » envers une m », le terme « mineure » étant lui-même ainsi suggéré.
Il doit être relevé, en deuxième lieu, que le contenu litigieux, qui dénonce la prétendue attirance sexuelle du requérant pour les mineurs et accuse ce dernier d’avoir commis des infractions sexuelles sur internet au préjudice de mineurs, procède par affirmations écrites dans un style approximatif et met en rapport la situation professionnelle précise de Monsieur X. avec le scandale sexuel dénoncé, sans que l’évocation de sa situation professionnelle, dépourvue de lien avec le « scandale » dénoncé, apparaisse motivée par une autre intention que celle de satisfaire une vindicte personnelle contre lui.
En troisième lieu, il n’est nullement contesté que le demandeur dont le bulletin n° 3 du casier judiciaire, versé aux débats, ne porte aucune condamnation- n’a jamais été condamné pour un des faits dénoncés dans le contenu litigieux, ni pour des faits similaires ou de même nature.
Dans ces conditions, la société Google Inc. ne peut valablement soutenir que l’auteur du contenu litigieux est susceptible d’avoir agi comme un « lanceur d’alerte » et que l’information querellée, dont la véracité n’est pas démontrée, a été véhiculée dans l’intention légitime d’alerter le public, alors qu’il ressort des termes mêmes de ce contenu et du rapprochement hasardeux qui y est fait entre les infractions sexuelles supposées et la profession du requérant, sans lien avec les mineurs, que la page web à laquelle il est renvoyé a, à l’évidence, été écrite dans un esprit de vindicte et dans l’intention de nuire personnellement à Monsieur X., en mettant en cause son emploi, alors même que cet emploi est sans aucun rapport avec les faits dénoncés.
Dans ces conditions, le demandeur démontre que le référencement de ce lien, en première page des résultats générés en entrant ses nom et prénom dans le moteur de recherche « Google », a directement porté atteinte au droit à la protection de ses données personnelles, sans que cette atteinte soit légitimée par le droit à l’information légitime du public.
Eu égard au trouble manifestement illicite qui a ainsi résulté pour lui du référencement litigieux, il y aura lieu d’ordonner à la société Google Inc. de supprimer celui-ci de la liste des résultats générés par son moteur de recherche en y entrant les noms et prénom de Monsieur X.
Il n’y aura pas lieu en revanche d’assortir cette mesure d’une astreinte, et le demandeur sera débouté de sa demande en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
Les circonstances de l’espèce commandent, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner la société Google Inc. à payer au demandeur la somme de 2 500 euros. Monsieur X. sera en revanche débouté de la demande qu’il forme à ce titre contre la société Google France et cette société, ainsi que la société Google Inc., seront elles aussi déboutées de leur demande formée contre le requérant sur ce même fondement.
La société Google Inc. sera condamnée aux entiers dépens.
DECISION
Statuant publiquement, en premier ressort et par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe au jour du délibéré,
Disons que la société Google Incorporated est recevable en son intervention volontaire ;
Disons n’y avoir lieu à référé à l’égard de la société Google France S.a.r.l ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de déréférencement formée par Monsieur X. en ce qui concerne le lien vers l’adresse « https://x.com/ » ;
Faisons injonction à la société Google Incorporated de déréférencer ou supprimer le lien vers le site accessible à l’adresse « https://x.com/(…) » à la suite de la recherche effectuée dans le moteur de recherche « Google » à partir des mots « M. » et « X. » (ou « M. » et « X. ») ;
Déboutons Monsieur X. de sa demande d’astreinte ;
Condamnons la société Google Incorporated à payer à Monsieur X. la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons Monsieur X. de sa demande formée sur ce même fondement contre la société Google France S.a.r.l ;
Déboutons les sociétés Google France S.a.r.l. et Google Incorporated des demandes qu’elles forment sur ce même fondement contre Monsieur X. ;
Condamnons la société Google Incorporated aux dépens.
Le Tribunal : Marc Pinturault (juge), Brigitte Faillot (greffier)
Avocats : Me Arnaud Dimeglio, Me Sébastien Proust
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