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Diffuser une décision de justice altérée constitue un dénigrement
Pour le tribunal de commerce de Lyon, la société Datafirst qui a informé un prospect, le groupe Volkswagen France, de manière tronquée et erronée, sur la lourde condamnation de son concurrent Bee2link a commis un acte de dénigrement, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. Dans son ordonnance de référé du 22 juin 2016, le tribunal lui a fait interdiction, sous astreinte de 10 000 € par infraction, de faire mention de Bee2link auprès d’une personne liée de près ou de loin à VW France. Le tribunal rappelle qu’il est tout à fait licite de communiquer à un tiers une décision de justice, par essence publique. En revanche, la diffusion d’une telle décision tronquée, voire altérée dans sa substance, peut constituer un dénigrement. En l’espèce, Datafirst avait prétendu que Bee2link avait été condamnée pour concurrence déloyale alors qu’il s’agissait du non-respect d’une clause de non-concurrence, le premier fondement ayant été écarté par les juges.
Datafirst avait racheté les parts de la société XC Développement à la société XC Investissement et à trois personnes. Dans le protocole d’accord figurait une clause de non-sollicitation et de non-concurrence pesant sur les vendeurs, courant jusqu’en septembre 2014. Or, une filiale de XC Investissement, Bee2link, a démarché des clients de Datafirst, en proposant la création de sites web avec des fonctionnalités dédiées à l’optimisation de la relation client, et annonçant pour la rentrée 2014 la mise en place d’un CRM, en violation de la clause de non-concurrence de l’accord. La société Datafirst a donc assigné Bee2link et XC Investissement devant le tribunal de commerce de Lyon et a obtenu leur condamnation à près de 290 000 € de dommages-intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence. Elle a, en revanche, été déboutée sur le fondement de la concurrence déloyale. Dans la foulée, Datafirst a adressé une lettre recommandée au président du directoire de Volkswagen France dans laquelle il attirait, entre autres, son attention sur la lourde condamnation de Bee2link pour concurrence déloyale, correspondance qui a également été envoyée à un autre membre du réseau de VW France. Ce dernier a immédiatement averti Bee2link qui a assigné Datafirst en référé afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite.
Pour le tribunal, Datafirst avait sciemment modifié le motif de la décision, fondée sur l’article 1134 du code civil et non l’article 1382, dans le but de jeter le discrédit sur son concurrent. Ce point a d’autant plus d’importance qu’à la date du courrier en 2016, la clause de non-concurrence n’avait plus vocation à s’appliquer puisqu’elle avait expiré en septembre 2014 et ne pouvait donc pas influencer le groupe VW France. Par ailleurs, remarque le tribunal, l’envoi de la lettre intervient juste un mois après l’annonce du constructeur automobile quant au déploiement de la solution du concurrent. « A l’évidence, ce choix n’était pas fortuit mais avait manifestement vocation à tenter de faire pression sur le groupe VW France aux fins qu’il change son choix de solution CRM ».
En plus de l’interdiction de faire mention de Bee2link aux personnes du groupe VW France, Datafirst est enjointe de communiquer à Bee2link les noms et coordonnées complètes de toutes les entités ayant été destinataires de courriers ou de messages dans laquelle copie de la lettre adressée par Datafirst au président du directoire de VW France avait été jointe. En effet, le tribunal soupçonne que d’autres personnes du groupe aient reçu un tel courrier.