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vendredi 09 septembre 2016
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Un lien vers une contrefaçon peut être illicite

 

Dans un arrêt du 8 septembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a affiné sa jurisprudence sur la notion de communication au public sur internet, dans le cas où un lien mène vers des contenus contrefaisants. Elle estime que « si le fait de placer, sur un site Internet, des liens hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une « communication au public » au sens de cette disposition, il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumée ».
Dans cette affaire, le magazine Playboy, édité par Sanoma, avait commandé des clichés à un photographe pour une parution en exclusivité dans le numéro de décembre 2011. Le 26 octobre, le site néerlandais Geenstijl, exploité par GS Media, a reçu un email avec un fichier contenant les photos en cause et hébergé sur Filefactory.com, site dédié au stockage de données. GS Media a publié une partie des photos sur son site le 27 octobre avec un lien vers Filefactory.com où se trouvaient 11 clichés. Le même jour, Sanoma l’a sommé de confirmer que le lien litigieux avait été retiré mais GS Media n’a pas répondu à la sommation. En revanche, Filefactory.com a enlevé les photos à la demande de Sanoma. Le 7 novembre, Sanoma mettait en demeure GS Media de supprimer le lien et les photos en cause. En réponse, GS Media a publié un autre article avec un lien vers un autre site où les photos étaient diffusées, site qui lui aussi s’est soumis à la demande de retrait de Sanoma. Le 17 novembre suivant, GS Media publiait un nouvel article intitulé « Bye bye, adieu Playboy » contenant un nouveau lien vers les photos.

La cour suprême des Pays-Bas a demandé à la Cour européenne de déterminer si le fait de placer sur un site internet un lien hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une « communication au public », au sens de la directive de 2001. D’abord, la Cour rappelle que ce texte a voulu instaurer un niveau élevé de protection des auteurs, ce qui implique que la notion de communication au public doit être entendue de manière large. Dans l’arrêt Svensson, elle avait précisé que ne constitue pas une communication au public le placement d’un lien vers des œuvres librement disponibles sur un autre site avec le consentement du titulaire. Mais un lien vers des photos contrefaisantes est-il pour autant illicite ? La Cour rappelle l’importance à accorder à la liberté d’expression et de communication. Elle a par ailleurs indiqué qu’elle était consciente qu’il n’est pas toujours aisé de vérifier si une diffusion a été autorisée, surtout quand les droits ont fait l’objet d’une sous-licence. La CJUE va donc se prononcer en faveur d’une appréciation individualisée de l’existence d’une communication au public. Ne sera pas considéré comme telle, le placement d’un lien par une personne qui n’a pas agi dans un but lucratif et qui ne savait pas, ou ne pouvait pas raisonnablement savoir, que cette œuvre avait été diffusée en ligne sans autorisation. Dans le cas contraire, le lien pourrait être considéré comme une communication au public car on attend d’un site à but lucratif qu’il réalise les vérifications nécessaires. Donc, on peut présumer qu’il a agi en toute connaissance de cause.