Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande Instance de Paris, 3ème ch. – 3ème sec., jugement du 26 février 2016
Sapia / Humanis Prévoyance, APGIS
adresse email - durée limitée - licence d’exploitation - marque - nom de domaine
DÉBATS
A l’audience du 12 Janvier 2016
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
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La société Sapia S.a.r.l., constituée le 29 novembre 1994, exerce une activité d’auxiliaire d’assurances et en particulier des opérations de courtage d’assurances et de réassurances, prévoyance et ce, à destination de clientèle essentiellement de salariés d’entreprises.
Elle est titulaire depuis le 28 mars 2001 du nom de domaine www.sapia.fr qu’elle exploite, ainsi que des marques suivantes :
– la marque verbale française Sapia Gestion, enregistrée le 3 avril 2007 sous le n° 349 2941 dans les classes 36 et 38 pour l’avoir acquise auprès d’Apri Prévoyance,
– la marque verbale française Sapia enregistrée le 4 septembre 2007 sous le n° 073522409 pour désigner les services des classes 35 et 36, (et précédemment une marque verbale française Sa pia, enregistrée sous le n°94551214 par l’ancienne gérante de la société Sapia le 26 décembre 1994 pour désigner les services des classes 35 et 36, mais non renouvelée).
Humanis Prévoyance, qui vient aux droits d’Apri Prévoyance, institut de prévoyance régi par le code de la sécurité sociale, est le premier acteur en santé collective en France et gère avec l’Association de
Prévoyance Générale Interprofessionnelle des Salariés (ci-après Apgis ), également institut de prévoyance régi par le code de la sécurité sociale, le service de mutuelle des salariés de Sanofi-Aventis depuis l’année 2007 (représentant 27.500 salariés en France).
Humanis Prévoyance est l’éditrice du site Internet accessible à l’adresse URL www.dynalis.fr, dont le nom de domaine « dynalis.fr » appartient à la société Sanofi-Aventis, qui sert de support au service de mutuelle d’Humanis Prévoyance.
L’Apgis édite le site Internet accessible à l’adresse URL www.apgis.com
Un précédent différend a opposé la société Sapia à Apri Prévoyance relativement à l’utilisation par cette dernière du signe Sapia et des noms de domaine « sapiagestion.com », « sapiagestion.fr » et « sapiagestion.eu ».
Un protocole d’accord a été régularisé entre elles en avril 2008, avec notamment la conclusion d’une licence d’exploitation de la marque Sapia et des noms de domaine précités au bénéfice d’Apri Prévoyance, moyennant une redevance forfaitaire de 17.500 euros HT, soit 20.930 euros TTC, pour une durée déterminée avec un terme au 31 décembre 2012, sans possibilité de renouvellement, Apri Prévoyance renonçant par avance à le solliciter (article 5).
Postérieurement à l’échéance du contrat précité, la société Sapia indique avoir constaté la poursuite de l’exploitation par Apri Prévoyance qu’elle pensait être devenue l’Apgis, du signe distinctif Sapia et en particulier des noms de domaine concédés en licence, avoir mis celle-ci en demeure le 22 janvier 2013 de cesser toute utilisation et avoir fait parallèlement dresser un procès-verbal de constat par l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) le 25 janvier 2013.
Le 29 janvier 2013, la société Sapia a été informée par le conseil d’Humanis Prévoyance, qu’Apri Prévoyance était devenue Humanis Prévoyance.
Un nouveau protocole transactionnel a été conclu à effet jusqu’au 31 décembre 2013, entre la société Sapia et Humanis Prévoyance, autorisant :
-une utilisation du signe Sapia uniquement adjoint au terme « Gestion » (article 1er de l’avenant),
-une interdiction de transfert des droits et obligations du contrat de licence, y compris à son groupe (article 3),
-l’indication de mentions légales sur les sites Internet exploités depuis les noms de domaine « sapiagestion » (article 4),
-une obligation d’information par Humanis Prévoyance du signe distinctif en substitution de Sapia Gestion trois mois avant le terme du contrat, ainsi que la mise en place d’une redirection dans ce délai du renvoi des noms de domaine « sapiagestion » vers les nouveaux noms de domaine qui seraient adoptés (article 5),
-l’engagement irrévocable aux termes du contrat, de cessation de toute utilisation du signe distinctif Sapia Gestion (article 5),
-le paiement d’une redevance forfaitaire et définitive de 235.000 euros HT, soit 280.060 euros TTC, pour la durée de la licence.
Ce protocole prévoit en outre la faculté de résiliation dans un délai de trois jours ou de huit jours suivant le motif en cas de :
-non-suppression du terme Sapia pris isolément dans les métatags du site Internet sapiagestion.com,
-absence de mentions légales conformément aux termes de l’article 4,
-inexécution des obligations d’information et de redirection trois mois avant le terme du contrat (article 7).
Constatant la persistance des utilisations malgré la venue à échéance de cet accord, la société Sapia autorisée par ordonnances du 19 mars 2014, a fait procéder suivant procès-verbaux des 26 mars 2014 à une saisie-contrefaçon aux sièges de la société Humanis et de l’Apgis puis a fait assigner ces défenderesses, par actes du 24 avril20 14,devant ce tribunal de grande instance, en responsabilité contractuelle et contrefaçon de marques, faisant valoir ultérieurement des actes de concurrence déloyale.
Dans le dernier état de ses prétentions formées suivant conclusions signifiées par voie électronique le 15 décembre 2014, la société Sapia sollicite du tribunal de :
Vu les articles L713-2, L713-3, L716-7, L716-14 et R716-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article 1147 du code civil,
Vu les articles 13 82 et 13 83 du code civil,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Vu le contrat de licence de la marque Sapia Gestion n°349 2941 et de noms de domaine conclu les 14 et 21 avril 2008 et son avenant conclu les 4 et 5 mars 2014,
Vu les procès-verbaux de constatsn°14-0009 et 14-0067 des 15 janvier, 5 et 7 mars 2014 de l’Agence pour la Protection des Programmes,
Vu les ordonnances sur requêtes rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris du 19 mars 2014,
Vu le procès-verbal de constat établi en date du 26 mars 2014 par Maître Eric Albou,
Vu le procès-verbal de constat établi en date du 26 mars 2014 par Maître Xavier DiPeri,
-Déclarer la société Sapia S.a.r.l. recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Y faisant droit,
A titre principal
-dire et juger que Humanis Prévoyance et Apgis ont commis des actes de contrefaçon de la marque Sapia Gestion n°349 2941,
-dire et juger qu’Apgis ne saurait bénéficier de l’exception de référence nécessaire de l’article L. 713-6 b/ du code de la propriété intellectuelle,
-dire et juger que Humanis Prévoyance a commis une faute contractuelle dans l’exécution du contrat de licence de la marque Sapia Gestion et des noms de domaine conclu les 14 et 21 avril 2008 et son avenant conclu les 4 et 5 mars 2014,
-dire et juger que la société Sapia n’a commis aucune faute contractuelle en produisant les protocoles transactionnels du 1er avril 2008 et du 5 mars 2013 dans le cadre de la présente instance,
-constater qu’aucun préjudice ne résulte de la communication des protocoles transactionnels du 1er avril 2008 et du 5 mars 2013 dans le cadre de la présente instance,
-dire et juger que la société Sapia n’a pas manqué à son obligation de redirection des interlocuteurs de Sapia Gestion visée dans les contrats de licence des 21 avril2008 et 5 mars 2013,
En conséquence,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme, de 235.000 euros HT, soit 281.060 euros TTC à titre de réparation des actes de contrefaçon de la marque Sapia Gestionn°349 2941 commis par Apgis sur l’année 2013,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 77.259,60 euros HT soit 92.711,52 euros TTC en réparation de la persistance de l’exploitation par Apgis de la marque Sapia Gestion n°349 2941 sur la période à partir de janvier à avril2014,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 120.259,60 euros HT, soit 152.711,52 euros TTC en réparation de la persistance de l’exploitation par Humanis Prévoyance de la marque Sapia Gestion n°349 2941 sur la période à partir de janvier à avril 2014,
A titre subsidiaire
-dire et juger que par leurs agissements, Humanis Prévoyance et/ou Apgis ont commis des actes de concurrence déloyale ou à tout le moins des agissements parasitaires ou à tout le moins agi fautivement et/ou par négligence, engageant leur responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 du code civil,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 439.519,2 euros HT soit 522~ euros TTC en réparation de ces agissements,
A titre infiniment subsidiaire
Si par extraordinaire, les agissements d’Humanis Prévoyance et/ou d’Apgis ne devaient pas recevoir la qualification d’actes de contrefaçon de marque :
-dire et juger que ces derniers relèvent de violations contractuelles, engageant la responsabilité civile d’Humanis Prévoyance et/ou d’Apgis sur le fondement de l’article 1147 du code civil,
Alternativement si par extraordinaire les actes qualifiés de manquements contractuels devaient finalement relever de la qualification d’actes de contrefaçon :
-dire et juger que ces derniers constituent des actes de contrefaçon de la marque Sapia Gestion n°349 2941,
Dans les deux cas :
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 439.519,2 euros HT, soit 522.483,04 euros TTC en réparation de ces agissements,
A titre très infiniment subsidiaire
Si par extraordinaire, les actes qualifiés par la société Sapia comme des fautes contractuelles venaient finalement à être caractérisés par le Tribunal de céans comme des fautes délictuelles :
-dire et juger que ces agissements relèvent de la responsabilité civile d’Humanis Prévoyance et/ ou d’Apgis sur le fondement de l’article 1382 du code civil,
Alternativement si par extraordinaire les actes qualifiés par la société Sapia comme des fautes délictuelles venaient finalement à être caractérisées par le tribunal de céans comme des fautes contractuelles :
-dire et juger que ces derniers relèvent de violations contractuelles, engageant la responsabilité civile d’Humanis Prévoyance et/ou d’Apgis sur le fondement de l’article 1147 du code civil,
Dans les deux cas :
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 439.519,2 euros HT, soit 522.483,04 euros TTC en réparation de ces agissements,
En tout état de cause
-débouter Humanis Prévoyance et Apgis de l’ensemble de leurs fins, demandes et prétentions,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 20.000 euros pour résistance abusive,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme à parfaire de 50.000 euros en réparation des violations contractuelles commises par Humanis
Prévoyance au détriment de la société Sapia S.a.r.l.,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral,
-interdire à Humanis Prévoyance et Apgis de reproduire, représenter, exploiter, mettre à disposition, la marque Sapia Gestion n°349 2941 de la société Sapia S.a.r.l., sous astreinte in solidum de 1.500 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
-ordonner à Humanis Prévoyance et Apgis de faire supprimer toutes références aux -termes « Sapia » et/ou « Sapia Gestion » associés à Humanis Prévoyance et Apgis, sur quelque support que ce soit et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenie sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée,
-ordonner à Humanis Prévoyance et Apgis de prendre toutes mesures auprès de la société Google Inc. aux fins de déréférencer parmi les résultats affichés dans le moteur de recherche Google accessible à l’adresse URL www.google.fr, les sites Internet édités par Humanis Prévoyance et/ou Apgis, en particulier www.dynalis.fr, indexés sur la requête de recherche «Sapia» et/ou «Sapia Gestion» et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte in solidum de 1.500 euros par infraction constatée,
-enjoindre en tant que de besoin à la société Google Inc. de déréférencer parmi les résultats affichés dans le moteur de recherche Google accessible à l’adresse URL www.google.fr les sites Internet édités par Humanis Prévoyance et/ou Apgis, en particulier www.dynalis.fr , indexés sur la requête de recherche «Sapia» et/ou «Sapia Gestion»,
-autoriser en tant que l;>esoin la société Sapia à notifier à tout tiers la copie du jugement à intervenir en vue de faire supprimer par la société Sapia, aux frais avancés d’Humanis Prévoyance et Apgis, la référence sur tout support de tiers aux termes «Sapia» et/ou «Sapia Gestion» en relation avec Humanis Prévoyance et/ou Apgis,
-ordonner à Humanis Prévoyance et Apgis d’informer chaque éditeur de site Internet faisant référence au service de mutuelle Humanis Prévoyance et Apgis, anciennement dénommé Sapia Gestion, indexé sur le moteur de recherche Google (accessible à l’adresse URL www.google.fr) suivant la saisie de la requête « Sapia » et/ou « Sapia Gestion » de l’information du changement de nom du service et d’accès en ligne à celui-ci et d’inviter lesdits sites Internet à modifier en conséquence les informations qu’ils diffusent, et de justifier à la société Sapia des diligences entreprises, et ce dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.500 euros par absence de diligence par site Internet concerné,
-ordonner la destruction de tous documents (livres, papiers, prospectus, brochures, tarifs, carnets de commande, livres de commerce, bordereaux de livraison, factures, plans, dessins, schémas, documents techniques, publicitaires, commerciaux et toute correspondance, etc. y compris sur support électronique) d ‘Humanis Prévoyance et d’Apgis relatifs aux actes de reproduction, usage ou apposition, y compris par imitation, de la marque Sapia Gestion n°349 2941 sur tous supports, en particulier ceux identifiés lors des opérations de saisie-contrefaçon, sous contrôle d’huissier, et ce sous astreinte in solidum de 1.500 euros par jour de retard passé le délai de cinq jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
-ordonner à Humanis Prévoyance et Apgis de produire à la société Sapia S.a.r.l. la copie du procès-verbal d’huissier de destruction des documents précités et ce sous astreinte in solidum de 1.500 euros par jour de retard passé le délai de dix jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
-ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société Sapia aux frais exclusifs et avancés d’Humanis Prévoyance et Apgis, sans que le coût global de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT,
-ordonner la publication du jugement à intervenir sur le haut de la page d’accueil des sites Internet respectifs d’Humanis Prévoyance et Apgis, accessibles aux adresses URL suivantes www.humanis.com, www.dynalis.fr et www.apgis.com, dans une police Arial de taille 16 minimum et pour une durée de trois mois et ce sous astreinte in solidum de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
-autoriser la société Sapia à publier pendant une durée de trois mois, un encart sur le site Internet de la société Sapia, accessible à l’adresse URL suivante www.sapia.fr, dont le texte serait le suivant : « La société Sapia S.a.r.l. n’a aucun lien avec le service « Sapia Gestion » mis en œuvre par Humanis Prévoyance et Apgis. Humanis Prévoyance venant aux droits d’Apri Prévoyance détenait de la société Sapia S.a.r.l. une licence d’exploitation de la marque « Sapia» et des noms de domaine « sapiagestion.com », « sapiagestion.fr » et « sapiagestion.eu » qui a pris fin au 31 décembre 2013. Par jugement rendu en date du [à compléter], le tribunal de grande instance de Paris a condamné : [compléter par le dispositif du jugement à intervenir] »,
-ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et garantie,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis à verser à la société Sapia S.a.r.l. la somme de 3035.000 euros (en réalité 30.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis au paiement des frais de constats de Maître Eric Albou, de Maître Xavier DiPeri et de l’Agence pour la Protection des Programmes,
-condamner in solidum Humanis Prévoyance et Apgis aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Cyril Fabre (Selarl Ydès).
La société Sapia expose que :
-les opérations de saisie-contrefaçon ont établi que Apgis met en œuvre le service Sapia Gestion,
-l’action délictuelle formée contre Humanis est fondée sur l’emploi de ce terme, dans les métatags et/ou code source du site Internet www.dynalis.fr, en dehors de tout contrat de licence,
-Apgis n’a jamais été autorisée contractuellement à user du terme, l’action est délictuelle,
-il est également reproché à Humanis une exécution fautive du contrat,
-en application des dispositions de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal peut prendre des mesures à l’égard des intermédiaires comme google,
-l’Apgis qui n’est pas partie au contrat de licence, a utilisé sans autorisation la marque Sapia,
-l’exception de référence nécessaire ne peut être admise en l’espèce,
-Humanis Prévoyance a poursuivi l’exploitation du signe litigieux après l’expiration de la licence,
-Humanis Prévoyance n’a pas respecté ses obligations contractuelles essentielles (obligations d’information, cessation d’utilisation),
-Sapia n’a pas violé l’obligation de confidentialité et l’obligation de redirection des clients d’Humanis Prévoyance,
-subsidiairement, il appartiendra au tribunal de requalifier les faits en concurrence déloyale ou en délictuel,
-Sapia supporte un préjudice quotidien encore actuellement dont elle sollicite l’indemnisation à divers chefs,
-Sapia forme des demandes complémentaires.
Dans leurs dernières écritures signifiées par voie électronique le 04 décembre 2015, Humanis Prévoyance et l’APGIS demandent au tribunal de :
-dire et juger Humanis Prévoyance et l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle des Salariés recevables et bien fondées en leurs demandes, fins, moyens et prétentions et y faire droit en conséquence,
-dire et juger la société Sapia irrecevable en ses demandes additionnelles tendant à voir dire et juger que :
*Humanis Prévoyance et/ou Apgis ont commis des actes de concurrence déloyale, ou à tout le moins des agissements parasitaires, ou à tout le moins agi fautivement et/ou par négligence, engageant leur responsabilité civile sur le fondement de l’article 1382 du code civil,
*les faits qualifiés de contrefaçon de marque par Sapia relèvent de violations contractuelles, engageant la responsabilité civile d’Humanis Prévoyance et/ou d’Apgis sur le fondement de l’article 1147 du code civil et alternativement que les faits qualifiés de manquements contractuels constituent des actes de contrefaçon de marque,
*les actes qualifiés de fautes contractuelles par la société Sapia relèvent de la responsabilité civile engageant la responsabilité d’ Humanis Prévoyance et/ ou d’Apgis sur le fondement de l’article 1382 du code civil et alternativement que les actes qualifiés par la société Sapia de fautes délictuelles constituent des fautes contractuelles engageant la responsabilité d ‘Humanis Prévoyance et/ou d’ Apgis sur le fondement de l’article 1147 du code civil, faute de démontrer l’existence d’un lien suffisant avec les demandes initiales,
-dire et juger qu’en application du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, la société Sapia est irrecevable en ses demandes à l’encontre d’Humanis Prévoyance,
-dire et juger irrecevable la société Sapia dans sa demande d’injonction à l’encontre de la société Google Inc., non partie à la présente instance,
-dire et juger que l’Apgis n’a commis aucune faute concourant au prétendu préjudice qu’aurait causé Humanis Prévoyance du fait de prétendues violations contractuelles et en conséquence rejeter les demandes de la société Sapia tendant à la condamnation in solidum de l’Apgis,
-dire et juger que la société Sapia, qui a autorisé l’usage de la marque Sapia Gestion n°3 492 941 pour désigner le service « de protection sociale complémentaire auprès des salariés et ex salariés du groupe Sanofi-Aventis» jusqu’au 31 décembre 2013 et qui ne justifie d’aucune atteinte à sa marque à compter du 1er janvier 2014 est mal fondée à agir en contrefaçon de ladite marque et en conséquence, la débouter de ses demandes à ce titre,
-dire et juger qu’Humanis Prévoyance n’a commis aucune faute contractuelle dans l’exécution du contrat de licence de la marque Sapia Gestion n°3 492 941 conclu les 14 et 21 avril 2008 et son avenant conclu les 4 et 5 mars 2013,
-dire et juger, à titre subsidiaire, qu’Humanis Prévoyance et l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale ni de parasitisme au préjudice de la société Sapia,
-dire et juger que la société Sapia a violé les clauses de confidentialité attachées aux protocoles transactionnels des 1er avril 2008 et 5 mars 2013 et manqué à son obligation de redirection des interlocuteurs de Sapia Gestion visée dans les contrats de licence des 21 avril 2008 et 5 mars 2013, engageant sa responsabilité contractuelle ; en conséquence, condamner la société Sapia à verser à Humanis Prévoyance la somme de 10.000 euros, en réparation de ses fautes contractuelles,
-dire et juger que la société Sapia ne rapporte pas la preuve des préjudices qu’elle prétend avoir subi au titre de la contrefaçon alléguée de la marque Sapia Gestion n°3492941, des prétendues fautes contractuelles d’Humanis Prévoyance et de la prétendue résistance abusive d’Humanis Prévoyance et de l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle,
-dire et juger que la procédure engagée par la société Sapia est abusive et cause à Humanis Prévoyance et à l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle un préjudice indéniable, en conséquence, condamner la société Sapia à verser à Humanis Prévoyance et à l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle la somme de 10.000 euros chacune à titre de réparation du préjudice résultant de la procédure engagée abusivement par la société Sapia à leur encontre,
Dans tous les cas,
-débouter la société Sapia de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
-condamner la société Sapia à verser à Humanis Prévoyance et à l’Association de Prévoyance Générale Interprofessionnelle la somme de 50.000 euros (soit 25.000 euros à chacune) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil,
-condamner la société Sapia aux entiers dépens, en ce compris les frais d’exécution de la décision à intervenir, dont distraction au profit de Alain Bensoussan Selas.
Au soutien de leurs prétentions, les défenderesses développent l’argumentation suivante :
-les demandes additionnelles en concurrence déloyale sont irrecevables,
-l’action en responsabilité contractuelle ne présente pas de lien suffisant avec l’action en responsabilité délictuelle,
-les prétentions formées contre Humanis Prévoyance sur le double fondement contractuel et délictuel, sont irrecevables,
-la société Sapia ne peut former des demandes contre la société Google qui n’est pas partie à la procédure,
-l’Apgis n’a commis aucune faute qui a concouru au prétendu dommage occasionné par Humanis,
-sur la contrefaçon, la société Sapia n’est pas fondée à invoquer de quelconques actes de contrefaçon à l’encontre d’Humanis Prévoyance sur la période antérieure au 1 janvier 2014, dès lors que les manquements invoqués ne portent pas sur les conditions limitativement énumérées par l’article L 714-1 al.3 du code de la propriété intellectuelle,
-Sapia ayant autorisé l’usage de la marque Sapia Gestion pour désigner ce service, elle ne saurait reprocher de quelconques actes de contrefaçon à l’Apgis qui n’a jamais utilisé le terme « Sapia Gestion » pour désigner des services autres que ceux autorisés par le contrat de licence,
-la référence a été faite à titre nécessaire,
-il n’existe aucun acte de contrefaçon après le 1er janvier 2014, car l’emploi dans les codes sources est invisible et est le fait de la société Google,
-la faute contractuelle de Humanis n’est pas démontrée et aucune sous licence n’a été concédée,
-il n’y a pas de concurrence déloyale, les faits invoqués à ce titre sont identiques à ceux invoqués pour la contrefaçon,
-Sapia a commis des manquements contractuels en divulguant les accords confidentiels et en ne redirigeant pas les clients d’Humanis,
-la procédure de Sapia est abusive, les demandes indemnitaires ne sont pas fondées,
-les demandes complémentaires sont disproportionnées et abusives.
La procédure a été clôturée le 15 décembre 2015 et plaidée le 12 janvier 2016.
DISCUSSION
1-Sur les moyens d’irrecevabilité des demandes
*demandes additionnelles
En application des dispositions de l’article 70 alinéa 1 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Les défenderesses soutiennent que les prétentions formées ultérieurement par la société Sapia au titre de la concurrence déloyale ou celles évoquant un fondement délictuel, n’ont pas de lien suffisant avec celles formées initialement dans le cadre de l’assignation, lesquelles ont pour objet la constatation de la contrefaçon de marques et une inexécution contractuelle, exposant que les fondements de chacune d’entre elles sont distincts et que les nouvelles demandes n’ont pas vocation à se substituer aux premières, dans l’hypothèse de leur rejet.
La société Sapia expose quant à elle que les demandes critiquées sont formées à titre subsidiaire, qu’elles ne sont pas additionnelles et qu’elles ne sont pas soumises aux dispositions précitées.
La demande additionnelle est celle par laquelle une partie modifie ses prétentions (article 65 du code de procédure civile).
La demande subsidiaire, comme la demande principale, participe à déterminer les prétentions respectives des parties et l’objet du litige et ce sur quoi le juge est tenu de répondre (articles 4 et 5 du code de procédure civile).
En l’occurrence les demandes critiquées sont subsidiaires (proposées en cas de rejet de la demande principale) mais elles sont également additionnelles, puisqu’elles ont pour objet de modifier les prétentions initiales de la société Sapia.
Elle doivent, comme la demande additionnelle, présenter un lien suffisant avec les demandes principales. Or, quand bien même les fondements des actions en contrefaçon et en concurrence déloyale sont distincts, l’un sanctionnant une atteinte à des droits privatifs et l’autre, sanctionnant un comportement fautif, les prétentions additionnelles subsidiaires de la société Sapia présentent néanmoins un lien suffisant avec les prétentions originaires, en ce qu’elles traitent chacune des relations entre les parties au litige.
De même, les prétentions fondées sur la responsabilité contractuelle et celles subsidiaires (donc à défaut de l’autre) fondées sur la responsabilité délictuelle, ne sont pas de nature à porter atteinte au principe du non cumul des responsabilités.
Les moyens d’irrecevabilité doivent être écartés.
*sur les prétentions formées à l’encontre de la société Google
La société Sapia soutient que l’article 11 de la directive communautaire 2004/48 et les dispositions de l’article L716-6 du code de la propriété intellectuelle autorisent les injonctions formées à l’encontre des intermédiaires.
Toutefois, aucun de ces textes n’indique qu’il puisse être dérogé au principe du contradictoire, de sorte que les sociétés défenderesses sont fondées à contester la recevabilité d’une telle demande d’injonction formée à l’encontre de la société Google, non appelée à l’instance, en vertu du principe issu de l’article 14 du code de procédure civile selon lequel « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée », et alors que ni la loi, ni la nécessité ne commande d’ordonner une mesure à l’insu de cette partie (article 17 du même code).
Cette demande sera déclarée irrecevable.
2-sur la contrefaçon de marque
En application des dispositions de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdite la reproduction de la marque, sans modification ni ajout, ou l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.
L’article L713-3 du code de la propriété intellectuelle prohibe, s’il peut résulter un risque de confusion dans l’esprit du public,
a/ la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement
b/ l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
La société Sapia expose qu’elle est titulaire de la marque « Sapia Gestion » n°349294, qui a été initialement déposée par Apri Prévoyance, le 03 avril2007, qui l’a lui a cédée le 04 février 2009. Elle a concédé en licence, cette marque le même jour à Apri Prévoyance.
La marque vise des produits et services en classe 35 : gestion des affaires commerciales; administration commerciale; conseils en organisation et direction des affaires; et en classe 36 : assurances ; affaires financières; affaires monétaires; affaires immobilières : service de financement, analyse financière ; constitution ou investissement des capitaux; consultation en matière financière ; estimations financières (assurance, banque, immobilier) ; placement de fonds.
La société Sapia soutient que Apgis jusqu’au 31 décembre 2013, puis Apgis et Humanis Prévoyance, à compter du 1er janvier 2014 ont commis des actes de contrefaçon de la marque précitée.
Le saisi a déclaré dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mars 2014, réalisé dans les locaux d’ Apgis (pièce n° 29) que l’Apgis co-assure, selon les déclarations des salariés présents, avec la société Apri prévoyance devenue Humanis Prévoyance, le régime de protection sociale des salariés du groupe Sanofi, suivant contrat du 07 décembre 2007.
Il est indiqué, selon les mêmes déclarations, que l’Apgis gère le suivi commercial, met à disposition ses locaux et son personnel dans ce cadre ; que les plaquettes commerciales, les pochettes, les lettres chèques, les papiers à entête d’Apgis étaient au nom de « Sapia », au cours des années antérieures à 2014 (annexes n° 10 à 20); que l’adresse sapiagestion@apgis.fr a été modifiée le 28 février 2014, en dynalis@apgis.fr ; Il est mentionné que l’Apgis n’utilise plus le nom de Sapia depuis le 1er janvier 2014.
Le constat de l’APP (pièce n°19) du 15 janvier 2014 révèle quant à lui que le terme « sapia » est utilisé dans les codes sources du site internet www.dynalis.fr (page 25/51) et qu’est utilisé le terme sapiagestion@apgis.fr dans une notice d’information accessible sur le même site (page 39/51).
Le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mars 2014 effectué dans les locaux de Humanis Prévoyance (pièce n° 27) comporte en annexe les documents adressés par publipostage entre septembre 2013 et octobre 2013, aux salariés de Sanofi, pour les informer du changement de dénomination. L’huissier note également que les notices d’information prévoyance et d’information santé, mises à jour au 1er janvier 2014 et adressées aux clients concernés à compter de cette date, ne comportent aucune mention du terme « sapia ».
Aux termes du protocole transactionnel des 14 et 21 avril2008, à effet jusqu’au 31 décembre 2012, la société Sapia a consenti moyennant redevance à Apri Prévoyance, aux droits de laquelle est venue Humanis Prévoyance, une licence d’exploitation de la marque « Sapia gestion » et des noms de domaine sapiagestion avec les extensions .com, .eu, .fr. (pièce n°47) ;
Suivant acte sous-seing privé des 04 et 05 mars 2013, valant transaction, la société Sapia a prolongé jusqu’au 31 décembre 2013, contre rémunération, la licence d’exploitation des marques et des noms de domaine, au profit d’Humanis Prévoyance.
Les pièces précitées ne permettent pas d’imputer à Humanis Prévoyance, la commission d’actes de contrefaçon, postérieurement au 1er janvier 2014. En effet la mention, dans les codes sources du site
www.dynalis.fr que cette défenderesse exploite, ne constitue pas un usage du signe litigieux dans la vie des affaires, dès lors que celui-ci se trouve non visible pour l’internaute.
Par ailleurs, Humanis Prévoyance ne peut être tenue pour responsable du bon positionnement de son site www.dynalis.fr dans les résultats naturels de la requête sur le moteur de recherche Google, avec les mots clés « sapia » et « gestion », qui dépend de paramètres qu’elle ne maîtrise pas.
Par contre, il n’est pas contesté que l’Apgis a fait allègrement usage du signe « Sapia » dans le cadre de son activité, alors qu’elle n’était pas signataire du contrat de licence, pour désigner des produits et services identiques ou similaires à ceux exploités par la société Sapia, antérieurement au 31 décembre 2013, mais également postérieurement au 1er janvier 2014, notamment dans le libellé de l’adresse internet sapiagestion@agpis.fr qui n’a été modifié que le 28 février 2014.
L’Apgis soutient néanmoins qu’elle bénéficie nécessairement de l’autorisation qui a été donnée à Humanis Prévoyance, parce que la licence a été consentie exclusivement pour « la gestion et le suivi du service Sapia gestion, mis en place par le licencié dans le cadre de son activité de protection sociale complémentaire auprès exclusivement des salariés et ex-salariés du groupe Sanofi-adventis » et qu’elle participe à cette activité, puisqu’elle co-gère ou co-assure le régime complémentaire des salariés de Sanofi avec Humanis Prévoyance, au sein d’une plate-forme commune, où elle gère le suivi commercial, met à disposition ses locaux et son personnel et Humains met à disposition la plate-forme.
L’Apgis expose donc qu’elle n’a pas fait usage du signe Sapia Gestion, pour un service autre que celui désigné dans la licence.
Elle ajoute également que son adversaire ne peut soutenir sans mauvaise foi exclure l’Apgis, dont elle connaissait parfaitement l’existence et le rôle dans la gestion et la mise en oeuvre du service Sapia Gestion, pour lui avoir écrit par le biais de son conseil, avant la conclusion du contrat de licence.
En tout état de cause, l’usage de la marque Sapia Gestion n’est pas selon elle contrefaisant, car il est nécessaire pour identifier le service, objet de la licence.
Toutefois, la licence est concédée à Humanis Prévoyance (anciennement Apri Prévoyance) exclusivement qui est la seule signataire des protocoles et transaction conclus »pour le service Sapia gestion, mis en place par le licencié », laquelle s’interdit en outre contractuellement de « céder tout ou partie des droits et obligations du présent contrat à tout tiers y compris de son groupe » et « étendre le champ d’application de la présente licence par exemple en développant d’autres services tels que ceux visés au présent article ».
L’Apgis n’a jamais été bénéficiaire de la licence, car elle ne l’a jamais conclue et elle ne peut ni en bénéficier par capillarité, sous prétexte qu’elle co-gère avec le licencié, le service pour lequel la concession est intervenue, ni soutenir que la demanderesse avait une parfaite connaissance de la situation. En effet, non seulement cette dernière affirmation n’est pas étayée, alors qu’aucune des défenderesses n’a jamais mentionné la situation de cogérance ou de co-assurance, mais en outre, il appartenait à l’Apgis, qui constitue une personne juridique distincte, de se manifester pour obtenir tout comme Humanis Prévoyance, le transfert des droits qu’elle revendique.
De plus, l’usage dans son activité et son adresse mail par l’Apgis, du terme concédé est intervenu contrairement aux termes de la licence consentie à Humanis Prévoyance, dès lors que l’autorisation porte sur les termes adjoints « sapia gestion » (et non pas seulement « sapia » tel qu’utilisé).
Ainsi, l’Apgis ne peut raisonnablement soutenir que l’utilisation qu’elle fait du signe est conforme à la licence et au domaine de celle-ci, à savoir par le biais d’une plate-forme commune, dont les moyens sont précisément définis, mais au rang desquels elle ne figure pas. (article 1-1)
L’Apgis ne peut pas plus exposer que le contrat de licence vaut consentement du titulaire, dont les droits seraient dès lors épuisés, en soutenant que le titulaire de la marque concédée ne peut agir que dans les cas exhaustivement énumérés par l’article 8 § 2 Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 (violation du contrat de licence relativement à la durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié), alors qu’en l’occurrence, ces dispositions ne régissent que les relations du concédant et de son licencié et sont inapplicables à l’action comme en l’espèce, du titulaire contre un tiers au contrat de licence, qu’est l’Apgis.
Enfin, l’utilisation du signe par l’Apgis n’a pas pour seul but que d’indiquer la destination des produits et services et ne constitue pas le seul moyen pour communiquer cette information au public. Elle est également de nature à créer un risque de confusion.
Elle n’est donc pas nécessaire et ne permet pas au défendeur de se prévaloir de l’exception édictée par l’article L 713-6 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle.
Compte tenu de la similitude des produits et services visés et du risque de confusion pour le consommateur, la contrefaçon par imitation de la marque Sapia Gestion, par l’Apgis, par l’emploi du terme « Sapia », qui constitue l’élément distinctif et dominant du signe protégé (le terme « gestion » étant quasi descriptif) sur l’ensemble des courriers et sur l’adresse de son site internet (sapiagestion@apgis.fr) avant et postérieurement au 31 décembre 2013, est caractérisée.
3- Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon
En application des dispositions de l’article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle, en sa version issue de la loi du 29 octobre 2007 applicable à la cause, la juridiction prend en considération, pour fixer les dommages et intérêts, les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts, une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
La société Sapia sollicite la condamnation in solidum des défenderesses à lui payer :
-en réparation des actes de contrefaçon de marque commis par l’Apgis, la somme de 235.000 euros HT en 2013 et celle de 77.259,60 euros HT à partir du 1er janvier 2014,
-en réparation de la persistance de l’exploitation de la marque par Humanis, à compter du 1er janvier 2014, la somme de 120.259,60 euros HT.
La dernière prétention doit être rejetée dès lors qu’il n’a pas été retenu à l’encontre de Humanis Prévoyance, la commission d’actes de contrefaçon postérieurement au 1er janvier 2014.
En ce qui concerne l’indemnisation des agissements d’Apgis, la demanderesse se base sur les redevances qu’elle aurait dû percevoir, si elle avait consenti à une telle utilisation de son titre, en se référant à celle qu’elle a pu obtenir de Humanis pour l’exercice 2013.
Toutefois, cette dernière redevance, qui a été fixée dans un contexte très particulier et pour une durée très limitée, ne peut être considérée pour déterminer le seuil d’indemnisation de la société Sapia, alors que précédemment, la société Sapia avait admis une concession pour une somme quelque peu inférieure à 21.000 euros TTC, pour la période 2008-2012 soit 4 exercices.
Ainsi eu égard aux circonstances particulières de fait, le préjudice de Sapia résultant de l’usage non consenti par Apgis doit être indemnisé par l’octroi de la somme de 20.000 euros pour les faits antérieurs au 31 décembre 2013 et à celle de 10.000 euros, pour les faits postérieurs au 1er janvier 2014, soit au total, la somme de 30.000 euros.
L’Apgis a seule commis les actes de contrefaçon, tandis que tels agissements n’ont pas été reconnus imputables à Humanis, de sorte que rien ne justifie la condamnation in solidum des deux défenderesses. L’Apgis sera seule condamnée au paiement de cette somme.
Compte tenu du litige et de ses précédents, il sera fait droit à la demande d’interdiction faite aux défenderesses d’utiliser le signe distinctif de la demanderesse et celle tendant à obtenir la suppression de quelconque support que ce soit des termes « Sapia » et « Sapia Gestion ».
Par contre, les autres mesures sollicitées (copie du jugement aux tiers, information des éditeurs de sites internet, destruction de documents et justification, publicité du jugement dans des journaux et sur la page d’accueil des sites internet des défenderesses, publication sur le site de Sapia) n’apparaissent pas justifiées, ni proportionnées et seront donc écartées.
4- sur la demande subsidiaire en concurrence déloyale
La demande principale en contrefaçon formée à l’encontre de Humanis n’ayant pas été retenue, il convient d’envisager les prétentions subsidiaires fondées à son encontre, sur l’article 13 82 du code civil.
Ainsi qu’il a été dit précédemment, le constat de l’APP (pièce n°19) du 15 janvier 2014 révèle que le terme « sapia » est utilisé dans les codes sources du site internet www.dynalis.fr (page 25/51) et qu’est utilisé le terme sapiagestion@apgis.fr dans une notice d’information accessible sur le même site (page 39/51).
Si Humanis Prévoyance ne peut pas plus être tenue pour responsable sur le fondement de l’article 1382 du code civil, du bon positionnement de son site www.dynalis.fr dans les résultats naturels de la requête sur le moteur de recherche Google, avec les mots clés « sapia » et « gestion », qui dépend de paramètres qu’elle ne maîtrise pas, par contre, l’utilisation du terme « sapia » dans les codes sources du site www.dynalis.fr est une démarche volontaire et délibérée, qui permet à celui qui en use de bénéficier de la notoriété de celui dont elle utilise l’identification et caractérise un comportement fautif qui justifie la condamnation de l’auteur au paiement de la somme de 10.000 euros.
5-sur les manquements contractuels de Humanis Prévoyance
La société demanderesse reproche également les manquements de Humanis Prévoyance dans l’exécution du contrat de licence et notamment l’obligation à charge du licencié d’une part, trois mois avant le terme du contrat, d’informer ses clients du nouveau signe distinctif adopté et de re-diriger les noms de domaine et d’autre part, à l’expiration du terme de la licence, d’en justifier à première demande. Humanis Prévoyance conteste les manquements contractuels et le préjudice qui en serait résulté.
En vertu de l’avenant au contrat de licence, les parties ont convenu de modalités, déclarées comme essentielles et dont la violation est une possible cause de résiliation anticipée, propres à éviter à l’expiration du contrat, tout risque de confusion des clients et tout dérangement que subirait la demanderesse (article 5 et article 7 de l’avenant-annexe 2- pièce n°16 Sapia).
Humanis Prévoyance s’engage ainsi trois mois avant le terme du contrat, à prendre les mesures pour rediriger les noms de domaine en renvoyant vers un nouveau site et à informer Sapia du nouveau signe adopté.
Contrairement à ce que soutient Sapia, Humanis Prévoyance n’avait effectivement aucune obligation contractuelle d’informer ses partenaires et ses adhérents (ce qu’elle a pourtant fait et ce dont elle justifie), de telle sorte que Sapia ne peut invoquer ce manquement.
Par contre, Humanis Prévoyance n’établit pas avoir, dans les délais requis, informé, de manière positive, la société Sapia du signe distinctif adopté en lieu et place de celui qui lui était concédé, sauf à renvoyer aux constats auxquels Sapia a fait procéder, alors que manifestement il appartenait à Humanis de délivrer cette information à son cocontractant et non à ce dernier, de se renseigner.
En ce qui concerne la redirection des sites, le rapport d’audit (pièce défendeurs n°23) mentionne la saisine de l’organisme pour ce faire par l’ex-licencié en mars 2014, pour une intervention estimée inefficace et reprise en juillet 2014, soit bien postérieurement à ce qui était envisagé contractuellement (« trois mois avant le terme du présent contrat »). Ainsi, ce manquement est établi.
Enfin, il est reproché à Humanis de ne pas avoir justifié de la destruction de tout document sur lequel le signe distinctif « Sapia Gestion » serait apposé. Néanmoins, comme le soutient la défenderesse, cette justification ne devait pas intervenir spontanément, mais consécutivement à une « première demande » de Sapia, qui n’a pas été formulée et dont il n’est pas en tout état de cause, justifié.
Ainsi, sont fautifs et imputables à Humanis Prévoyance, la redirection tardive des noms de dornaine exploités par cette défenderesse et le défaut de communication à Sapia du nouveau signe distinctif adopté.
6-sur l’indemnisation des manquements contractuels de Humanis
La somme de 50.000 euros est réclamée à ce titre.
Il est constant que les manquements contractuels précités de Humanis ont participé du préjudice de la société Sapia, qui se trouve ainsi qu’elle en justifie, encore en 2015 sollicitée par les bénéficiaires des services dispensés par les défenderesses, à tel point que la société Sapia s’est trouvée dans l’obligation de diffuser sur son site internet un bandeau informatif rappelant qu’elle n’a aucun lien avec la société Sanofi.
L’indemnisation à ce titre sera fixée à la somme de 20.000 euros et sera supportée par Humanis qui doit seule répondre de ses manquements contractuels.
7-sur l’indemnisation du préjudice moral de Sapia et au titre de la résistance abusive des défenderesses
Le préjudice moral de la société Sapia n’est pas établi. La demande en paiement de la somme de 20.000 euros formée contre les défenderesses à ce titre, n’est pas fondée.
Il est réclamé en réparation de la résistance abusive des mêmes, la somme de 20.000 euros par la société Sapia, qui estime que l’absence de production spontanée par les défenderesses des courriers d’information de changement de dénomination qualifie la résistance abusive de ses adversaires, qui l’ont contrainte à obtenir ces informations sur requête.
Sous couvert d’une autre qualification, la société Sapia invoque en réalité les mêmes faits que ceux reprochés au titre des manquements contractuels de Humanis, qui n’ont pas été précédemment accueillis.
Cette demande sera rejetée.
Compte tenu de l’admission des prétentions principales de la société Sapia, les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires qu’elle présente sont sans objet.
8-sur les manquements contractuels de la société Sapia
Humanis Prévoyance et l’Apgis reprochent à leur adversaire la violation de la clause contractuelle de confidentialité et de redirection des interlocuteurs, ce que Sapia conteste.
Les défenderesses estiment que la production de ces documents est fautive, car non justifiée par les termes du litige et que la publicité que Sapia entend leur donner (publication judiciaire, notification aux tiers) porte atteinte à la confidentialité.
Le protocole transactionnel de 2008 (article 6) et la transaction de 2013 (article 1 0) disposent respectivement que les parties s’engagent à conserver à ces accords « un caractère strictement confidentiel et s’interdisent en conséquence d’en faire état directement ou indirectement, ou de la communiquer (…) à des tiers, à l’exception des autorités ayant un droit de communication « et « à respecter la plus stricte confidentialité sur la négociation, l’existence et le contenu de la présente transaction, sauf à l’égard de toute personne à qui elle serait légalement tenue d’assurer cette communication en vertu d’une obligation légale ou réglementaire, et/ou pour les besoins de son exécution.
Néanmoins, nonobstant ces stipulations, compte tenu des termes du litige et de la nature des prétentions, la société Sapia ne pouvait faire l’économie de la communication de ce document, afin que le tribunal puisse se prononcer sur les demandes, de nature contractuelle et quasi délictuelle. Les manquements allégués de ce chef ne sont donc pas fondés.
Les contrats de 2008 et de 2013 prévoient également à charge de Sapia l’obligation de « rediriger ses interlocuteurs, vers le licencié, au cas où [elle serait encore rendu[e destinataire de demandes concernant le service Sapia Gestion », ce que selon les défenderesses, elle s’est abstenue de faire, en participant au préjudice qu’elle invoque et au leur.
Néanmoins, outre que la société Sapia se trouvait dans l’obligation d’ouvrir les courriers (ne serait-ce que pour identifier l’expéditeur et lui retourner le courrier), les manquements allégués ne sont pas établis et sont contraires aux témoignages et pièces versées (n°17, 18, 37, 46, 53).
Les réclamations sur ce point (10.000 euros réclamés) seront rejetées.
9- sur la demande reconventionnelle de Humanis Prévoyance et Apgis pour procédure abusive
Les défenderesses sollicitent au profit de chacune d’entre elles la condamnation de la société Sapia au paiement de la somme de 10.000 euros, au titre de l’abus du droit d’agir résultant de cette procédure.
L’admission des prétentions de la demanderesse, même partiellement, établit que la procédure ne revêt aucun caractère abusif et la réclamation à ce titre de Humanis Prévoyance et de l’Agpis sera écartée.
10-Sur les autres demandes
Humanis Prévoyance et l’Agpis qui succombent supporteront les dépens et leurs propres frais.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, à payer à l’autre partie, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La somme de 5.000 euros sera allouée à la société Sapia à ce titre.
Aucune circonstance particulière de la cause ne justifie le prononcé de l’exécution provisoire.
DECISION
Le tribunal statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Rejette les moyens tirés de l’irrecevabilité des demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires présentées par la société Sapia,
Déclare irrecevable la demande formée à l’encontre de la société Google,
Dit qu’en faisant usage de la dénomination Sapia et Sapia Gestion, sans autorisation, l’Apgis a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 349294 appartenant à la société Sapia,
Fait interdiction à l’Apgis de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte,
Condamne l’Agpis à payer à la société Sapia, la somme de 30.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre par Apgis avant et après le 1er janvier 2014,
Dit que Humanis Prévoyance, en utilisant le terme « sapia » dans les codes sources du site www.dynalis.fr qui lui appartient a commis des actes de concurrence déloyale et condamne Humanis Prévoyance à payer à la société Sapia, la somme de 10.000 euros en indemnisation de son préjudice,
Fait interdiction à Apgis de reproduire, représenter, exploiter, mettre à disposition, la marque Sapia Gestion n°349 2941 de la société Sapia S.a.r.l., sous astreinte in solidum de 200 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
Ordonne à Humanis Prévoyance et Apgis de faire supprimer toutes références aux termes « Sapia » et/ou « Sapia Gestion » associés à Humanis Prévoyance et Apgis, sur quelque support que ce soit et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 200 euros par infraction constatée,
Rejette les mesures accessoires sollicitées par la société Sapia à titre de dommages et intérêts complémentaires,
Condamne Humanis Prévoyance à payer à la société Sapia, la somme de 20.000 euros en réparation de ses manquements contractuels,
Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires prétentions jugées non fondées,
Condamne Humanis Prévoyance et l’Agpis aux dépens,
Condamne Humanis Prévoyance et l’Agpis à payer à la société Sapia la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, y incluant les frais de constat d’huissier et de l’APP,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
Autorise Me Cyril Fabre (selarl Ydès) avocat, à recouvrer directement contre les défenderesses, ceux des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Le Tribunal : Arnaud Desgranges (vice-président), Carine Gillet (vice-président), Florence Butin (vice-président), Marie-Aline Pignolet (greffier)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Alain Bensoussan
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